Question écrite n° 33603 :
droit du travail

12e Législature

Question de : M. Pierre Lang
Moselle (6e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Pierre Lang attire l'attention de M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité sur la segmentation du marché du travail en France. Le récent rapport de la Task Force pour l'emploi souligne, parmi les problèmes spécifiques à la France, la difficulté pour les personnes sous contrats à durée déterminée d'accéder à des emplois durables. Ce phénomène, qualifié de « segmentation » ou marché du travail à deux vitesses, s'explique, selon un rapport du Conseil d'analyse économique, par l'augmentation forte des coûts de la protection de l'emploi lors de la transformation d'un CDD en CDI (« Protection de l'emploi et procédures de licenciement », CAE, 2003). Le danger d'une précarisation croissante de certains groupes de la population active est illustré par les données chiffrées sur l'emploi en France. Selon une étude de l'Insee de décembre 2003, l'insécurité de l'emploi, mesurée par le taux de transition annuel des hommes de l'emploi vers le non-emploi, a considérablement augmenté entre 1975 et 2000. Or, à la différence des Etats-Unis, cette insécurité se concentre dans notre pays sur les salariés de moins de dix ans d'ancienneté et sur ceux de plus de 55 ans. De même, les dernières statistiques du chômage en 2003 révèlent que la détérioration de la situation de l'emploi a particulièrement touché les jeunes de moins de 25 ans (+ 7,2 %) et les chômeurs de longue durée (+ 8 %). La segmentation désigne ces inégalités croissantes entre chômeurs et salariés, d'une part, et entre salariés « intégrés » (insiders) et précaires (outsiders), d'autre part. Si les CDI concernent en effet 91 % des salariés, il n'en demeure pas moins que les CDD représentent maintenant 70 % du flux des embauches. Certaines catégories connaissent ainsi un parcours professionnel marqué par une succession de petits boulots et de fréquentes périodes de chômage. Dans un marché du travail au fonctionnement dual, ces personnes finissent par préférer les revenus de l'assistance à la recherche active d'un emploi. L'objectif de la politique de l'emploi doit être de corriger ces effets pervers, en réduisant les disparités entre « formes de contrats standard et non standard, qui rendent particulièrement difficile l'intégration durable des jeunes et de certaines autres catégories défavorisées », selon le rapport de la Task Force. Pour ce faire, il apparaît nécessaire de moderniser les outils de la relation de travail en France. D'abord, en les diversifiant, afin de faciliter l'accès à l'emploi d'un plus grand nombre de personnes. Le contrat de projet peut, à cet égard, constituer une formule intéressante, répondant à des situations particulières, telles que les missions d'experts ou de techniciens de haut niveau. Ensuite, il convient de renforcer l'égalité de traitement entre salariés, quelle que soit la forme juridique de leur contrat. Un meilleur équilibre entre flexibilité et sécurité suppose la mise en place de droits transférables pour les salariés : droits sociaux, accès à un accompagnement personnalisé ou â une formation. Le contrat de projet devrait être encadré par ce type de garde-fous. Enfin, des mesures d'encouragement à l'emploi durable seraient utiles. On peut citer, parmi d'autres, le dispositif créé par le gouvernement portugais en mars 2002, consistant à octroyer des aides financières aux employeurs qui convertissent un CDD en CDI à l'expiration du premier. Ce système est modulable en fonction de la taille de l'entreprise. Face à l'excessive segmentation du marché du travail dans notre pays, il lui demande comment il entend promouvoir un équilibre efficace entre flexibilité et sécurité, et ainsi conduire davantage de personnes vers une insertion professionnelle durable.

Réponse publiée le 30 mars 2004

L'honorable parlementaire a bien voulu attirer l'attention de M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité sur la segmentation du marché du travail français. Il s'interroge en particulier sur les mesures à mettre en oeuvre pour promouvoir un équilibre efficace entre flexibilité et sécurité afin de conduire davantage de personnes vers une insertion professionnelle durable. Le Gouvernement partage les inquiétudes de l'honorable parlementaire en ce qui concerne la nécessaire recherche d'un équilibre entre la flexibilité et la sécurité et l'accès de tous les salariés à un emploi pérenne. Ainsi, confronté à la nécessité de moderniser et sécuriser le code du travail, M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a confié à une mission d'experts présidée par M. Michel de Virville, secrétaire général et directeur des ressources humaines du groupe Renault, le soin de faire des propositions de réforme. Cette mission vient de rendre son rapport. Chacune de ses préconisations fait l'objet, en relation avec les partenaires sociaux, d'un examen attentif de la part du Gouvernement dans le cadre de la préparation du projet de loi de promotion de l'emploi qui devrait être débattu avant l'été.

Données clés

Auteur : M. Pierre Lang

Type de question : Question écrite

Rubrique : Travail

Ministère interrogé : affaires sociales, travail et solidarité

Ministère répondant : affaires sociales, travail et solidarité

Dates :
Question publiée le 10 février 2004
Réponse publiée le 30 mars 2004

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