construction navale
Question de :
M. Daniel Paul
Seine-Maritime (8e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains
Comment ne pas être fiers que les Chantiers de l'Altantique aient assuré, dans les délais, la construction du plus grand paquebot du monde ? Pourtant, le 22 septembre 2003, l'État et les banques décidaient d'apporter 3,2 milliards d'euros au groupe Alstom tout en garantissant parallèlement 3,5 milliards d'euros de lignes de cautions afin d'éviter le dépôt de bilan. Depuis la livraison du Queen Mary 2, les entreprises sous-traitantes des Chantiers de l'Atlantique rencontrent de graves difficultés qui provoquent la disparition de certaines d'entre elles ou/et des réductions d'effectifs. Une restructuration est annoncée, visant à réduire à nouveau les coûts et à adapter l'effectif à la charge, passant ainsi de la production de 5 à 2,5 navires par an. Les conséquences, pour le territoire de la région nazairienne sont inquiétantes. Les chantiers navals de Saint-Nazaire sont indispensables au développement durable de notre territoire et de l'estuaire, mais leur pérennité pourrait être compromise par les choix stratégiques du groupe Alstom. Le projet de restructuration annoncé vise à réduire le potentiel de production. Ainsi la stratégie industrielle « tout paquebot » trouve ses limites pour assurer un plan de charge compatible avec la pérennité des chantiers de l'Atlantique et des activités sous-traitantes. La situation est paradoxale : le développement de la filière industrielle et maritime, particulièrement présente dans l'estuaire de la Loire, constitue l'un des enjeux pointé par la directive territoriale d'aménagement de l'estuaire. Elle exprime la politique de l'État. L'augmentation du trafic de marchandises au niveau mondial et les besoins de remplacement de la flotte de navires pour mieux sécuriser le transport maritime justifient, hors de l'Europe, l'essor des commandes de pétroliers, de porte-conteneurs et de navires de charges. Ainsi les armateurs français ont commandé 70 navires en trois ans, tous dans des chantiers étrangers, et notamment en Corée. L'Union européenne continue de contingenter la production de certains chantiers et avec la mise en oeuvre du programme « Leader Ship 2015 » incite à la réduction des capacités de production. Ainsi les armateurs ne trouvent plus de place disponible pour construire de nouveaux navires. La reprise limitée des commandes de paquebots, confortée par le déséquilibre monétaire euro/dollar et une conjoncture économique incertaine viennent confirmer la nécessité d'une diversification de la construction navale. Après avoir annoncé la construction d'un porte-avions à propulsion classique, le Président de la République a souligné l'importance qu'il attachait à la sécurité maritime. Le concept des « autoroutes de la mer » nécessite l'usage de navires « Roll on et Roll off ». C'est la France qui le porte pour répondre aux besoins de transport. Mais il contribue à une intermodalité des modes de transport plus favorable à la protection de l'environnement. Il s'agit d'un gisement pour la diversification de la construction navale française. Ce contexte, favorable à la diversification de la construction navale et compte tenu des graves difficultés du groupe Alstom et de ses conséquences possibles, suppose, de notre point de vue, l'élaboration d'une politique industrielle et de transport maritime ambitieuse au niveau de l'État français et à l'échelle de l'Europe. Par ailleurs, les chantiers de l'Atlantique peuvent construire le pétrolier 3 E, des porte-conteneurs ; ils assurent la construction de paquebots, d'un car ferry et de deux méthaniers et, bientôt, d'un navire scientifique pour l'Ifremer. Au-delà de cette volonté de sauver le groupe Alstom de la faillite M. Daniel Paul demande à Mme la ministre déléguée à l'industrie quelle politique industrielle le Gouvernement entend mettre en oeuvre dans la construction navale au niveau national et européen. L'avenir de la construction navale est un enjeu fort à toutes les échelles de territoire. Il s'agit du devenir des hommes, du développement de la recherche, des activités et de la création de richesses qu'il procure. C'est un défi national et européen. - Question transmise à M. le ministre délégué à l'industrie.
Réponse publiée le 25 janvier 2005
La concurrence internationale exacerbée qui caractérise le secteur de la construction navale a nécessité une restructuration forte ainsi qu'une évolution de l'offre et une amélioration de la productivité des chantiers de construction navale français comme européens pour leur permettre de faire face à l'agressivité des chantiers asiatiques, qui dominent ce secteur. Les chantiers français ont dû abandonner la construction de navires relativement simples comme les pétroliers et les vraquiers pour lesquels les pays à faible coût de main-d'oeuvre détiennent un avantage certain. Ils ont dû se positionner sur les navires à haute technologie (paquebots, méthaniers, navires à grande vitesse, etc.). Chantiers de l'Atlantique, après avoir été constructeur des plus grands pétroliers du monde durant la décennie 70, s'est ainsi orienté au cours des années 80 vers la construction de navires de haute technologie, principalement paquebots et méthaniers. Ce positionnement stratégique combiné à des efforts de productivité a permis au chantier de Saint-Nazaire de bénéficier pleinement de l'essor du marché des navires de croisière et de devenir un des leaders mondiaux de la construction de ces navires en obtenant notamment, en novembre 2000, la commande du plus grand paquebot transatlantique de tous les temps, Queen Mary 2. Le marché de la croisière a connu un brutal coup d'arrêt après les événements du 11 septembre 2001 aux États-Unis et tarde maintenant à reprendre, compte tenu de la conjoncture internationale peu favorable. Même si ce marché offre encore de belles perspectives selon les spécialistes, son évolution prévisible reste aléatoire. Par ailleurs, les commandes de construction d'autres types de navires (méthaniers, transbordeurs à passagers, éventuellement navires des autoroutes de la mer, etc.) font l'objet d'une concurrence encore plus sévère. L'ensemble de ces éléments rend nécessaire une adaptation de la capacité du chantier nazairien. Dans ce contexte, la politique gouvernementale a consisté à défendre et obtenir l'inclusion des méthaniers dans le mécanisme défensif temporaire mis en place pendant l'instruction de la plainte déposée par la commission à l'encontre de la Corée le 24 octobre 2002, qui autorise l'octroi d'une aide à la commande de 6 % pour certains types de navires pour pallier le dumping des chantiers navals coréens. C'est dans ce contexte que Chantiers de l'Atlantique a obtenu les contrats de construction de deux méthaniers pour Gaz de France. Le creux de charge actuel a également été mis à profit pour lancer un programme d'actions de soutien stratégique et de formation à l'intention des personnels du chantier et de ses principaux sous-traitants, désigné projet Cap Compétences. Ce projet est soutenu par les pouvoirs publics, en conformité avec la réglementation communautaire. De plus, le Gouvernement appliquera au mieux des intérêts de nos chantiers le nouvel encadrement communautaire des aides d'État à la construction navale, moins restrictif que ne l'était le règlement de 1998 dont il a pris le relais le 1er janvier 2004. En effet, ce nouveau texte ouvre à ce secteur la possibilité de bénéficier des règles horizontales en vigueur en matière d'aides à la formation, à la recherche et au développement, à la protection de l'environnement, aux petites et moyennes entreprises, au sauvetage et à la restructuration et à l'emploi. Par ailleurs, les dispositions spécifiques au secteur, déjà existantes dans le précédent règlement, sont reconduites : facilité de crédit aux armateurs, aides au développement, aides à la fermeture et aides à l'innovation. En outre, les conditions de mise en oeuvre des aides à l'innovation ont été assouplies par rapport à celles figurant dans le règlement de 1998 afin de répondre à l'une des préoccupations exprimées par les industriels européens dans le cadre de l'initiative Leadership 2015. Des mesures d'aide à nos chantiers peuvent être envisagées dans ce cadre bien qu'elle doivent au préalable être acceptées au niveau européen. D'autres mesures ont été identifiées, comme la mise en place d'un fonds commun de garantie au niveau de l'Union européenne ou le renforcement des instruments existants en matière de droits de propriété industrielle. Elles font actuellement l'objet d'une étude de la part des services de la Commission. Le Gouvernement est particulièrement attentif à l'avenir de la construction navale en France, dont il mesure le caractère stratégique.
Auteur : M. Daniel Paul
Type de question : Question écrite
Rubrique : Industrie
Ministère interrogé : industrie
Ministère répondant : industrie
Dates :
Question publiée le 2 mars 2004
Réponse publiée le 25 janvier 2005