Question écrite n° 4625 :
défense et usage

12e Législature

Question de : M. Gilles Artigues
Loire (1re circonscription) - Union pour la Démocratie Française

M. Gilles Artigues attire l'attention de M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie sur le projet de la Commission européenne d'interdire à la France d'imposer le français sur les étiquettes de denrées alimentaires, au nom d'une directive européenne de 1978, sans retenir la possibilité qu'une autre langue comprise par tous puisse être utilisée. Il serait difficile de vouloir faire accepter à nos concitoyens cette forme technocratique d'une Europe durable qui étouffe nos différentes cultures européennes et ne laisse émerger qu'une seule langue : l'anglais. Votre gouvernement veut défendre farouchement la diversité culturelle. Pourtant l'Agence intergouvernementale de la francophonie est le parent pauvre de notre politique culturelle et diplomatique. Le ixe Sommet de la francophonie se déroulera du 18 au 20 octobre prochain à Beyrouth. Il est temps que la France expose sa vision de cette institution qui oeuvre avec les faibles moyens dont elle dispose. Il le remercie de bien vouloir lui préciser quelle est la politique du Gouvernement vis-à-vis de la francophonie et ses institutions multilatérales et sur la définition et les moyens mobilisables d'une politique de solidarité et de coopération pour le développement au sein de la communauté francophone.

Réponse publiée le 18 novembre 2002

L'honorable parlementaire relève à juste titre l'importance qui s'attache au respect de l'usage de notre langue dans les documents disponibles pour les consommateurs de produits distribués en France. Par un arrêt rendu le 12 septembre 2000, la Cour de justice des Communautés européennes a répondu à une question préjudicielle soulevée par la cour d'appel de Lyon sur la compatibilité de l'article R. 112-8 de notre code de consommation, qui prévoit que les mentions d'étiquetage des denrées alimentaires doivent être rédigées en langue française, avec le droit communautaire. La cour de justice des Communautés européennes a alors estimé que la législation européenne sur l'étiquetage « s'oppose à ce qu'une réglementation nationale impose l'utilisation d'une langue déterminée pour l'étiquetage des denrées alimentaires sans retenir la possibilité qu'une autre langue facilement comprise par les acheteurs soit utilisée ou que l'information des consommateurs soit assurée par d'autres moyens ». La Commission européenne ayant par la suite interrogé les autorités françaises sur les conséquences qu'elles entendaient tirer de cet arrêt, la France a soumis à la Commission européenne, en janvier 2002, un projet de décret autorisant l'étiquetage en français et en d'autres langues, afin de se mettre en conformité avec la législation européenne, et a reçu son accord sur ce texte. Celui-ci ayant cependant tardé à être adopté, la Commission a réitéré à plusieurs reprises le souhait que la France mette sa législation en conformité avec l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes, puis a émis, le 17 juillet dernier, un avis motivé enjoignant à la France de s'exécuter. Cet avis motivé constituait la marque de son impatience. Il serait donc fort excessif de l'interpréter comme offrant la possibilité, au nom de la libre circulation des marchandises, de libeller les étiquettes des produits vendus en France dans une autre langue que le français, à l'exclusion de ce dernier. Ce serait d'autant moins acceptable qu'une telle conséquence irait à l'encontre des termes de la loi du 4 août 1994 (loi Toulon) relative à l'emploi de la langue française au respect de laquelle le Gouvernement est très attaché et serait en contradiction avec les progrès significatifs qu'une étroite concertation entre la France et la commission de Bruxelles a permis d'accomplir sur cette question. Le 1er août 2002, un décret, n° 2002-1025 est donc venu modifier la rédaction de l'article R. 112-8 du code de consommation qui dispose dorénavant que « les mentions d'étiquetage prévues par le présent chapitre peuvent figurer en outre dans une ou plusieurs autres langues ». Dans la pratique, l'étiquetage en plusieurs langues, dont le français, qui obéit à un double impératif de sécurité sanitaire et d'information, était déjà fréquent même s'il n'était pas explicitement prévu par le code de la consommation. Plus généralement, le Gouvernement partage le souci de l'honorable parlementaire pour la défense, mais aussi le développement de l'usage de la langue française dans les institutions européennes. La France conduit une politique volontariste visant à consolider la présence de notre langue dans ces institutions. Elle inscrit désormais son action dans un cadre francophone, afin d'en améliorer la cohérence et d'en accroître les moyens, et la concentre sur la perspective du prochain élargissement. Le 11 janvier 2002 a ainsi été adopté un plan d'action pluriannuel pour le français, en préparation de l'élargissement de l'Union européenne. Ce plan associe la France, la communauté française de Wallonie-Bruxelles, le Luxembourg et l'agence intergouvernementale de la francophonie. Ce plan, à l'élaboration et au suivi duquel contribuent le ministère des affaires étrangères et le ministère de la culture et de la communication, vise principalement à assurer la formation au français et en français de nombreux fonctionnaires, diplomates, interprètes et traducteurs appelés à rejoindre les institutions européennes de manière à les mettre en mesure de s'exprimer dans notre langue lorsqu'ils rejoindront les institutions européennes et travailleront en liaison avec elles. Le Gouvernement entend consolider et amplifier cette action, essentielle pour préserver le plurilinguisme dans une Europe élargie.

Données clés

Auteur : M. Gilles Artigues

Type de question : Question écrite

Rubrique : Langue française

Ministère interrogé : coopération et francophonie

Ministère répondant : coopération et francophonie

Dates :
Question publiée le 14 octobre 2002
Réponse publiée le 18 novembre 2002

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