passation
Question de :
M. Dominique Paillé
Deux-Sèvres (4e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Dominique Paillé attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le nouveau code des marchés publics. Si les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures doivent légitimement être respectées, engageant, à défaut, la personne responsable des marchés, qu'en est-il lors d'une délégation ? Il lui demande donc de préciser le cadre de la responsabilité des collectivités lorsque ces dernières délèguent leurs pouvoirs à un mandataire pour l'exécution d'un marché public.
Réponse publiée le 22 février 2005
Aux termes de l'article 1984 du code civil, le mandat est défini comme étant « un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom ». Les marchés passés en exécution d'un mandat par le mandataire d'une collectivité soumise au code des marchés publics sont assujettis aux dispositions de ce code. En effet, aux termes de l'article 2 du code des marchés publics « les dispositions du présent code s'appliquent [...] aux marchés conclus en vertu d'un mandat donné par une des personnes publiques mentionnées au 1° du présent article, sous réserve des adaptations éventuellement nénon-cessaires auxquelles il est procédé par décret ». La portée de ce principe ne se limite pas aux seules règles de passation. L'ensemble des règles découlant du code des marchés sont applicables aux marchés passés par le mandataire d'une collectivité soumise à ce code. En revanche, sauf à démontrer qu'il n'existe aucun lien entre la faute commise par le mandataire et son lien contractuel avec le mandant, ce qui exonérerait alors le mandant de toute implication, le régime de la responsabilité administrative induit que le mandant demeure responsable de l'exécution du marché public et des actes de son mandataire. Par conséquent, en cas de manquement à la réglementation de la commande publique, mais aussi dans le cadre de la responsabilité sans faute, notamment pour dommages de travaux publics, c'est le mandant qui verra sa responsabilité administrative mise en cause, à charge pour lui de se retourner ensuite contre son mandataire pour rechercher sa responsabilité civile. Il s'ensuit que la responsabilité du mandataire envers son mandant pourra être mise en cause pour faute en cas de non-respect d'une de ces règles lui incombant au titre du contrat de mandat, sauf à démontrer que des mentions explicites visant à exonérer le mandataire de tout ou partie de ces obligations auraient été portées audit contrat par le mandant. Dans une telle hypothèse, c'est uniquement le tort du mandataire qu'il conviendrait de rechercher. En matière pénale, il convient de rappeler, d'une façon générale, que la délégation est un outil nécessaire de la vie administrative qui permet d'éviter une trop forte centralisation des décisions et d'accroître l'efficacité d'intervention de l'administration dans tous les domaines. Elle implique nécessairement un transfert de responsabilité du délégant au délégataire. Toutefois, le juge pénal apprécie souverainement son efficacité selon les circonstances. Quant aux conditions de forme, le juge répressif n'opère pas de distinction entre la délégation de pouvoirs et la délégation de signature. Moins formaliste que le juge administratif, le juge pénal se contente de vérifier que la délégation n'est pas explicitement ou implicitement interdite par un texte et n'exige pas qu'elle soit subordonnée à l'existence d'un écrit. S'agissant des conditions de fond, le juge pénal, s'inspirant de la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de délégation de pouvoirs du chef d'entreprise, est dans l'obligation de rechercher, pour toutes les affaires concernant des faits involontaires survenus au sein d'une collectivité, l'existence d'une délégation pour établir si la personne a accompli les diligences normales. Il y sera également tenu dans le cadre des infractions intentionnelles dès lors que ce point aura été soulevé. La responsabilité pénale du délégataire pourra ainsi être engagée s'il est établi qu'il disposait des compétences, du pouvoir et des moyens nécessaires et bénéficiait d'une autonomie suffisante dans l'exercice de ses fonctions. Le juge répressif vérifiera, en outre, que le délégataire avait été : précisément informé de la portée de sa délégation. Cependant, l'existence d'une délégation n'interdit pas au juge de rechercher la responsabilité pénale du délégant à raison d'actes personnels caractérisant sa participation à une infraction pénale. En présence d'infractions intentionnelles, la Cour de cassation a jugé que, dès lors qu'une participation directe du délégant à l'infraction pouvait être caractérisée, les juges n'avaient pas à se prononcer sur les effets d'une délégation de pouvoirs invoquée qui s'avérait dans ce cas inopérante. La chambre criminelle de la Cour de cassation a ainsi jugé qu'en dépit d'une délégation un maire pouvait être poursuivi du chef de prise illégale d'intérêt, délit prévu par l'article 432-12 du code pénal, en relevant qu'il n'avait donné aucune consigne à ses services pour qu'aucun marché ne soit conclu avec la société dont il était le gérant et qu'il avait signé au moins un courrier relatif à la procédure de passation du marché litigieux. La haute juridiction a adopté la même solution dans une autre espèce où un maire avait suivi très attentivement le déroulement de l'instruction d'une demande de permis de construire en soulignant que la surveillance de fait exercée par le prévenu sur l'instruction de la demande en cause avait placé le fonctionnaire en état de subordination directe vis-à-vis de lui.
Auteur : M. Dominique Paillé
Type de question : Question écrite
Rubrique : Marchés publics
Ministère interrogé : économie
Ministère répondant : économie
Dates :
Question publiée le 6 juillet 2004
Réponse publiée le 22 février 2005