Question écrite n° 46111 :
Ukraine

12e Législature

Question de : Mme Chantal Robin-Rodrigo
Hautes-Pyrénées (2e circonscription) - Socialiste

La Roumanie s'inquiète actuellement du canal construit par l'Ukraine sur le delta du Danube. Le ministre roumain des affaires étrangères a redemandé début août 2004, avec insistance, qu'un groupe d'experts indépendants analyse l'impact « écologique et économique » de ce chantier sur la réserve protégée du delta du Danube. Les raisons invoquées par l'Ukraine pour construire cet équipement sont économiques. En effet, pour l'heure, les bateaux ukrainiens doivent emprunter le canal roumain de Sulina pour relier la mer Noire à la partie ukrainienne du Danube. Selon Kiev, le nouveau canal permettrait de gagner de l'argent car les embarcations locales n'auraient plus à s'acquitter des taxes douanières roumaines. De plus, il semble que l'Ukraine proposerait in fine des tarifs de passage inférieurs aux tarifs roumains et essaiera ainsi d'attirer sur « son » canal les bateaux battant d'autres pavillons. Or, selon les autorités roumaines, les arguments économiques ne tiendraient pas debout, car, en 2003, vingt-trois bateaux ukrainiens seulement ont emprunté le canal de Sulina, ce qui ne représente que quatre pour cent du trafic. Par ailleurs, dans le delta du Danube, le projet ukrainien fait peur, car si les Ukrainiens construisent ce canal, cela veut dire que toute l'eau du delta partira dans cette direction. L'équilibre hydrologique de la région sera bouleversé. Il est à craindre que le canal ukrainien diminue considérablement le débit du Danube, et de son delta en particulier, qui présente l'un des écosystèmes les plus riches d'Europe, inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1991. Compte tenu de cette inquiétante situation, Mme Chantal Robin-Rodrigo demande à M. le ministre des affaires étrangères de lui indiquer s'il entend prendre et mener des mesures et initiatives afin d'inciter activement l'Ukraine à modifier sa position sur ce dossier, et ce en bonne intelligence avec son voisin roumain.

Réponse publiée le 15 février 2005

L'Ukraine a entrepris en mai 2004 des travaux d'aménagement du canal de Bystroe situé dans le delta du Danube près de la frontière roumaine. Ces travaux ont suscité des protestations de la part de la Roumanie, qui a estimé que l'aménagement du canal aurait un impact négatif sur l'écosystème du delta du Danube (inventorié au patrimoine mondial de l'UNESCO) et reproché à l'Ukraine de ne pas l'avoir informée, ni consultée dans les conditions prévues par la Convention d'Espoo de 1991 sur l'évaluation de l'impact environnemental dans un contexte transfrontalier. De son côté, l'Ukraine insiste sur l'importance du rétablissement d'une voie navigable entre le Danube et la mer Noire en territoire ukrainien pour le développement de l'économie locale. La commission européenne a exprimé sa préoccupation à plusieurs reprises, notamment lors du Sommet UE-Ukraine du 8 juillet 2004 à La Haye, et demandé à l'Ukraine de suspendre les travaux jusqu'à ce qu'une étude d'impact globale ait été réalisée. Cependant, l'Ukraine a achevé la première tranche des travaux prévus (dragage permettant le passage des navires de 5,85 mètres de tirant d'eau, construction d'une digue de protection en mer) et mis en service le canal le 26 août dernier. La Roumanie a renouvelé ses protestations et décidé de saisir la Cour internationale de justice d'un autre différend qui l'oppose à l'Ukraine, sur la délimitation du plateau continental en mer Noire autour de l'île aux Serpents. Par la suite, l'Ukraine s'est engagée à réaliser une étude de faisabilité et à mener les consultations nécessaires, notamment avec la partie roumaine, avant le début de la seconde phase de travaux prévue pour 2005-2007 (nouvel approfondissement de la voie navigable pour permettre le passage des navires de 7,65 mètres de tirant d'eau, possible extension de la digue). Elle a également accueilli, du 6 au 8 octobre, une mission d'établissement des faits constituée d'experts de la Commission européenne, de la Commission internationale pour la protection du Danube, ainsi que des secrétariats ou programmes institués par les Conventions d'Aarhus (sur l'information du public concernant les questions environnementales, 1998), d'Espoo (sur l'évaluation de l'impact environnemental dans un contexte transfrontalier, 1991), de Berne (Convention du Conseil de l'Europe sur la conservation de la vie sauvage et des habitats naturels en Europe, 1979) et de Ramsar (sur les zones humides d'importance internationale, 1971). Cette mission a publié, le 17 novembre, un rapport qui, dans ses conclusions : relève le manque d'information, de transparence et de dialogue avec la Communauté internationale au cours de la première phase des travaux ; encourage l'Ukraine à continuer ses travaux d'étude des conséquences sur l'environnement pendant au moins un an avant de prendre une décision sur la poursuite des travaux, et à les étendre à certains aspects non couverts, comme l'évolution de la sédimentation dans la zone côtière ; recommande un débat sur le projet d'aménagement du canal et les éventuelles options alternatives, pouvant le cas échéant amener les autorités ukrainiennes à revenir sur les décisions prises ; marque son appréciation pour l'engagement pris par l'Ukraine de mener des consultations avec l'ensemble des parties intéressées au niveau national et international, notamment sur l'évaluation de l'impact du projet sur l'environnement. Dans une lettre adressée conjointement au début du mois de novembre à ses homologues ukrainien et roumain, le ministre des affaires étrangères néerlandais, président du Conseil de l'UE, a rappelé l'attention particulière que l'UE accordait au delta du Danube, réserve de biosphère unique en Europe, et souhaité que l'Ukraine et la Roumanie trouvent, par le dialogue et la consultation bilatérale, une solution acceptable pour les deux parties, dans les respect des conventions internationales pertinentes en matière d'environnement. Il a également rappelé et salué l'engagement de l'Ukraine à fournir une étude d'impact environnemental complète et à consulter sur cette base l'ensemble des parties intéressées au cours de la phase préparatoire de la seconde tranche des travaux. La France soutient la position exprimée par la présidence de l'UE et continuera à suivre avec attention les questions soulevées par l'aménagement du canal de Bystroe, notamment en matière de conséquences pour l'environnement dans le delta du Danube.

Données clés

Auteur : Mme Chantal Robin-Rodrigo

Type de question : Question écrite

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : affaires étrangères

Ministère répondant : affaires étrangères

Dates :
Question publiée le 31 août 2004
Réponse publiée le 15 février 2005

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