Question écrite n° 36965 :
accord d'entraide judiciaire entre l'Union européenne et les États-Unis

12e Législature

Question de : M. Pierre Ducout
Gironde (7e circonscription) - Socialiste

M. Pierre Ducout attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur les conséquences de l'accord sur l'extradition judiciaire et l'entraide judiciaire signé le 25 juin 2003, entre l'Union européenne et les États-Unis. Depuis de nombreuses années, la police fédérale américaine a la possibilité, en matière de lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme, d'organiser directement les polices des pays européens. La mise en place d'équipes policières mixtes associant le FBI n'est qu'un des moyens utilisés par cet office, pour diriger les différents corps nationaux. En effet, le FBI est membre à part entière du groupe Trevi qui organise la coopération policière au niveau européen et dont sont membres les ministres de l'intérieur des différents États européens. Les exigences formulées à l'occasion du groupe Trevi par la police fédérale américaine visent à permettre une interception légale des communications informatiques, une conservation des données, ainsi qu'une surveillance généralisée et explorative du Net. Elles seront progressivement satisfaites : différentes directives du Conseil vont répondre positivement à ces demandes. On peut dès lors déjà se demander quelles sont les protections du citoyen français vis-à-vis des États-Unis alors que notre droit national interdit de telles pratiques. Mais l'accord du 25 juin 2003 va encore plus loin, puisqu'il conduit à une intégration matérielle des appareils judiciaires européens dans le système de suspension du droit mis en place par les États-Unis. En effet, rien n'empêchera que des ressortissants européens soient remis par leurs autorités nationales aux États-Unis, rien n'empêchera que ces mêmes ressortissants soient jugés par des tribunaux d'exception américains, dont les membres sont désignés par le président Bush. Le procès peut être secret et il n'y a pas de procédure d'appel devant une juridiction civile. Quant à l'acceptation des preuves, le régime est assoupli, puisqu'il suffit, en vertu du décret présidentiel, pris dans le cadre du USA Patriot Act, l'excutive order du 13 novembre 2001, que les preuves soient « convaincantes pour une personne raisonnable ». Dans tous les cas, la réciproque est impossible, puisque le citoyen américain, lui, échappe à toute demande d'extradition. La deuxième partie de cet accord couvre des matières très larges, de l'échange d'informations bancaires à la surveillance et à l'interception des communications privées, sans aucun contrôle du juge français. Si la finalité pénale est régulièrement mise en avant pour justifier l'échange de ces données personnelles, il est prévu une extension quasi illimitée de l'utilisation des informations échangées, qui peuvent également être employées dans des procédures administratives non pénales. De même, les autorités américaines n'offrent aucune garantie que ces données ne seraient pas transmises à des entreprises privées. Que dire encore de l'accord du 20 décembre 2002, entre Europol et les États-Unis qui doit faciliter l'échange d'informations « à caractère personnel » ?. Il s'agit de renseignements sur les « caractéristiques physiques, physiologiques, mentales, économiques, culturelles et sociales » de toute personne européenne et ceci sans qu'aucune infraction ait été commise, puisque la détection et la prévention des délits permettent de s'affranchir de l'existence d'une infraction. En conséquence, il lui demande ce que compte faire le Gouvernement pour éviter que demain un simple citoyen français ne soit pas expulsable en secret vers les États-Unis, jugé, et condamné à mort, sans que sa famille soit jamais alertée de son sort.

Réponse publiée le 11 mai 2004

Le 25 juin 2003, l'Union européenne et les États-Unis d'Amérique ont signé à Washington deux accords de coopération judiciaire : le premier sur l'extradition et le second sur l'entraide judiciaire en matière pénale. À ce jour les négociations se poursuivent entre les États-unis et chaque État membre de l'Union européenne afin d'élaborer des instruments écrits bilatéraux nécessaires à la mise en oeuvre des deux accords précités. Les accords entre l'Union européenne et les États-Unis d'Amérique précisent, dans leur article 3, les modalités suivant lesquelles ils s'articulent avec des conventions bilatérales portant sur le même objet, antérieurement conclues par chaque État membre. La France a ainsi conclu avec les États-Unis d'Amérique un traité d'extradition le 23 avril 1996 et un traité d'entraide judiciaire en matière pénale le 10 décembre 1998. S'agissant de l'extradition d'un ressortissant français, l'article 3 du traité bilatéral, qui n'a pas été affecté par l'accord entre l'Union européenne et les États-Unis, prévoit la possibilité pour l'État requis de refuser l'extradition, sous réserve pour cet État de soumettre la personne réclamée à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale, conformément au principe classique de l'extradition pénale, conformément au principe classique de l'extradition aut dedere, aut judicare. Il n'y a donc aucune évolution du droit sur ce point. S'agissant du prononcé de la peine de mort, l'article 13 de l'accord d'extradition reprend le principe qui fonde la pratique des juridictions françaises en conditionnant l'extradition vers les États-Unis à l'obtention d'assurances que la peine de mort ne sera pas prononcée ou pas exécutée. Il convient de rappeler à cet égard que la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, de même que la commission des lois du Sénat, ont estimé que les garanties prévues par ce texte étaient pleinement satisfaisantes. Enfin, s'agissant du respect des droits de la défense, et donc du risque d'un jugement prononcé par une juridiction d'exception, il convient de souligner que l'accord d'extradition ne saurait faire échec au respect par l'Union européenne, conformément aux stipulations du paragraphe 2 de l'article 6 du traité sur l'Union européenne, des droits fondamentaux tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ceci vaut évidemment pour la France en sa qualité d'État Partie à la convention.

Données clés

Auteur : M. Pierre Ducout

Type de question : Question écrite

Rubrique : Traités et conventions

Ministère interrogé : affaires étrangères

Ministère répondant : affaires étrangères

Dates :
Question publiée le 6 avril 2004
Réponse publiée le 11 mai 2004

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