eau
Question de :
Mme Chantal Robin-Rodrigo
Hautes-Pyrénées (2e circonscription) - Socialiste
A l'occasion du dernier Forum ministériel mondial sur l'environnement, le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) constate que le nombre de « zones mortes » dans les océans de la planète a doublé en seulement dix ans. Cent cinquante zones côtières, qui s'étendent de moins de 1 kilomètre carré à plus de 70 000 kilomètres carrés, n'hébergent aujourd'hui quasiment plus de vie. Le phénomène est apparu dans les années 1960 aux Etats-Unis, dans la baie de Chesapeake, puis dans le golfe du Mexique, en Baltique, en mer Noire et au nord de l'Adriatique. En effet, les fleuves charrient toujours plus de quantités massives d'engrais azotés issus de l'agriculture et de nutriments contenus dans les eaux usées. Cet azote aqueux provoque une prolifération du plancton qui pompe l'oxygène de l'eau, privant ainsi la faune et la flore d'oxygène. Aujourd'hui l'Amérique du Sud, le Japon, la Chine, l'Australie et la Nouvelle-Zélande sont touchés. Soulignant les efforts européens pour réduire la pollution du Rhin à l'azote, le directeur exécutif du PNUE, M. Klaus Toepfer, a appelé les États à une « réaction d'urgence pour traiter le problème à la source ». Faute de quoi, cette pollution azotée pourrait décimer un peu plus la ressource marine déjà surexploitée, et mettre en danger les populations dont la survie est conditionnée par la pêche. Compte tenu de ces éléments, Mme Chantal Robin-Rodrigo demande à M. le ministre de l'écologie et du développement durable de lui indiquer les mesures urgentes et supplémentaires qu'il entend prendre en compagnie de ses collègues européens afin d'inverser cette tendance en Europe.
Réponse publiée le 10 août 2004
Le ministre de l'écologie et du développement durable a pris connaissance, avec intérêt, de la question concernant les perspectives, au plan communautaire, en matière de lutte contre l'eutrophisation des eaux des zones côtières européennes. Le terme « eutrophisation » désigne l'enrichissement de l'eau par des nutriments (notamment des composés de l'azote et/ou du phosphore), entraînant une croissance accélérée du phytoplancton, des algues et de formes plus élevées de vie végétale qui provoque un déséquilibre inopportun des organismes présents dans l'eau et porte atteinte à la qualité des eaux concernées. Ce terme se réfère donc aux effets indésirables d'un enrichissement par des nutriments d'origine anthropique. Si les épandages de lisier dans les zones d'élevage intensif sont souvent évoqués comme étant la cause principale des « marées vertes », il convient toutefois de préciser qu'ils ne constituent pas l'unique facteur intervenant dans la survenance de ce phénomène. En effet, les proliférations de végétaux dans les eaux côtières dépendent également des conditions hydrodynamiques (dilution et brassage), de l'ensoleillement, et dans certains cas, de l'apport d'éléments nutritifs dont la principale source n'est pas toujours d'origine agricole mais également d'origine urbaine, en particulier le phosphore et l'azote ammoniacal. Les manifestations de cette eutrophisation peuvent prendre deux formes : soit des proliférations de phytoplancton « eaux colorées », soit des proliférations de macro-algues vertes (principalement des ulves) communément appelées « marées vertes ». L'eutrophisation marine peut conduire à une perte de biodiversité dans la mesure où les espèces végétales proliférantes envahissent le biotope et empêchent les autres espèces de croître et de se reproduire. La diminution de la concentration en oxygène dissous, d'une part du fait de la respiration nocturne des végétaux résultant de l'eutrophisation et d'autre part de la décomposition de la matière organique végétale morte, peut également conduire à une mortalité accrue de certains animaux présents dans le milieu. Pleinement conscient des dommages encourus par une augmentation éventuelle des phénomènes d'eutrophisation, le gouvernement conduit une action de longue haleine pour réduire les pollutions, que leur origine soit agricole ou urbaine. Trois orientations sont aujourd'hui retenues au niveau européen et par voie de conséquence mises en oeuvre au niveau national : maîtriser les pollutions agricoles par la mise en oeuvre de la directive « nitrates » (programmes d'action en zones vulnérables) ; maîtriser les rejets d'origine urbaine par la mise en oeuvre de la directive « ERU » (eaux résiduaires urbaines) dans les zones sensibles ; atteindre les objectifs fixés par la directive cadre sur l'eau : bon état écologique et bon état chimique d'ici 2015. En matière d'agriculture, le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA) a été relancé en 2002 pour permettre une meilleure gestion des effluents d'élevage. Afin de rendre ce programme plus efficace, il concerne toutes les exploitations situées en zones vulnérables, quelle que soit leur taille. De plus, la mise en oeuvre de la conditionnalité des aides de la politique agricole commune sur la base notamment du respect de la directive nitrate constituera à partir de 2005 un levier puissant pour faire évoluer les pratiques. Il apparaît également nécessaire de mettre en place une taxation de l'azote pour compléter ce dispositif. En ce qui concerne la maîtrise des apports polluants d'origine urbaine, la France met en oeuvre la directive du 21 mai 1991 relative au traitement des eaux résiduaires urbaines, qui prévoit notamment un traitement plus poussé de l'azote et/ou du phosphore, selon le type de sensibilité du milieu, sur les rejets représentant plus de 10 000 équivalents habitants en zone définie comme « sensible ». La directive fixant des « minima », la réglementation nationale prévoit en outre que les préfets peuvent imposer des traitements plus poussés de ces paramètres sur les autres rejets urbains, en fonction de la sensibilité et de l'état du milieu récepteur des rejets. La réduction des flux de nutriments azotés arrivant à la mer devrait permettre, à terme, de diminuer progressivement l'apparition de ces phénomènes d'eutrophisation. Les mesures envisagées en ce sens ne pourront toutefois produire pleinement leurs effets qu'après un long travail de mise aux normes des stations d'épuration urbaines et plusieurs années d'évolution des pratiques agricoles relatives à la gestion de l'azote minéral et organique. Par ailleurs, la commission européenne a engagé des travaux en vue d'aboutir à une définition de l'eutrophisation, de faire un état des connaissances sur les facteurs et mécanismes de l'eutrophisation des eaux douces et marines, de lister une batterie de critères et de proposer des réseaux de surveillance pour maîtriser cette dégradation des eaux. Ces travaux pour une meilleure connaissance des phénomènes viendront compléter le dispositif des directives existantes visant à réduire les émissions de polluants et permettront de les adapter si nécessaire ensuite.
Auteur : Mme Chantal Robin-Rodrigo
Type de question : Question écrite
Rubrique : Déchets, pollution et nuisances
Ministère interrogé : écologie
Ministère répondant : écologie
Dates :
Question publiée le 13 avril 2004
Réponse publiée le 10 août 2004