Question écrite n° 47425 :
crimes

12e Législature

Question de : M. Éric Raoult
Seine-Saint-Denis (12e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Éric Raoult attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur l'intérêt présenté par l'opération américaine « Cold Case Crime Unit » qui a prouvé son efficacité aux Etats-Unis. En effet, mis en place dans les services locaux de police de certains Etats américains, ces nouvelles unités d'inspecteurs ont la charge de rouvrir des dossiers criminels datant de plusieurs années et ayant été classés sans suite. Ces inspecteurs reprennent ainsi ces dossiers au regard de nouvelles technologies désormais utilisées, faisant appel notamment aux empreintes génétiques. Ces Cold Case Crime Unit ont donné lieu outre-Atlantique à des succès tout à fait spectaculaires et probants qui ont été très fortement médiatisés et qui pourraient être imités et suivis dans notre pays dans nos investigations de police criminelle. Une étude de ces nouvelles méthodes pourrait donc être menée aux Etats-Unis pour être ensuite mise en place en France. Il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer s'il compte répondre à cette proposition.

Réponse publiée le 1er février 2005

Le dispositif policier français ne compte pas de structures de type « Cold Case Crime Unit » telles qu'évoquées par l'honorable parlementaire en référence à l'exemple américain. Pour autant, la pratique judiciaire et policière permet un réel suivi des dossiers criminels : un dossier criminel peut toujours donner lieu à des investigations nouvelles tant qu'il n'est pas prescrit. Saisi d'un crime dont l'auteur est resté inconnu ou lorsqu'il n'existe pas de charges suffisantes contre la personne mise en examen, le juge d'instruction peut déclarer par ordonnance, « qu'il n'y a lieu à suivre », conformément à l'article 177 du code de procédure pénale (CPP). Le procureur de la République peut toutefois relancer les investigations lorsque des « charges nouvelles » sont portées à sa connaissance (art. 188 du CPP) : déclarations de témoins, pièces et procès-verbaux de nature à fortifier les charges initialement trouvées trop faibles ou à apporter de nouveaux développements utiles à la manifestation de la vérité. Les services de police judiciaire prennent ainsi toute leur part dans la réactivation de dossiers classés sans suite sur lesquels ils peuvent obtenir des informations capitales longtemps après la commission des faits. La charge nouvelle doit être un élément de culpabilité de nature à justifier une mise en examen. Elle est la plupart du temps apportée lors d'examens techniques complémentaires à forte valeur probante. C'est ainsi qu'au cours de la dernière décennie, certaines affaires ont connu un nouveau développement grâce à l'apport de technologies nouvelles, notamment dans le domaine de l'exploitation des empreintes papillaires et génétiques. Les informations contenues dans le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) créé par décret du 8 avril 1987, et conservées durant vingt-cinq ans, de même que celles contenues dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) créé par la loi du 17 juin 1998 relative à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs, dont le champ d'application a été étendu aux principaux crimes d'atteinte aux personnes et aux biens en vertu de l'article 56 de la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, et conservées durant quarante ans ou vingt-cinq ans selon la nature des données, peuvent à tout moment être comparées à de nouvelles traces et conduire à la résolution d'affaires récentes ou anciennes. La prise en compte de charges nouvelles et la reprise des investigations s'inscrivent cependant dans un cadre restrictif relatif à l'application de la loi dans le temps. En effet, l'action publique pour l'application de la peine se prescrit par dix années en matière de crime, trois années en matière de délit et une année en matière de contravention, à compter du dernier acte de procédure, toute nouvelle enquête étant impossible au-delà de ces délais de prescription. Pour faciliter la répression d'infractions parmi les plus graves, la loi a prévu de rallonger ces délais (dispositif encore renforcé par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité). Ainsi, l'action publique se prescrit par vingt ans, à compter de leur majorité, pour certains crimes dont sont victimes des mineurs (meurtre ou assassinat précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie, viol), et par trente ans en ce qui concerne les crimes en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants. L'action publique se prescrit par vingt ans pour les délits en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants, et par dix ou vingt ans, toujours à compter de leur majorité, pour certains délits commis contre des mineurs (atteintes et agressions sexuelles notamment). L'auteur identifié d'un crime peut être interpellé longtemps après sa fuite La prescription intéresse également l'exécution de la peine. En effet, il est certaines situations où la personne assignée à comparaître devant une cour d'assises ne s'est pas présentée ; ou bien, lorsqu'après s'être présentée elle s'est évadée ou a pris la fuite. Dès lors, elle peut être jugée par défaut selon les nouvelles dispositions de la loi du 9 mars 2004 qui a abrogé les dispositions relatives au jugement par contumace. La peine alors prononcée pour un crime pourra toujours être exécutée dans un délai de vingt ans, à compter de la date à laquelle la décision de condamnation est devenue définitive. Afin d'optimiser les chances de retrouver les auteurs présumés et témoins d'infractions, le décret du 18 décembre 2003 a créé l'office central chargé des personnes recherchées ou en fuite (OCPRF). Opérationnel depuis début 2004, cet office a très rapidement produit des résultats conséquents avec l'interpellation de trente-deux malfaiteurs recherchés depuis plusieurs années, certains quelques jours avant la prescription définitive de leur condamnation. Parallèlement, un article 74-2 a été inséré dans le CPP par la loi précitée du 9 mars 2004. Il instaure un nouveau cadre d'enquête permettant de rechercher activement une personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt après la clôture de l'information. Sur instructions du procureur de la République, les enquêteurs peuvent alors procéder à des auditions, perquisitions, réquisitions, examens techniques et scientifiques. Compte tenu de l'efficacité du dispositif en vigueur. il ne paraît pas utile, à ce jour, de mener une telle étude.

Données clés

Auteur : M. Éric Raoult

Type de question : Question écrite

Rubrique : Droit pénal

Ministère interrogé : intérieur

Ministère répondant : intérieur

Dates :
Question publiée le 28 septembre 2004
Réponse publiée le 1er février 2005

partager