Question écrite n° 48446 :
média

12e Législature

Question de : M. Jacques Myard
Yvelines (5e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Jacques Myard appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le comportement des terroristes d'Action directe condamnés en 1989 à la réclusion criminelle à perpétuité, dont une condamnée a bénéficié d'une suspension de peine pour raisons médicales le 16 juin dernier. En effet, cette personne, atteinte d'une tumeur au cerveau, a bénéficié d'un geste d'humanité prévu par la loi française, afin de lui permettre de faire face à sa maladie hors de prison. Toutefois, depuis sa suspension de peine, elle a repris son activité militante, donnant régulièrement des interviews dans la presse écrite et audiovisuelle, au cours desquelles elle continue de justifier ses assassinats sans exprimer le moindre remords, au nom d'une idéologie qui méprise l'État de droit, la République et la dignité humaine. De surcroît, elle continue de contester les conditions et la légitimité de la détention que la justice lui a infligée, ainsi qu'à ses complices. Elle rend l'État responsable de la détérioration de leur état de santé, que par ailleurs elle sait utiliser médiatiquement pour attendrir les bonnes âmes. Dernièrement, c'est sur la chaîne de télévision publique France 3 qu'elle s'est livrée à cette véritable apologie du terrorisme et du meurtre. Le service public se rend ainsi complice de ces agissements en offrant une tribune à une terroriste reconnue comme telle par la justice, et qui pendant vingt ans n'a fait aucun effort requis pour espérer bénéficier d'une remise de peine, et dont la suspension de peine n'est due qu'à un geste humanitaire de la République. Il s'agit d'une véritable trahison des missions du service public de l'audiovisuel, et d'une provocation pour l'État de droit. Il lui demande en conséquence s'il compte rappeler aux médias les conditions de la suspension de peine pour raison médicale, qui ne doit pas être interprétée comme une mise en liberté pure et simple, ni comme une remise de peine, et encore moins comme un acquittement des meurtres commis.

Réponse publiée le 21 décembre 2004

Le garde des sceaux, ministre de la justice, a l'honneur de faire connaître à l'honorable parlementaire qu'il partage son émotion relative aux propos récemment tenus par Joëlle Aubron sur une chaîne de télévision du service public. Condamnée le 14 janvier 1989 par la cour d'assises de Paris à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une peine de sûreté de 18 ans pour complicité d'assassinat terroriste et le 19 mai 1994 à la même peine pour des faits de même nature, elle a été admise au bénéfice de la suspension de peine pour raison médicale à compter du 16 juin 2004 par arrêt de la juridiction régionale de la libération conditionnelle de la cour d'appel de Douai en date du 14 juin 2004. La suspension de peine pour raison médicale a été introduite dans le droit français par la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, pour permettre à des condamnés en fin de vie de mourir dignement ou pour résoudre les situations de détenus dont l'état de santé est devenu durablement incompatible avec les conditions de la vie carcérale, notamment du fait d'un handicap ou de la nécessité de suivre des soins particulièrement lourds. Cette mesure est prise, suivant le cas, par décision du juge de l'application des peines ou de la juridiction régionale de la libération conditionnelle, qui statue après avis du représentant de l'administration pénitentiaire, au cours d'un débat contradictoire où sont entendues les réquisitions du ministère public, les observations du détenu et le cas échéant celles de son avocat. La suspension de la peine ne peut être ordonnée que si deux expertises médicales distinctes établissent de manière concordante soit que le condamné se trouve atteint d'une pathologie engageant le pronostic vital, soit que son état de santé est durablement incompatible avec un maintien en détention. Elle peut être retirée à tout moment par le juge de l'application des peines si une expertise ultérieure établit que ces conditions ne sont plus remplies. Elle peut également être retirée si le bénéficiaire de la suspension de peine ne respecte pas les obligations ou interdictions qui lui ont été imposées par le juge. La loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité est venue allonger la liste des obligations pouvant être imposées par le juge de l'application des peines. Ainsi, à partir du 1er janvier 2005, le bénéficiaire de la suspension de peine pourra également être astreint à l'obligation de poursuivre l'indemnisation de ses victimes. Informé des nombreux déplacements de Joëlle Aubron, dont certains étaient manifestement étrangers à tout objet thérapeutique, le ministère public a saisi le juge de l'application des peines du tribunal de grande instance de Sens, pour faire cesser cette situation abusive. Par jugement du 21 septembre 2004, ce magistrat a imposé à Joëlle Aubron, outre l'obligation de répondre aux convocations, l'interdiction de sortir des limites du département de l'Yonne, sauf pour se rendre à Paris et Lille pour les besoins de son suivi médical, à Grenoble pour rencontrer son avocat, et l'interdiction d'entrer en relation avec les victimes. Cette décision est applicable depuis son prononcé, en dépit de l'appel interjeté par Joëlle Aubron. Toute violation de ces obligations est ainsi susceptible d'entraîner sa réincarcération. S'agissant de ses déclarations publiques, Joëlle Aubron ne relève plus du régime des détenus. À la différence des condamnés détenus, qui sont soumis en ce qui concerne leurs contacts avec l'extérieur au contrôle de l'administration pénitentiaire, les condamnés admis au bénéfice de la suspension de peine ne sont astreints à aucun régime particulier. En revanche, ils sont soumis, comme toute personne, aux textes généraux encadrant la liberté d'expression et réprimant notamment le discrédit jeté sur une décision de justice, l'apologie de crime et l'incitation à la violence. Aucune disposition légale ne permet donc d'interdire à Joëlle Aubron de faire des déclarations à la presse. Elle est en revanche pénalement responsable des propos qu'elle tient. À cet égard, il appartient au parquet d'apprécier si ses déclarations sont susceptibles de revêtir une qualification pénale. Si certains de ses propos venaient à tomber sous le coup de la loi pénale, le ministre de la justice n'hésiterait pas à faire usage des pouvoirs qu'il tient de l'article 30 du code de procédure pénale, et à donner pour instruction au procureur général compétent d'engager des poursuites à son encontre. Il n'est en effet pas admissible qu'un condamné, a fortiori pour des crimes en lien avec une entreprise terroriste, profite de l'octroi d'une mesure judiciaire d'ordre humanitaire pour tenir une tribune au service de sa cause terroriste.

Données clés

Auteur : M. Jacques Myard

Type de question : Question écrite

Rubrique : Audiovisuel et communication

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Dates :
Question publiée le 12 octobre 2004
Réponse publiée le 21 décembre 2004

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