maladies professionnelles
Question de :
M. Yvan Lachaud
Gard (1re circonscription) - Union pour la Démocratie Française
M. Yvan Lachaud attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'émotion légitime qu'a suscitée auprès des victimes de l'amiante et de leurs familles l'ordonnance de non-lieu rendue par le tribunal de grande instance de Dunkerque suite aux plaintes qui avaient été déposées en 1997. Tout en reconnaissant dans ses attendus que des erreurs ont été commises dans la gestion du problème de l'amiante dans les trois entreprises qui étaient mises en cause et que la connaissance scientifique de la dangerosité de l'amiante est ancienne (il existe en effet un premier rapport d'un inspecteur du travail datant de 1906, sur des décès consécutifs à l'inhalation des poussières d'amiante dans une filature), le juge a estimé, sur la base de la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser les délits non intentionnels, que l'information n'avait pas permis d'établir que les personnes poursuivies avaient « soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ». Il est possible de comprendre l'indignation qu'a soulevée cette interprétation de la loi du 10 juillet 2000 auprès des personnes concernées. L'intention du législateur, lors de l'adoption de ce texte, n'était certainement pas de permettre l'exonération de responsabilités sur des questions de santé publique aussi graves que celle de l'amiante. Elle lui demande si cette première décision se référant à la loi du 10 juillet 2000 ne devrait pas déboucher sur une nouvelle réflexion sur la notion de délits non intentionnels, dans le cadre de problèmes sanitaires tels que celui de l'amiante.
Réponse publiée le 25 janvier 2005
Le garde des sceaux fait connaître à l'honorable parlementaire que, s'il mesure l'émotion des victimes de l'exposition à l'amiante et celle de leurs familles à la suite de l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Dunkerque le 16 décembre 2003, confirmée par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai le 15 juin 2004, il ne lui appartient bien évidemment pas de porter une appréciation sur ces décisions de justice. Il revient en effet à la Cour de cassation, saisie du pourvoi formé par les parties civiles, de déterminer s'il a été fait une exacte application des règles de droit, et en particulier de la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à réprimer les délits non intentionnels, dans le cadre de cette affaire. Il convient par ailleurs de rappeler que la loi du 10 juillet 2000, adoptée à l'unanimité par le Parlement, a modifié l'article 121-3 du code pénal afin de limiter la pénalisation excessive et stigmatisante des faits causant un préjudice à autrui, lorsqu'ils sont dus à une maladresse, une imprudence, une inattention ou une négligence imputable à une personne physique. Aux termes de ces dispositions, deux hypothèses doivent désormais être distinguées pour déterminer si la possibilité pénale d'une personne physique peut être engagée au titre d'une infraction non intentionnelle. Lorsqu'il existe un lien de causalité direct entre la négligence ou l'imprudence et le dommage causé, une faute légère suffit, comme par le passé, à engager la responsabilité pénale de la personne mise en cause. En revanche, lorsque cette personne n'est pas directement à l'origine du dommage mais qu'elle a créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation de celui-ci ou qu'elle n'a pas pris les mesures permettant de l'éviter, sa responsabilité pénale ne pourra être retenue que s'il est établi qu'elle a soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence et de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elle ne pouvait ignorer. L'équilibre ainsi défini entre le risque de condamnations inappropriées, préjudiciables au développement des activités sociales et à l'innovation, et la nécessaire responsabilisation des acteurs sociaux, m'apparaît devoir être préservé. Il convient en effet de faire la part entre le bien-fondé de la réforme ainsi introduite par la loi du 10 juillet 2000, et les difficultés spécifiques de certains dossiers de santé publique dont la justice pénale peut être saisie, qui tiennent pour l'essentiel à l'ancienneté des faits, à l'évolution des connaissances scientifiques, à l'établissement du lien de causalité et à l'administration de la preuve. Il convient enfin de souligner que, fort heureusement, les conditions strictes d'engagement de la responsabilité pénale n'empêchent nullement l'indemnisation intégrale du préjudice, la jurisprudence des juridictions civiles et de sécurité sociale étant, dans le cas de l'amiante, fixée dans un sens favorable aux victimes.
Auteur : M. Yvan Lachaud
Type de question : Question écrite
Rubrique : Risques professionnels
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Dates :
Question publiée le 10 août 2004
Réponse publiée le 25 janvier 2005