amnistie
Question de :
M. Jean Gaubert
Côtes-d'Armor (2e circonscription) - Socialiste
M. Jean Gaubert souhaite attirer l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'application de l'article 15 de la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie, qui punit d'une amende toute référence à une condamnation amnistiée. Toutefois, l'article 133-11 du code pénal interdisait déjà « à toute personne qui, dans l'exercice de ses fonctions, a connaissance de condamnations pénales, de sanctions disciplinaires ou professionnelles ou d'interdictions, déchéances et incapacités effacées par l'amnistie, d'en rappeler l'existence sous quelque forme que ce soit ou d'en laisser subsister la mention dans un document quelconque ». Il lui demande donc quel texte doit être appliqué et quelles fonctions sont visées par l'article du code pénal. Il lui demande également comment il entend précisément faire appliquer les dispositions de la loi d'amnistie dans le cadre des livres, des archives privées ou publiques, des sites internet et de toute publication sur tout support qui, publiée, imprimée ou éditée avant l'entrée en vigueur de la loi d'amnistie, mentionnerait une condamnation devenue amnistiée.
Réponse publiée le 1er février 2005
Le garde des sceaux a l'honneur de faire connaître à l'honorable parlementaire que l'interdiction du rappel des condamnations et sanctions disciplinaires amnistiées, édictée à l'article 133-11 du code pénal et reprise à l'article 15 de la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie suppose tout d'abord que l'amnistie soit acquise. Pour déterminer dans quelle mesure l'exercice d'une voie de recours peut faire obstacle à l'acquisition de l'amnistie, il convient de distinguer l'amnistie dite réelle, en raison de la nature de l'infraction ou des circonstances de sa commission, prévue aux articles 2 et 3 de la loi du 6 août 2002, de l'amnistie au quantum prévue aux articles 5 à 7 de ladite loi. S'agissant en premier lieu de l'amnistie réelle, le principe d'ordre public qui s'attache à l'amnistie a pour conséquence un arrêt immédiat des poursuites. La jurisprudence en déduit, traditionnellement, qu'à compter de la promulgation de la loi, il ne peut être exercé de voies de recours à l'encontre d'une décision portant amnistie en raison de la nature de l'infraction. Si une voie de recours avait été introduite antérieurement à la promulgation de la loi, les juridictions saisies ne peuvent que constater l'amnistie des faits. S'agissant en second lieu de l'amnistie au quantum, l'article 8 de la loi du 6 août 2002 dispose qu'elle n'est acquise qu'après condamnation définitive. Il convient de préciser en outre que, dans certains cas, tels notamment les délits sanctionnés d'une peine d'amende supérieure à 750 euros (art. 5 de la loi du 6 août 2002) ou d'une peine de travail d'intérêt général (art. 6 de ladite loi), l'amnistie n'est acquise que sous condition d'exécution de la condamnation. Deux hypothèses peuvent se présenter alors. Dans la première hypothèse, une voie de recours a été introduite antérieurement à la promulgation de la loi ; le principe est que la procédure doit suivre son cours et l'amnistie n'est donc pas acquise tant qu'une décision définitive n'a pas été rendue. Toutefois, l'amnistie étant une mesure d'apaisement devant recevoir une application la plus rapide possible, différentes dispositions de la loi tendent à accélérer l'obtention d'une décision définitive. Ainsi, l'article 8, alinéa 4 permet au condamné qui, avant l'entrée en vigueur de la loi d'amnistie, a formé un recours à l'encontre d'une décision entrant dans les prévisions légales en raison de son quantum, de se désister de ce recours, afin de bénéficier immédiatement de l'amnistie. La cour d'appel conserve cependant sa compétence pour statuer sur l'action publique en dépit du désistement du prévenu en cas d'appel principal du procureur de la République. Dans le même esprit, l'article 8, alinéa 2, dispose qu'hors le cas où l'amnistie est subordonnée à l'exécution de la condamnation et en l'absence de partie civile et de voie de recours, l'amnistie est acquise dès le prononcé du jugement rendu par défaut, par itératif défaut ou par jugement contradictoire à signifier, sans qu'il soit besoin de signifier la décision pour la rendre définitive. Dans ce dernier cas cependant, dans l'intérêt du condamné et parce que l'amnistie ne peut préjudicier aux droits des tiers, l'alinéa 3 de l'article 8 précise que la personne bénéficiant ainsi de l'amnistie retrouve la possibilité d'exercer une voie de recours si une instance en réparation est ultérieurement intentée contre elle. Toutefois, ceci ne vise qu'une instance sur intérêts civils et l'exercice d'une voie de recours dans ces conditions ne pourrait autoriser une personne qui y est légalement soumise à s'affranchir de l'interdiction du rappel des condamnations amnistiées prévue à l'article 15 de la loi. Dans la seconde hypothèse, celle de l'exercice d'une voie de recours après la promulgation de la loi d'amnistie, une jurisprudence ancienne, mais non démentie à ce jour, distingue selon qu'il s'agit d'une décision de condamnation ou de relaxe. S'il s'agit d'une décision de condamnation, la jurisprudence estime que dès lors que le quantum de la peine prononcée entre dans les prévisions de la loi d'amnistie, celle-ci est applicable sur-le-champ et l'exercice d'une voie de recours est impossible. Au contraire, en cas de décision de relaxe, la jurisprudence estime que le principe d'interprétation stricte de la loi d'amnistie impose de considérer que les infractions amnistiées ne peuvent être que celles qui ont donné lieu à condamnation et elle admet alors l'exercice d'un recours. En définitive, s'agissant de l'amnistie au quantum, l'interdiction édictée à l'article 15 de la loi du 6 août 2002 ne peut s'appliquer d'une part qu'à des condamnations devenues définitives, étant précisé que, dans certaines hypothèses, le caractère définitif de la condamnation amnistiée sera constaté d'autant plus rapidement que la jurisprudence encadre strictement la possibilité d'intenter une voie de recours. D'autre part, dans les hypothèses où la loi le prévoit, elle s'applique à des condamnations devenues définitives qui, en outre, doivent avoir bénéficié sous condition de l'amnistie. Le garde des sceaux précise ensuite que la portée de l'interdiction édictée à l'article 133-11 du code pénal et reprise à l'article 15 de la loi du 6 août 2002 doit bien être délimitée : elle ne concerne en effet que les personnes qui ont eu connaissance de la condamnation ou de la sanction disciplinaire amnistiée dans l'exercice de leurs fonctions. Par ailleurs, la jurisprudence, tant administrative que judiciaire, interprète cette interdiction de façon restrictive, puisqu'elle considère notamment qu'il est possible de rappeler les faits ayant donné lieu à la condamnation, à condition que la condamnation elle-même ne soit pas évoquée. Enfin, il convient de souligner qu'en tout état de cause, comme il est rappelé à l'article 17, alinéa 2, de la loi du 6 août 2002, une action en révision tendant à faire reconnaître l'innocence du condamné reste possible, en dépit de l'amnistie de la condamnation initiale. De même, la jurisprudence admet la recevabilité d'un pourvoi dans l'intérêt de la loi, même quand la condamnation prononcée par la décision attaquée est amnistiée.
Auteur : M. Jean Gaubert
Type de question : Question écrite
Rubrique : Droit pénal
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Dates :
Question publiée le 20 janvier 2004
Réponse publiée le 1er février 2005