Chine
Question de :
M. Pierre Morange
Yvelines (6e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Pierre Morange souhaite attirer l'attention de M. le ministre délégué au commerce extérieur sur la présence des entreprises françaises sur le marché chinois. Le rapport publié le 5 mars dernier par l'UMC précise que les échanges commerciaux augmenteraient de 7,5 % un 2004 si la reprise économique se confirmait aux États-Unis et en Europe. L'année 2003 a été marquée par une croissance de 4,5 % des transactions commerciales, les exportations de marchandises ont augmenté de 16 % (7 300 milliards de dollars) et celles de services de 12 % (1 800 milliards de dollars). Ces résultats se révèlent être les meilleurs enregistrés depuis la création de l'OMC en 1995 malgré la guerre en Irak et la crise du SRAS en Asie du Sud-Est. Dans ce contexte, avec une croissance économique de 9,1 %, la Chine s'est illustrée par une hausse de 40 % de ses exportations et de 35 % de ses importations. En outre, les importations destinées au marché intérieur ont connu une hausse de 45 %. Ce dynamisme résulte d'une politique offensive qui se caractérise notamment par la multiplication des créations de zones industrielles : les investissements dans le secteur de la sidérurgie ont augmenté de 97 %, de 121 % dans le ciment et de 87 % dans l'automobile. Ces chiffres inédits placent l'économie chinoise au 3e rang des importateurs mondiaux de marchandises, derrière les États-Unis et l'Allemagne. Or, la France, qui détient moins de 2 % de parts du marché chinois, ne représente que son 12e fournisseur. Compte tenu du formidable potentiel économique de la Chine, il lui demande si le Gouvernement entend prendre des mesures pour renforcer la présence des entreprises nationales sur ce marché.
Réponse publiée le 29 juin 2004
Il s'agit en effet d'une question stratégique pour l'économie mondiale, et bien entendu pour l'économie et le commerce extérieur de la France. La rapidité du rattrapage économique chinois constitue l'un des phénomènes économiques majeurs des 25 dernières années. La richesse par habitant en Chine a augmenté en moyenne de 8,5 % par an au cours du dernier quart de siècle. Depuis cinq ans, la croissance du PIB chinois s'est établie entre 7 % (en 1999) et 9,7 % (record, en 2003), de source Fonds monétaire international. La Chine se place désormais au 6e rang mondial en termes de PIB (1 410 Md USD), représentant 14 % de la richesse mondiale (contre 4 % il y a vingt-cinq ans) et au 4e rang en termes de production industrielle. Le commerce extérieur de la Chine (850 Md USD en 2002) représente désormais 5 % du total mondial (il a décuplé en vingt-cinq ans). Les entreprises étrangères jouent un rôle central dans l'essor économique de la Chine : si leur contribution à l'investissement total en Chine est modique (de l'ordre de 10 % en moyenne sur les dernières années), leurs investissements directs permettent un saut qualitatif de la production et une insertion dans les circuits du commerce international. 54 % du commerce extérieur de la Chine est ainsi réalise aujourd'hui par des entreprises à capitaux étrangers. Ce rôle majeur génère non seulement des parts de marché et des grands contrats, mais également des rapatriements de bénéfices non négligeables (de l'ordre de 15 Mds euros par an à l'échelle mondiale). Il s'agit d'un marché gigantesque (1,3 milliard de consommateurs), qui connaît un phénomène de rattrapage durable en termes de niveau de vie et donc de profil de consommation : 120 à 150 millions de consommateurs chinois présentent déjà un profil comparable aux marchés des pays développés (volume et type de consommation), cette cible ne peut que croître et se diversifier, offrant ainsi autant d'opportunités nouvelles aux exportateurs étrangers. Nos entreprises n'ont pas d'autre choix que de s'y intéresser. La Chine est en passe de devenir importateur net : sur les 4 premiers mois de 2004, la Chine a affiché un déficit commercial face au reste du monde. Cela prouve que le rythme et l'ampleur du développement du marché intérieur chinois est bien une donnée structurelle dont le poids relatif dans l'impact du développement économique de la Chine sur les autres acteurs économiques mondiaux va se renforcer considérablement. Si les relations économiques bilatérales connaissent une tendance clairement dynamique en volume, la part de marché de la France en Chine demeure encore insuffisante : à presque 18 Mds euros (17,8) d'échanges commerciaux bilatéraux en 2003, soit + 20 % d'une année sur l'autre, dont 4,5 MdEUR d'exportations françaises vers la Chine en progression de 32 % par rapport à 2002, correspondent le passage de la Chine au 10e rang de nos clients (14e en 2002) et son maintien au 8e rang de nos fournisseurs, mais également au 1er rang de nos déficits bilatéraux (8,7 MdEUR). Notre part de marché de 1,4 % en 2003 reflète un arrêt de l'érosion relative observée depuis 1999 (2,7 %) et un classement au 2e rang des fournisseurs européens (derrière l'Allemagne, à 5 % de part de marché) qu'il nous appartient désormais de consolider pour la faire progresser à nouveau. Deux mesures importantes, structurelles, ont été prises ces derniers mois pour améliorer cette situation : le plan d'action commerciale mis en place en septembre 2003 vise à renforcer la place des entreprises françaises, au 1er rang desquelles les PME, sur le marché chinois : une information renforcée des entreprises, ciblée par secteurs et par marchés et démultipliée en régions, la multiplication des salons professionnels (notamment par voie de labellisation) qui amène pour 2004 la Chine au 1er rang du programme d'actions collectives d'Ubifrance (de 9 manifestations en 2003 à 13 + 10 salons labellisés en 2004, auxquels s'ajoutent 5 colloques sectoriels), le développement des missions collectives d'entreprises sur le marché chinois en liaison avec le réseau des chambres de commerce et les fédérations professionnelles, la mise en place de prestations d'accompagnement spécifiques pour les PME sur ce marché encore complexe, et enfin une politique de soutien à la formation des ressources humaines constituent les axes majeurs de ce plan d'action. La coopération financière bilatérale connaît une relance : un nouvel accord-cadre a été signé entre le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le ministre chinois des finances, le 7 avril dernier à Paris. Cet accord permet une relance de notre soutien financier à d'importants projets chinois dans des secteurs clés (transports, environnement) où nos entreprises excellent, et doit permettre de combler au moins partiellement l'écart qui se creusait jusqu'à présent avec nos concurrents japonais en termes de politique financière. L'Agence française de développement (AFD) est à présent autorisée à intervenir en Chine. Elle a signé un premier financement de projet : (35 MEUR) avec la partie chinoise, qui concerne le yunnan (projet d'axe routier pour désenclaver cette province) et s'inscrit dans le cadre régional du GMS (sous-région du Grand Mékong) en cofinancement avec la banque asiatique de développement (BAD). Ces initiatives visent naturellement à soutenir les offres françaises sur les grands projets d'actualité en Chine : le gouvernement chinois a lancé des politiques sectorielles, largement centrées sur l'industrie et les transports, d'une ampleur sans précédent. Le président Hu Jintao les a rappelées lors de la visite d'État qu'il a effectuée en France en janvier dernier, y compris devant les principales entreprises françaises que le ministre délégué au commerce extérieur a eu l'honneur de lui présenter. Ce sont autant de grands projets sur lesquels se positionne l'offre française : dans le secteur énergétique (augmentation des capacités de production électrique de 30 000 MW, à court terme 2 nouvelles tranches de centrales à eau pressurisée, à plus moyen terme 4 tranches de technologie plus avancée), dans le ferroviaire (souhait de disposer d'un réseau ferré de 100 000 km en 2020 contre 72 000 aujourd'hui, électrification, développement de lignes dédiées au trafic passagers à « vitesse rapide » soit à plus de 200 km/h, projets de lignes à grande vitesse soit plus de 300 km/h notamment Pékin-Shanghaï), sans oublier bien entendu l'environnement (affichage récent par la Chine du souhait de développer une politique de développement durable, anticipation par Veolia d'une croissance de son chiffre d'affaires des 350 MEUR actuels à 2 MdEUR en 2010) et l'aéronautique (Airbus avec le projet de contrat pour dix A 330 pour China Eastern et la promotion de l'A 380, ATR avec l'objectif de concrétiser les cinq appareils en option depuis plusieurs années, coopération plus fournie et à plus forte valeur technologique dans les hélicoptères). Le transfert de technologie, souhaité par la Chine, ne doit pas nous faire peur : nos entreprises s'y prêtent sans états d'âme, dans le cadre des règles existantes bien entendu, et le jeu est mutuellement gagnant pour les parties prenantes. Au-delà des grands projets, cela peut aussi se refléter dans des partenariats à vocation mondiale (TCL-THOMSON). Les mesures prises afin de maximiser l'affichage de cette offre française sont de plusieurs types : colloques et séminaires sectoriels, orientés sur les technologies, organisés en Chine par Ubifrance, les fédérations professionnelles et les entreprises concernées ; une action de formation d'ingénieurs chinois dans le secteur ferroviaire (qui se déroulera de septembre à novembre 2004 en France, portée par Alstom et SNCF International) ; des actions de formation professionnelle, notamment des projets d'écoles d'ingénieurs franco-chinoises en Chine (exemple du projet d'école centrale de Pékin). Enfin, nous ne souhaitons pas pour autant délaisser des sujets négatifs pour nos entreprises : c'est pourquoi nous demeurons vigilants quant au respect par la Chine des engagements qu'elle a contractés dans le cadre de son adhésion à l'Organisation mondiale du commerce, et que le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a relancé notre action de lutte contre la contrefaçon dans le monde, qui concerne bien entendu la Chine. La Chine a réformé depuis quatre ans les dispositions législatives et réglementaires existantes, pour se mettre en cohérence avec les règles internationales telles que l'ADPIC (droits de propriété intellectuelle) : nous la soutenons dans cette évolution, et saluons particulièrement la reconnaissance des marques tridimensionnelles ou la clarification du régime de protection des marques notoires. Cela étant, la mise en oeuvre concrète de ces dispositions demeure imparfaite : problème de moyens humains affectés à la lutte contre la contrefaçon, lacunes de formation (police, justice, douanes), organisation administrative perfectible, corruption, autant de facteurs qui limitent encore les avancées souhaitables. C'est pourquoi, en concertation avec l'Union des fabricants, l'Institut français de la mode et les autres partenaires privés concernés, le ministre délégué au commerce extérieur prépare pour le mois d'octobre prochain un séminaire public-privé à Pékin visant à sensibiliser les autorités chinoises à la lutte contre la contrefaçon (secteurs-cibles, méthodes de détection, de contrôle et de répression du phénomène). Une coopération pragmatique va ainsi se renforcer, à partir des difficultés réelles rencontrées par les entreprises. Un agent de l'Institut national de la propriété industrielle arrivera en poste à Pékin le 1er août prochain afin de renforcer notre dispositif permanent et de coordonner cette coopération au quotidien. La Chine représente certes un défi, mais un défi positif et stimulant pour les entreprises françaises, grandes, moyennes ou petites. Nous leur apportons un soutien renforcé, adapté à leur taille et à leur stratégie propre. Tels sont les axes de notre politique volontaire concernant nos relations économiques et commerciales avec la Chine.
Auteur : M. Pierre Morange
Type de question : Question écrite
Rubrique : Commerce extérieur
Ministère interrogé : commerce extérieur
Ministère répondant : commerce extérieur
Dates :
Question publiée le 27 avril 2004
Réponse publiée le 29 juin 2004