fonctionnement
Question de :
M. Didier Julia
Seine-et-Marne (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Didier Julia signale à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, que l'implication de Pierre Bodein dit « Pierrot le fou » dans les meurtres de trois jeunes femmes en Alsace ces quinze derniers jours pose à nouveau le problème de la responsabilité du juge qui l'a remis en liberté. Le profil de Pierre Bodein qui a passé trente-cinq ans de sa vie entre la prison et l'hôpital psychiatrique, le nombre de meurtres qu'il a commis de sang-froid et sans aucune raison donnait un éclairage suffisant sur la dangerosité du personnage. « Les regrets » qui seront exprimés aux familles des victimes sont tout à fait dérisoires au regard des malheurs provoqués et de la grave atteinte à l'ordre public et au moral de la Nation : chacun peut en effet penser que des mises en liberté de prisonniers particulièrement dangereux peuvent se reproduire à tout moment et de façon tout à fait arbitraire par la défaillance d'un juge au demeurant totalement irresponsable des conséquences de ses actes. Il lui demande de lui faire connaître les raisons exposées par le juge pour justifier sa décision de placer en liberté « Pierrot le fou » alors que celui-ci était condamné à vingt-huit ans de prison. Il lui demande s'il ne convient pas de réfléchir d'urgence à la mise en place de structures de contrôle des mises en liberté de meurtriers récidivistes qui ont été condamnés à la prison et qui ne devraient pas en sortir avant terme. Il lui rappelle aussi qu'une justice indépendante doit être nécessairement responsable et lui demande comment il compte organiser cette responsabilité.
Réponse publiée le 18 octobre 2005 (Erratum publié le 29 novembre 2005)
Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qu'il partage son souci d'encadrer la sortie des détenus et d'empêcher la récidive criminelle. L'individu auquel il fait référence est actuellement mis en examen et placé en détention provisoire dans le cadre d'informations judiciaires relatives au meutre de trois jeunes victimes. Dans ces conditions, le principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs interdit au garde des sceaux tout commentaire sur une affaire en cours. Pierre Bodein était détenu depuis le 15 novembre 1990 en exécution de trois peines de dix-neuf, quinze et vingt ans de réclusion criminelle prononcées en 1994 et 1996. Les crimes visés ayant été commis avant qu'une condamnation définitive n'intervienne, les peines de réclusion prononcées se sont exécutées cumulativement dans la limite du maximum légal le plus élevé, c'est-à-dire vingt ans, en application de l'article 132-4 du code pénal. Ce condamné, dont la fin de peine était fixée au 25 janvier 2005 compte tenu des réductions de peine accordées dans les conditions fixées par le code de procédure pénale pour tenir compte de son comportement en détention, avait été placé en libération conditionnelle à compter du 15 mars 2004 par décision du juge d'application des peines, prise après avis du représentant de l'administration pénitentiaire à l'issue d'un débat contradictoire en chambre du conseil, dans les conditions prévues par la loi. La durée de détention accomplie par ce condamné est donc de treize ans et quatre mois. Dans le cadre de sa libération conditionnelle, il était contrôlé par le juge de l'application des peines du lieu de son domicile, assisté par le service pénitentiaire d'insertion et de probation du département, et devait être suivi jusqu'au 25 janvier 2006. Il était astreint notamment à l'interdiction de porter une arme et de fréquenter certains lieux et certaines personnes. Les décisions de placement en libération conditionnelle sont nécessairement prises par un jugement motivé et rendu public. Tout citoyen peut donc en demander copie au greffe de la juridiction concernée. Le garde des sceaux est pleinement conscient qu'il convient de lutter efficacement contre les auteurs d'infractions sexuelles et de prévenir la récidive. À cet égard, il convient de constater que l'arsenal judiciaire a été très fortement renforcé ces dernières années. Les dispositions de la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles permettent aujourd'hui aux juridictions de jugement de condamner l'auteur d'une infraction sexuelle à une peine de suivi socio-judiciaire avec une injonction de soins et de le soumettre ainsi, à l'issue de sa période d'incarcération, à des mesures d'assistance et de contrôle suivies par le juge de l'application des peines. Cette peine, qui n'existait pas à l'époque où l'individu précité commettait les faits qui ont donné lieu à sa précédente incarcération, permet désormais de suivre et de contrôler les condamnés pendant dix ans après leur libération. En outre, la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a créé un fichier judiciaire national automatisé des personnes condamnées pour des infractions sexuelles. Toute personne inscrite aura désormais l'obligation, sous peine de sanction pénale, de justifier chaque année de son adresse et de signaler tout changement d'adresse. Ce fichier devrait favoriser grandement le travail d'enquête pour la recherche d'auteurs d'infractions sexuelles et devrait permettre d'interdire aux délinquants sexuels tout accès à une profession en contact avec des mineurs. Par ailleurs, le garde des sceaux rappelle que, dans le cadre de ses anciennes fonctions, il a été à l'origine d'une proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales, actuellement en cours de discussion devant l'Assemblée nationale, promouvant notamment le placement sous surveillance électronique mobile, à titre de mesure de sûreté, des criminels les plus dangereux ayant purgé leur peine. Ce dispositif serait applicable aux condamnés pour crimes ou délits relevant du champ d'application du suivi socio-judiciaire, de façon à lui conférer les deux effets complémentaires de l'efficacité dans la prévention et de l'aide à la réinsertion. Le bracelet électronique mobile pourrait également s'avérer particulièrement intéressant dans le cadre d'une mesure probatoire à la libération conditionnelle assortie du suivi socio-judiciaire. La mise en cause de la responsabilité de l`État en raison du fonctionnement de la justice est prévue par l'article L. 781-1 du code de l'organisation judiciaire selon lequel « l'État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice. Cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice. La responsabilité des juges à raison de leur faute personnelle est régie par le statut de la magistrature en ce qui concerne les magistrats de l'ordre judiciaire ». Toutefois, il existe des régimes dérogatoires à celui de l'article L. 781-1 n'exigeant pas la preuve d'une faute lourde, par exemple en matière de tutelles ou de détention provisoire. La responsabilité personnelle des magistrats peut être mise en cause sur les plans civil, pénal et disciplinaire. Sur le plan civil, l'article 11-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature prévoit que la responsabilité des magistrats qui ont commis une faute personnelle se rattachant au service de la justice ne peut être engagée que sur l'action récursoire de l'État. Cette action récursoire est exercée devant une chambre civile de la Cour de cassation. Ce régime dérogatoire substitue, à l'égard du justiciable, la responsabilité de l'État à celle du magistrat afin de protéger son indépendance d'actions abusives visant à le déstabiliser dans sort activité juridictionnelle. Au plan pénal, la chambre criminelle de la Cour de cassation, dans des affaires visant des magistrats pour des actes de leurs fonctions, a estimé que les décisions des juges ne peuvent être critiquées que par l'exercice des voies de recours (Chambre criminelle, Cour de cassation 9 décembre 1981). Sur le plan disciplinaire, l'article 43 de l'ordonnance de 1958 prévoit que « tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l'honneur, à la délicatesse ou à sa dignité constitue une faute disciplinaire ». L'action disciplinaire à l'encontre d'un magistrat est exercée devant le Conseil supérieur de la magistrature.>
Auteur : M. Didier Julia
Type de question : Question écrite
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Dates :
Question publiée le 13 juillet 2004
Réponse publiée le 18 octobre 2005
Erratum de la réponse publié le 29 novembre 2005