PAC
Question de :
M. Michel Françaix
Oise (3e circonscription) - Socialiste
M. Michel Françaix attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur les conséquences dramatiques liées à la réforme du secteur laitier décidée par l'Union européenne en juin 2003. En effet, les prix de soutien du beurre et de la poudre vont baisser respectivement de 7 % et de 5 %, cela dès le 1er juillet 2004, pour atteindre progressivement une baisse de 25 % en 2007. Les transformateurs ont déjà anticipé cette réforme avec l'accord signé le 2 mars 2004, qui prévoit une baisse moyenne souhaitée pour cette année de plus de 20 euros par 1 000 litres. Cette situation est particulièrement préoccupante, dans la mesure où l'accord de 1997 dénoncé par les transformateurs a permis simplement de maintenir le prix du lait sur les six dernières années. Dans ces conditions, les producteurs subissent une baisse de 6 % du prix du lait venant réduire de plus de 25 % leurs revenus sur l'année 2004. Les deux tiers de nos jeunes éleveurs, dont ceux de Picardie, sont en production laitière. Or, leur installation fondée sur un accord interprofessionnel paraissait pouvoir être maintenue durablement. La rupture actuelle fragilise gravement ces jeunes exploitants. Pour faire face à cette nouvelle « donne », la création d'un fonds interprofessionnel de régulation permettrait à la fois d'atténuer la baisse du prix du lait payé aux producteurs et de préserver les équilibres industriels. En conséquence, devant la gravité de la situation, il lui demande de bien vouloir lui faire connaître les mesures qu'entend prendre le Gouvernement pour garantir l'avenir de nos producteurs de lait.
Réponse publiée le 27 juillet 2004
La filière laitière française traverse actuellement une période de très forte inquiétude. Cette filière joue en effet un rôle essentiel non seulement au sein de notre économie agricole, mais également pour nos territoires. Elle emploie 400 000 personnes, dont 300 000 au stade de la production. La France est le deuxième producteur européen, avec 23,5 millions de tonnes de lait de vache. Notre pays est un très grand exportateur de produits laitiers puisqu'il dégage un excédent de 2 milliards d'euros, soit le quart du solde de la balance commerciale agroalimentaire. Ces performances sont notamment le résultat d'une démarcation des produits français, que ce soit grâce à de grandes marques internationales ou des appellations d'origine contrôlée de réputation mondiale. Depuis l'instauration des quotas laitiers, la filière a su conjuguer cette réussite économique et le souci d'aménagement harmonieux du territoire. La gestion des quotas laitiers mise en place en France constitue le résultat probant d'une concertation entre les autorités nationales et tous les acteurs de la filière, dont est issu un corps de règles qui utilise les possibilités offertes par l'organisation commune des marchés (OCM) « lait et produits laitiers » pour s'adapter à ses spécificités. L'entrée en vigueur en 2004 des décisions prises à Berlin en 1999 et complétées le 26 juin dernier à Luxembourg va profondément modifier cette OCM. Il convient en premier lieu de rappeler que, pour l'essentiel, les décisions que nous vivons aujourd'hui sont issues des accords de Berlin (1999). Mais, comme ceux-ci n'étaient pas encore entrés en application, ces décisions n'étaient pas ressenties comme étant d'application certaine. L'accord obtenu à Luxembourg en juin dernier préserve - et la France y a veillé tout au long de la négociation - les principes essentiels de la PAC et, en particulier, les outils de régulation économique des marchés (préservation des quotas laitiers jusqu'en 2015 notamment). Cet accord est donc plus favorable sur plusieurs points importants que l'accord de Berlin. La France a ainsi obtenu que la baisse des prix d'intervention, demandée par la Commission, soit réduite et ne concerne que le beurre, qui ne représente en France que 11 % de la transformation du lait. Elle a, en outre, obtenu que cette baisse soit compensée à 82 %, soit un taux supérieur aux compensations obtenues à Berlin. La baisse des prix d'intervention sur la poudre et le beurre, qui débutera au 1er juillet 2004, fera l'objet d'une compensation par une aide directe calculée sur la base du quota laitier détenu par chaque producteur. Cette aide directe sera totalement découplée de la production laitière à partir de l'année 2006. Les évolutions de la politique agricole commune constituent donc un bouleversement important pour une filière qui avait bénéficié jusqu'à présent d'un contexte économique relativement sécurisé. Alors même que les décisions prises pour réformer la PAC ne sont pas encore effectives, certaines d'entre elles ont déjà été anticipées par les marchés (baisse des prix notamment), générant ainsi de vives réactions des producteurs et de certains opérateurs. La filière laitière a donc des défis importants à relever, dont le plus immédiat est la renégociation de l'accord cadre interprofessionnel sur les modalités d'évolution du prix du lait. La dénonciation par les transformateurs de l'accord de 1997, qui avait assuré une stabilité largement appréciée, a ouvert une période incertaine. Il importe que l'interprofession laitière y trouve des solutions, notamment pour ce qui concerne la disparité de rémunération entre produits industriels et produits de grande consommation (PGC). Les négociations interprofessionnelles qui se sont tenues depuis la fin janvier ont permis d'aboutir, le 2 mars, a un accord provisoire (« clause de paix ») jusqu'à la fin juin 2004. Cette période transitoire, que j'avais appelée de mes voeux, devra être mise à profit par l'interprofession laitière pour élaborer un nouvel accord mieux adapté aux enjeux de la filière. Parallèlement à ces négociations interprofessionnelles, il est apparu indispensable de donner à la filière laitière française une meilleure visibilité sur son avenir. C'est pourquoi le ministre chargé de l'agriculture a demandé, dès la fin novembre 2003, au corps de l'inspection générale de l'agriculture une étude prospective sur l'évolution en France de l'élevage laitier ainsi que des industries de transformation et de valorisation du lait. Ce rapport, qui a été remis le 6 février et présenté le 10 février lors d'une table ronde qui réunissait l'ensemble des acteurs de la filière. Les participants à cette table ronde sont invités à élaborer un programme stratégique destiné à adapter la filière aux enjeux de la réforme de la PAC. Ce programme devra notamment analyser les conditions d'une meilleure maîtrise de l'offre, étudier une restructuration des industries et formuler des propositions en faveur des exploitations, notamment en matière de mise aux normes et de modernisation des bâtiments. Sept groupes de travail devront faire des propositions dans ce cadre. Ils concernent l'emploi, la maîtrise de l'offre au niveau français et communautaire, les mesures en faveur des exploitations, la restructuration industrielle, les relations avec la distribution, la promotion des produits laitiers, et la recherche-innovation. Ces groupes de travail sont conduits à l'échelon national. Ils bénéficient également de réflexions réalisées dans le cadre de tables rondes qui se sont tenues au cours des mois d'avril, mai et juin dans chaque région, afin que puissent être intégrées, le plus possible, à l'analyse, les spécificités territoriales de la production laitière française. Ce programme stratégique devra être remis avant la fin juin 2004. Pour l'immédiat, une aide immédiate de 20 millions d'euros pour engager les premières réformes structurelles urgentes, tant pour les exploitations que pour les transformateurs. L'adaptation de la filière laitière à ces nouveaux enjeux doit à présent être conduite avec détermination. Elle devra bien entendu s'inscrire dans le temps. Elle demande de la part de l'ensemble des partenaires de la filière une mobilisation pleine et entière pour défendre l'avenir d'un secteur dont la France peut et doit être fière.
Auteur : M. Michel Françaix
Type de question : Question écrite
Rubrique : Élevage
Ministère interrogé : agriculture, alimentation et pêche
Ministère répondant : agriculture, alimentation et pêche
Dates :
Question publiée le 27 avril 2004
Réponse publiée le 27 juillet 2004