Question écrite n° 41384 :
Soudan

12e Législature

Question de : M. Simon Renucci
Corse-du-Sud (1re circonscription) - Socialiste

M. Simon Renucci souhaite attirer l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la permanence d'actes de guerre civile au Soudan depuis 1983. Le conflit qui selon les estimations aurait fait entre cinq cent mille et deux millions et demi de victimes, entraîne une véritable crise humanitaire qui va se traduire, entre autres, par une multiplication des opérations d'assistance menées par le Comité international de la Croix-Rouge. En effet, il est chaque jour plus urgent d'apporter une aide sanitaire et matérielle à la population civile. En parallèle, la violation des droits de l'homme est une pratique courante. Des milliers de familles sont séparées, déplacées, des individus font l'objet de recrutements arbitraires, de rançonnements. Enlèvements, assassinats et autres violences sont perpétrés au quotidien. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui indiquer le point de vue du Gouvernement à ce sujet et l'action qu'il entend mener en coopération avec les autres membres de la communauté internationale afin qu'il soit mis un terme à cette situation.

Réponse publiée le 10 août 2004

Le conflit soudanais, qui oppose depuis 1983 les forces gouvernementales à la rébellion sudiste du Mouvement populaire de libération du Soudan, est le plus long d'Afrique. Il a causé la mort de millions de personnes et a donné lieu à de très graves violations des droits de l'homme : bombardements de populations civiles, enlèvements, islamisation forcée... La mise en exploitation à partir de 1999 des ressources pétrolières dont les gisements se trouvent en grande partie à la lisière du sud-Soudan et au sud-Soudan même, a entraîné des violations des droits de l'homme supplémentaires, notamment sous la forme de déplacements forcés des populations. La France a réagi face à ces violations. Dès novembre 1999, l'Union européenne a engagé sous notre impulsion un dialogue politique avec les autorités soudanaises, qui a porté notamment sur les droits de l'homme. Le dossier du Soudan est en outre, à l'initiative de l'Union européenne, régulièrement abordé lors des réunions de la commission des droits de l'homme à Genève. L'instauration d'un mécanisme de suivi, sur place, de la situation des droits de l'homme par un expert indépendant a d'ailleurs été décidée par un vote de la CDH en avril dernier. Les violations des droits humains étant essentiellement liées à la poursuite de la guerre, nous avons, sans relâche, appelé les parties à cesser les hostilités et à s'engager fermement en faveur de la paix. A cet égard, le processus de paix en cours est encourageant. Les armes se sont tues, le cessez-le-feu est effectif et l'aide humanitaire est régulièrement distribuée. Les négociations qui se déroulent au Kenya sous l'égide d'une médiation internationale ont beaucoup progressé : signature (20 juillet 2002) d'un protocole d'accord sur les questions de fond : sur les rapports État/religion (laïcité au Sud, charia au Nord), sur le principe de l'organisation d'un référendum d'autodétermination au Sud, au terme de la période de transition de six ans ; conclusion d'un accord (15 octobre 2002) sur la cessation des hostilités ; conclusion d'un accord (26 octobre 2002) sur le libre-accès de l'aide humanitaire, signature (18 novembre 2002) d'un accord partiel sur le partage des richesses et sur les structures du gouvernement ; signature (25 septembre 2003) d'un accord sur les questions de sécurité ; signature (7 janvier 2004), d'un accord sur le partage des richesses ; signature (26 mai 2004) de trois protocoles : partage du pouvoir (dont la question de l'application de la charia à Khartoum), statut d'Abyei, statut des montagnes noubas et du Nil bleu méridional. Les négociations ont abordé les deux derniers points en suspens : modalités d'un cessez-le-feu définitif et modalités d'application des protocoles déjà signés, dont les garanties internationales. Un accord de paix global pourrait intervenir dans le courant de l'été. La France joue un rôle actif dans ces évolutions. Elle participe à la supervision du cessez-le-feu dans les monts Noubas et a nommé, en février 2003, un envoyé spécial pour le processus de paix soudanais, M. Henri de Coignac, qui suit les négociations de près. Si les choses vont mieux au Sud, en revanche la situation s'est fortement dégradée dans la partie occidentale du pays, dans la région du Darfour, limitrophe du Tchad. La France est gravement préoccupée par la situation dans cette région et les violations des droits de l'homme ainsi que du droit international humanitaire qui y sont perpétrées. Le risque humanitaire est considérable. Cette crise humanitaire et ces violations des droits de l'homme font courir un risque non seulement au processus de paix en cours entre le Nord et le Sud, mais aussi à la stabilité de l'ensemble de la région, et notamment du Tchad. Pour faire face à cette situation, la France fournit une aide importante au profit de la population du Darfour, soit à titre bilatéral, soit avec ses partenaires de l'Union européenne. Au total l'aide globale de l'Union européenne (bilatérale et communautaire) s'élève d'ores et déjà à 206,7 millions d'euros, soit près du double de l'aide américaine (113 millions d'euros). En outre, nous relayons auprès des autorités soudanaises les préoccupations des opérateurs humanitaires au sujet des difficultés d'accès aux populations. Cette crise doit également être traitée au niveau politique. C'est pourquoi M. Dominique de Villepin, alors ministre des Affaires étrangères s'était rendu, dès le mois février 2004, au Tchad et au Soudan. La façon dont il avait abordé ce voyage, au moment où tous les regards étaient tournés vers la négociation avec le Sud, traduisait déjà la préoccupation de la France quant à la situation dans le Darfour. La France a alors encouragé et contribué à lancer des pourparlers de paix, lesquels, sous les auspices du président Idriss Déby, et avec le soutien de la France, ont abouti, le 8 avril, à l'accord de cessez-le-feu de N'djamena, étape importante vers le règlement de la crise du Darfour. La France participe à la mission d'observation du cessez-le-feu prévue par l'accord de N'djamena. La France saisit toutes les occasions de rappeler les autorités soudanaises à leurs obligations : protection des civils, qui passe par le désarmement immédiat des milices Janjawid, respect du droit international humanitaire et des engagements pris le 8 avril à N'djamena. C'est le sens des messages que M. Renaud Muselier, secrétaire d'État aux affaires étrangères, a délivrés lors de sa récente visite au Soudan (20-23 juin) et des prises de position récentes du Conseil de sécurité (déclaration présidentielle du 25 mai et résolution 1547 du 11 juin) et du Haut commissariat aux droits de l'homme (envoi d'observateurs des droits de l'Homme). C'est aussi le message délivré par le sommet du G8 de Sea Island dans sa déclaration sur le Soudan. La communauté internationale doit, enfin, contribuer à traiter les causes profondes de la crise. La France soutient les négociations politiques qui se sont ouvertes le 15 juillet à Addis-Abeba sous l'égide de l'Union africaine et qui seules permettront le règlement définitif du conflit du Darfour. Au-delà de l'action immédiate et urgente sur le terrain humanitaire, il est en effet indispensable de mener à bien le processus politique qui seul permettra de sortir durablement de la crise. Il est essentiel que chacune des parties s'attache à respecter le cessez-le-feu et à participer utilement aux négociations politiques.

Données clés

Auteur : M. Simon Renucci

Type de question : Question écrite

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : affaires étrangères

Ministère répondant : affaires étrangères

Dates :
Question publiée le 15 juin 2004
Réponse publiée le 10 août 2004

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