États-Unis
Question de :
M. André Vallini
Isère (9e circonscription) - Socialiste
M. André Vallini attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur les conditions de détention des prisonniers sur la base de Guantanamo, et notamment sur le sort des ressortissants français. En effet, la situation est des plus préoccupantes. La base en question ne se trouve pas sur le sol américain. Donc, selon Washington, les droits de la défense garantis par la Constitution des États-Unis ne s'y appliqueraient pas. La notion de combattant illégal est inconnue du droit international. La Convention de Genève pose un principe de présomption : « Tout individu pris les armes à la main est prisonnier de guerre sauf preuve contraire. » Les prisonniers ont droit à un procès équitable et loyal, à une défense et à la possibilité de recours. Or les autorités américaines considèrent ces hommes, dont certains sont mineurs, comme des personnes sans droit. Ainsi, leur sort demeure imprévisible, sans échéance, ni recours. En vertu de l'article 13 de la Convention de Genève, « les prisonniers de guerre doivent être traités en tout temps avec humanité [...]. Ils doivent de même en tout temps être protégés notamment contre tout acte de violence ou d'intimidation, contre les insultes et la curiosité publique ». Or force est de constater que le traitement des détenus ne répond pas à ces exigences. Le préalable nécessaire eut été de déterminer le statut de ces détenus. Á cet égard, l'article 5 de la Convention de Genève dispose que « s'il existe un doute sur l'appartenance à l'une des catégories énumérées à l'article 4 [...], lesdites personnes bénéficieront de la protection de la présente Convention en attendant que leur statut ait été déterminé par un tribunal compétent ». Les États-Unis ne respectent donc pas le droit international, ni leur engagement envers la Convention de Genève. Le Pentagone a admis qu'il avait des plans pour édifier « une chambre d'exécution ». Pourtant, aucune définition des peines n'a été établie et aucun appel ne sera possible : seuls le Président des États-Unis et le secrétaire à la défense pourront réviser une condamnation. La lutte contre le terrorisme est nécessaire, mais les démocraties ne doivent pas, pour autant, renoncer à leur valeur fondatrice : le respect de la dignité humaine. Il lui demande donc quelles sont les intentions de la France pour que les détenus de Guantanamo bénéficient de toutes les garanties offertes par le droit international.
Réponse publiée le 10 août 2004
Les autorités américaines ne considèrent les détenus de Guantanamo ni comme des prisonniers de guerre ni comme des détenus de droit commun. Elles les qualifient « d'ennemis combattants ». Sept ressortissants français se trouvent parmi ces détenus. La France a demandé dès janvier 2002 aux États-Unis que ces prisonniers bénéficient, quels que soient leur statut et leur nationalité, de toutes les garanties reconnues par le droit international, en particulier en ce qui concerne les conditions de leur détention. Elle a exprimé son opposition à un jugement par des tribunaux d'exception. Elle a demandé que les détenus de nationalité française, au cas où il y aurait matière à les poursuivre, soient jugés en France, où une information judiciaire a été ouverte en novembre 2002 par le Parquet de Paris. Elle a en outre engagé en 2002 des actions de coopération judiciaire en matière pénale avec les États-Unis. Depuis l'origine, les contacts à haut niveau ont été mis à profit, chaque fois que cela était possible, pour évoquer avec les autorités américaines la question du statut et de l'avenir judiciaire de nos ressortissants. A la suite d'une proposition du département d'État d'engager des consultations sur le sort de nos détenus, l'ambassadeur itinérant des États-Unis pour les crimes de guerre, M. Pierre-Richard Prosper, a été reçu à Paris le 5 mars 2004. Les entretiens qu'il a eus au ministère des affaires étrangères et à la chancellerie ont porté sur les conditions d'un éventuel retour en France des détenus français. Les conditions et modalités d'un retour en France des détenus français de Guantanamo continuent d'être examinées très attentivement avec les autorités américaines. Tout est mis en oeuvre pour que le retour de tous nos détenus intervienne le plus rapidement possible. La récente décision de la Cour Suprême (28 juin) reconnaissant aux détenus de Guantanamo le droit d'accéder aux tribunaux fédéraux américains ne fait pas obstacle à la poursuite de nos discussions avec les autorités américaines en vue du transfert en France de nos détenus dès que possible.
Auteur : M. André Vallini
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : affaires étrangères
Ministère répondant : affaires étrangères
Dates :
Question publiée le 30 mars 2004
Réponse publiée le 10 août 2004