malgré-nous
Question de :
M. Alain Marty
Moselle (4e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Alain Marty attire l'attention de Mme la ministre de la défense sur le problème de l'iniquité qui existe entre les malgré-nous incorporés de force et les malgré-nous insoumis. En effet, l'ordonnance du 9 août 1942 du chancelier Hitler, à l'origine du choix de conscience de cette jeunesse annexée devant l'obligation du service militaire obligatoire dans l'armée allemande, créa les « malgré-nous ». Devant tout un arsenal de représailles, les uns devinrent les « malgré-nous incorporés de force », d'autres, par cette même ordonnance, se sont rebellés, et devinrent des « malgré-nous insoumis ». En 1981, l'entente franco-allemande prit en compte les malgré-nous incorporés de force, excluant les malgré-nous insoumis. Ces derniers récusent l'assimilation aux réfractaires STO sans spécificité militaire mais revendiquent l'appartenance à la Résistance, fait reconnu par les gouvernements précédents mais non homologué. Cette résistance, quoique artificieuse, sanctionnée par la peine de mort pour trahison au IIIe Reich, n'a certes pas la même définition que la résistance par les armes mais néanmoins a contribué à l'affaiblissement du potentiel de guerre de l'ennemi en vies humaines. Cet acte de fidélité à la France doit être pris en compte avant la disparition des derniers survivants malgré-nous insoumis. Ils appellent à l'équité entre les victimes du service militaire obligatoire dans une armée ennemie et ceux qui ont fait le choix de ne pas se soumettre au diktat allemand. Ils demandent que leur résistance à la dictature ennemie soit respectée et reconnue par la France et si le Gouvernement entend prendre des mesures en ce sens. - Question transmise à M. le secrétaire d'Etat aux anciens combattants.
Réponse publiée le 14 avril 2003
L'annexion de fait de l'Alsace et de la Moselle par le IIIe Reich a comporté notamment l'incorporation forcée de jeunes Français dans l'armée allemande. En réaction à cette situation, certains se sont soustraits à cet ordre de mobilisation en abandonnant leur foyer, puis ont vécu, à compter de cette date, en marge des lois et règlements français et allemands en vigueur. La France a reconnu ces différentes situations et le législateur a créé des statuts spécifiques prenant en compte le cas particulier de chacune de ces catégories de ressortissants. C'est ainsi que les Alsaciens et Mosellans incorporés de force dans la Wehrmacht ont, depuis l'ordonnance n° 45-364 du 10 mars 1945 modifiée, les mêmes droits que les combattants ayant servi dans les formations de l'armée française durant la Seconde Guerre mondiale. Les services qu'ils y ont effectués et leurs périodes de captivité éventuelles sont validés pour la retraite et les blessures reçues et les maladies contractées au cours du service sont susceptibles d'être indemnisées au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Les Alsaciens et Mosellans insoumis sont considérés quant à eux comme des réfractaires en application de l'article L. 296 du code précité, et bénéficient du titre et du statut correspondants. Ils peuvent ainsi prétendre notamment aux dispositions applicables aux victimes civiles de guerre, qui permettent la réparation des préjudices physiques subis du fait du réfractariat, à la prise en compte de la durée du réfractariat dans le calcul des retraites du secteur privé comme du secteur public, à la médaille commémorative de la guerre 1939-1945 et, à leur décès, au privilège de recouvrir leur cercueil d'un drap tricolore. Les malgré-nous insoumis ne peuvent cependant obtenir le bénéfice de l'indemnisation mise en place par la fondation Entente franco-allemande, celle-ci ne concernant que les seuls incorporés de force. Il s'agit en effet d'un processus de dédommagement découlant de l'accord intergouvernemental du 31 mars 1981 par lequel l'Allemagne s'engageait à verser une contribution de 250 millions de deutsche marks pour régler « les questions relatives à l'enrôlement de force des ressortissants français du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle dans l'armée allemande ». La revendication récurrente des personnes ayant refusé de se soumettre à l'incorporation de force dans l'armée allemande est la création d'un statut distinct de celui des réfractaires au service du travail obligatoire (STO) avec lesquels elles sont confondues dans l'article L. 296 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Face à cette revendication, il avait été envisagé de créer un statut et un titre spécifiques aux insoumis, par dissociation avec la réquisition pour le STO. Ce nouveau statut « d'insoumis à l'incorporation forcée » devait être caractérisé par la délivrance d'une carte d'insoumis, en lieu et place de l'attestation de réfractaire et la création d'une médaille particulière, différente de l'insigne de réfractaire. Ce projet n'a pu cependant aboutir en raison des difficultés posées par la création de la médaille. Nonobstant, l'action qui fut celle des insoumis au cours de la Seconde Guerre mondiale doit être qualifiée avec la volonté de traduire la réalité des faits auxquels ils ont été confrontés. A cet égard, l'insoumission à l'incorporation de force a constitué un acte de patriotisme incontestable. Pour autant, elle ne saurait être confondue avec l'engagement résistant actif. Il convient de rappeler ici que la définition précise et limitative de la Résistance correspond à l'appartenance à une organisation homologuée officiellement comme mouvement de Résistance (lutte armée, renseignement, etc.). Le secrétaire d'Etat aux anciens combattants entend maintenir et faire respecter cette définition conforme à la réalité historique qu'est la Résistance en tant que mouvement structuré et parfaitement délimité. La situation des insoumis à l'incorporation forcée relève d'une autre logique et la reconnaissance officielle qui est due à ces personnes ayant montré leur attachement à la France par leur conduite courageuse, doit utiliser des moyens adaptés à cette fin. Le secrétaire d'Etat est en tout état de cause très attentif à l'évolution des questions relatives aux conséquences de l'annexion allemande pour les Alsaciens et les Mosellans. Il est disposé à les examiner de façon équitable et pragmatique, en concertation avec les parlementaires et les membres des différentes associations.
Auteur : M. Alain Marty
Type de question : Question écrite
Rubrique : Anciens combattants et victimes de guerre
Ministère interrogé : défense
Ministère répondant : anciens combattants
Dates :
Question publiée le 21 octobre 2002
Réponse publiée le 14 avril 2003