Question écrite n° 46902 :
Rwanda

12e Législature

Question de : M. Éric Raoult
Seine-Saint-Denis (12e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Éric Raoult attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur les accusations particulièrement graves portées par le Président rwandais Paul Kagame contre la France. En effet, ce chef d'État africain, pourtant largement et précisément mis en cause par diverses enquêtes, dans l'assassinat du président général Habyarimana qui a été l'événement déclencheur du génocide de 1994, ne manque aucune occasion de lancer des attaques et des accusations de responsabilité contre la France dans chaque rencontre de chefs d'État africains. Ces déclarations portent une certaine confusion dans l'esprit des dirigeants africains et portent un réel préjudice à l'image de la France en Afrique. Il serait nécessaire de faire cesser cette dénaturation diffamatoire des faits. Il lui demande donc de bien vouloir préciser ce qu'il compte entreprendre en ce sens, dans les mois qui viennent.

Réponse publiée le 27 septembre 2005

Au sortir de la crise rwandaise, la France s'est efforcée de faire toute la lumière sur les événements tragiques survenus en avril 1994. Une mission d'information parlementaire, présidée par M. Quilès, a été créée en 1998 pour répondre à l'ensemble des interrogations suscitées par notre engagement au Rwanda entre 1990 et 1994. Cet effort de vérité, qu'aucun autre pays n'a mené de manière aussi approfondie, a permis de restituer toute la complexité des facteurs qui ont mené à la tragédie d'avril 1994. Les conclusions de cette mission rappellent que la France a été le pays le plus actif non seulement pour tenter de prévenir le drame de 1994, mais également pour tenter de mobiliser la communauté internationale afin de venir en aide aux victimes du génocide. L'échec de nos efforts en faveur de la paix ne peuvent constituer les « preuves » d'une responsabilité, encore moins d'une complicité. Alors que la France n'avait pas de liens historiques particuliers avec le Rwanda, elle s'est très tôt investie dans les efforts pour tenter d'enrayer la montée des tensions dans ce pays, qui avait déjà connu de graves violences intercommunautaires au cours des années 70. Face à un début de guerre civile au début des années 90, notre pays a tenté de faire prévaloir la voie de la négociation politique et du processus de réconciliation nationale. Cette politique s'est traduite par des contacts réguliers avec l'ensemble des forces politiques rwandaises, et en particulier avec le Front patriotique rwandais (FPR), qui avait lancé une offensive militaire à partir de l'Ouganda le 1er octobre 1990. Ces contacts visaient à faire cesser la guerre entre les forces gouvernementales et les forces rebelles du FPR et à encourager l'ouverture politique. C'est dans ce cadre que la France ainsi que d'autres acteurs de la communauté internationale ont cherché à dissuader le FPR de lancer une offensive militaire sur Kigali, qui aurait immanquablement entraîné des centaines de milliers de personnes sur les chemins de l'exode : ce qui s'est, malheureusement, produit en avril 1994. Les pressions diplomatiques exercées par la France et la communauté internationale ont permis, jusqu'en avril 1994, de préserver l'espoir d'une solution politique au conflit entre le gouvernement rwandais et le FPR. En 1992, le Gouvernement rwandais a ainsi engagé un dialogue avec le FPR, ce qui a permis d'aboutir à un ensemble d'accords dits accords d'Arusha, qui prévoyaient un cessez-le-feu et un partage du pouvoir dans le cadre d'un gouvernement de transition. En application des accords d'Arusha, la France procéda, entre le 15 octobre et le 15 décembre 1993, au retrait de ses forces militaires présentes au Rwanda. Un contingent des Nations unies (MINUAR) fut déployé pour prendre le relais et assurer la sécurisation du processus de paix. Au moment du déclenchement des massacres, il n'y avait sur le terrain aucun soldat français autre que ceux de l'opération Amarylis (9-14 avril), venus évacuer les ressortissants français et étrangers. Aucun coopérant ni aucun militaire français - est-il besoin de le dire ? - n'a donc pu participer, de près ou de loin, au génocide perpétré au Rwanda. Les événements du 6 avril 1994 ont mis fin à tout espoir de solution pacifique au problème rwandais. L'attentat contre l'avion du président Habyarimana a ouvert la voie aux extrémistes, qui avaient tout fait pour s'opposer à la logique du partage du pouvoir et s'étaient préparés à un affrontement majeur. Les pilotes de l'avion transportant le président Habyarimana étant français, cet attentat fait actuellement l'objet d'une instruction judiciaire en France, dont les conclusions n'ont pas encore été transmises. En juin 1994, face à l'accélération des événements sur le terrain et à la division du Conseil de sécurité sur le renforcement de la MINUAR, la France a fait le choix de l'intervention humanitaire. L'opération Turquoise, d'une durée de deux mois, conformément au mandat que lui avait donné le Conseil de sécurité, a été la seule opération humanitaire d'ampleur qui ait été engagée pour sauver les populations menacées. Le 4 juillet, la France a ainsi mis en place une zone humanitaire sûre afin de mettre les populations à l'abri des combats qui faisaient rage dans le sud (Butare) et dans l'ouest (Kibuye) du pays. Cette opération n'a pas été en mesure d'empêcher tous les massacres, notamment dans les premiers jours de sa mise en place. Mais elle a permis à des milliers de personnes d'échapper aux combats et à des centaines de milliers de personnes déplacées de bénéficier de secours et de soins. Si cette opération n'avait pas eu lieu, on peut supposer que des centaines de milliers, voire des millions de Rwandais, se seraient réfugiés au Zaïre ou au Burundi voisins, avec les conséquences que l'on peut imaginer pour la stabilité de ces pays, comme les événements au Zaïre d'alors peuvent en témoigner. Contrairement aux accusations qui ont pu être portées contre la France, l'opération Turquoise n'a jamais failli à son devoir de neutralité et n'a jamais eu d'autre objectif que de sécuriser les populations civiles pendant la poursuite des combats militaires. La position de la France est aujourd'hui de privilégier l'avenir et de ne pas entrer dans une polémique dont les principaux éléments ont déjà trouvé réponse dans le travail effectué par la mission parlementaire d'information. C'est ce message que son prédécesseur, Michel Barnier, a personnellement adressé au ministre des affaires étrangères du Rwanda, M. Charles Murigande, à l'occasion d'un entretien approfondi, à Pretoria le 28 juillet dernier. Lors de cette rencontre, il a été convenu de mener un travail de mémoire en commun, mais aussi de regarder vers l'avenir, dans l'intérêt du Rwanda, mais aussi de l'ensemble de la région des Grands Lacs africains. Pour cela, la France considère le Rwanda comme un partenaire important avec qui nous souhaitons entretenir des relations de confiance. L'instauration d'une paix durable dans la région des grands lacs passe par une normalisation des relations du Rwanda avec ses voisins, et en particulier la République démocratique du Congo. La France favorise à cette fin toutes les initiatives allant en ce sens, comme l'établissement d'un mécanisme de vérification des frontières ou la réussite de la prochaine conférence internationale sur la paix et la sécurité dans les Grands Lacs, qui pourront rétablir la confiance et installer une logique de coopération politique et économique dans la région.

Données clés

Auteur : M. Éric Raoult

Type de question : Question écrite

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : affaires étrangères

Ministère répondant : affaires étrangères

Dates :
Question publiée le 21 septembre 2004
Réponse publiée le 27 septembre 2005

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