Question écrite n° 37811 :
associations de contribuables

12e Législature

Question de : M. François-Xavier Villain
Nord (18e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. François-Xavier Villain appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, à propos de la proposition de loi n° 481 déposée à l'Assemblée nationale le 18 décembre 2002 tendant à donner la possibilité à des associations nationales de contribuables de se constituer partie civile. Aujourd'hui, en effet, les associations de défense des contribuables n'ont pas le droit de se porter partie civile, et particulièrement dans les affaires de fonds publics et de corruption. Si la représentation nationale est dotée chaque année du contrôle des dépenses de l'État par le vote des projets de loi de finances et, par définition, du contrôle permanent du pouvoir exécutif via les commissions d'enquête et les questions au Gouvernement, il n'empêche que la liberté de chaque entité morale doit permettre de pouvoir se porter partie civile. La proposition de loi n° 481 restreint toutefois cette possibilité aux seules associations nationales ayant au moins cinq années d'existence continue, et cela pour ne pas multiplier inutilement les intervenants et s'assurer de leur aptitude à veiller à la bonne gestion des deniers publics. Il lui demande donc de lui faire part de ses intentions quant à cette proposition de loi.

Réponse publiée le 22 juin 2004

Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que le droit d'ester en justice n'est reconnu que pour autant que la personne qui l'exerce fait état d'une qualité et d'un intérêt justifiant son action, étant entendu que pour les personnes morales, et notamment pour les associations, cet intérêt s'apprécie en fonction de leur objet social. Ni le législateur ni la jurisprudence n'ont toutefois, à ce jour, consacré un droit d'action des contribuables nationaux, ou des associations les représentant, en raison du caractère quasi universel qu'un tel intérêt serait susceptible de recouvrir. Potentiellement, d'innombrables actions, dans des domaines très divers, pourraient être justifiées au nom des charges induites directement ou indirectement sur les finances publiques nationales. L'intérêt général qui serait ainsi défendu ne serait, somme toute, guère distinct de celui qui gouverne l'action du ministère public lui-même. A cet égard, il convient de rappeler qu'il appartient au premier chef au ministère public, en charge de l'intérêt général, d'exercer l'action publique avec détermination lorsque des faits de corruption ou de détournements de fonds publics portés à sa connaissance sont avérés. Dans l'exercice de cette mission, il faut souligner le rôle primordial joué par différentes institutions de l'Etat, comme l'Inspection générale des finances, la mission interministérielle d'enquête sur les marchés publics et surtout par les juridictions financières à qui il incombe de contrôler les comptes des comptables publics et de s'assurer du bon emploi de fonds publics. Ces institutions ont l'obligation de porter à la connaissance du ministère public les faits de nature à constituer des infractions pénales, dont elles auraient eu connaissance dans l'exercice de leurs missions de contrôle. L'effectivité de cette obligation est assurée par la mise en place de politiques de partenariat, pour certaines formalisées dans des circulaires, telle celle du 11 juin 2003 relative aux relations entre les juridictions financières et l'autorité judiciaire. Par ailleurs, au plan local, l'article L. 2132-5 du code général des collectivités territoriales permet à tout contribuable d'exercer, sur autorisation du tribunal administratif, toute action qu'il croit appartenir à la collectivité intéressée et que celle-ci a refusé ou négligé d'exercer. Ces dispositions traditionnellement applicables aux communes ont été étendues, aux termes de la loi n° 2000-629 du 7 juillet 2000, aux départements, aux régions et aux établissements publics de coopération intercommunale (L. 3133-1, L. 4143-1, L. 5211-58 du code général des collectivités territoriales). Chaque contribuable tire donc de cette seule qualité le droit de se substituer à sa collectivité locale défaillante pour, une fois obtenu l'accord du tribunal administratif, porter plainte avec constitution de partie civile. En outre, et ainsi que l'a jugé la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt en date du 27 octobre 1997, les associations agréées de consommateurs peuvent se constituer partie civile relativement à des faits de corruption, dès lors qu'ils porteraient atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs, aucune infraction ayant porté une atteinte directe ou indirecte à cet intérêt n'étant exclue des prévisions de l'article L. 421-1 du code de la consommation. Pour l'ensemble de ces raisons, il ne paraît guère envisageable de promouvoir l'action en justice pour des associations de défense des contribuables sans remettre en cause la notion même d'intérêt pour agir qui fonde le droit d'ester en justice, en ce qu'elle suppose une certaine spécificité.

Données clés

Auteur : M. François-Xavier Villain

Type de question : Question écrite

Rubrique : Associations

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Dates :
Question publiée le 20 avril 2004
Réponse publiée le 22 juin 2004

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