Question écrite n° 51629 :
OSCE

12e Législature

Question de : M. Éric Raoult
Seine-Saint-Denis (12e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Éric Raoult attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur les méthodes de travail de l'OSCE. En effet, il est apparu pour le contrôle de plusieurs scrutins en Europe de l'Est, notamment en Ukraine, qu'un certain dysfonctionnement pouvait apparaître dans sa prise de position sur la régularité du scrutin présidentiel dans ce pays. Plusieurs députés de pays d'Europe, venus contrôler le scrutin présidentiel du 31 octobre, ont été très étonnés de voir l'OSCE prendre position sur le « standard démocratique » alors même que les questionnaires diffusés parmi les observateurs n'avaient pu raisonnablement être recueillis et analysés objectivement. Dès lors, la prise de position officielle de l'OSCE a eu un retentissement médiatique particulièrement important en Europe, mais aussi en Ukraine. En Europe, ce commentaire a nui à l'image de l'Ukraine, dans son parcours démocratique. En Ukraine, même ce commentaire précipité et quelque peu univoque a suscité une polémique et une très forte tension qui a conduit à une irruption provocation de l'un des candidats à la Commission centrale électorale. Cette situation est regrettable car elle engage collectivement les élus observateurs et contrôleurs de ces élections dans les nouvelles démocraties. Elle donne la fâcheuse impression que le « standard OSCE » est plus « made in America » et correspond à une ligne diplomatique anglo-américaine et pas forcément européenne. Cette ligne diplomatique ne saurait donc engager tous les pays membres de l'OSCE. D'autant plus que les dirigeants de cette organisation ne représentent pas forcément la pluralité d'expression et la diversité européennes. Au regard de l'exemple ukrainien qui pourrait être généralisé dans d'autres cas, il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer si la France compte agir pour obtenir une plus grande objectivité dans l'expression du « standard OSCE » dans le contrôle et la surveillance des processus électoraux des nouvelles démocraties.

Réponse publiée le 29 mars 2005

L'observation électorale de l'OSCE, organisée par le Bureau de droits de l'homme et des institutions démocratiques (BIDDH), se veut rigoureuse, indépendante et impartiale. Elle découle d'engagements librement consentis des États participants lors de la réunion ministérielle de Copenhague de 1990. Elle repose sur des missions d'observation qui se décomposent en deux phases : envoi d'observateurs de longue durée un mois avant le scrutin et d'observateurs de courte durée la dernière semaine précédant le vote. Ils sont encadrés par une mission d'experts et ont pour consigne explicite d'adopter une attitude de totale impartialité. Les observateurs, mis à disposition par les États, peuvent être issus de tous les pays participants à l'OSCE. En Ukraine, pour le scrutin du 26 décembre, 980 observateurs issus de 41 pays différents ont été déployés dans le cadre de la mission OSCE. Plusieurs dizaines d'observateurs issus des pays d'Europe centrale et orientale (notamment de Russie et de Biélorussie) ont été financés par le « fonds de diversification électorale » de l'OSCE, grâce à une contribution de la Commission européenne. Cette diversité est, entre autres garante de la neutralité de conclusions de la mission d'observation. La France a déployé à elle seule près de 10 % des observateurs, tout en finançant l'envoi de vingt observateurs venus de Bulgarie, pays qui exerçait la présidence de l'OSCE en 2004. La mission d'observation produit des conclusions préliminaires sur le respect des critères démocratiques le lendemain du scrutin. L'analyse, au cours de la nuit, des questionnaires faxés régulièrement par tous les observateurs permet la définition d'une prise de position objective, surtout lorsque les fraudes sont aussi massives et incontestables que lors du scrutin présidentiel du 31 octobre en Ukraine. Ces conclusions ne se fondent pas uniquement sur les questionnaires remplis pas les observateurs de courte durée, mais aussi sur les rapports réguliers envoyés par les observateurs de longue durée qui prennent en compte l'atmosphère générale entourant le scrutin, ainsi que sur les appréciations portées par les experts de la mission d'observation du BIDDH sur des aspects spécifiques du scrutin (inscriptions sur les listes électorales, fonctionnement des commissions électorales centrales, modalités de dépôt des candidatures, libre accès aux médias, financement des campagnes). Dans les semaines suivant l'élection, la mission publie un rapport final détaillé, comportant une évaluation et des recommandations. Celui-ci repose sur une analyse objective de tous les questionnaires. Il évalue la régularité de l'élection au regard des engagements démocratiques pris de manière consensuelle par tous les États participants de l'OSCE à Copenhague. Les conclusions de la mission d'observation de l'OSCE, loin d'avoir nui à l'image de l'Ukraine et d'avoir accru les tensions intérieures dans ce pays, ont permis de l'aider dans son parcours démocratique. La réalité des fraudes massives dénoncées lors des deux premiers tours et l'objectivité des rapports de l'OSCE apparaissent difficilement contestables. Au cours de ces deux tours, l'élection présidentielle ukrainienne n'avait pas respecté un nombre considérable d'engagements internationaux, notamment en termes de transparence pendant le dépouillement et la transmission des résultats, de légalité (pressions sur les électeurs, utilisation massive des « ressources administratives), d'impartialité des médias (directives envoyées aux médias par le gouvernement indiquant les sujets à traiter et la ligne éditoriale à suivre) et de proportion anormalement élevée de votes hors du lieu de résidence et à domicile. Cette situation représentait d'ailleurs pour ce pays une régression par rapport aux élections parlementaires de 2002. En facilitant la tenue d'un « troisième tour », dans des conditions où la régularité du scrutin est apparue renforcée, l'OSCE a fortement contribué à un dénouement pacifique de la crise, comme cela avait déjà été le cas lors de l'élection présidentielle en Géorgie, voici un an. La méthodologie développée par le BIDDH n'a cessé de s'améliorer depuis quinze ans. Elle a servi de modèle à l'Union européenne comme au Conseil de l'Europe. Les engagements de Copenhague qui conservent toute leur pertinence, l'indépendance de l'observation électorale qui est garante de sa crédibilité doivent donc être préservés. L'activité d'observation électorale de l'OSCE n'est pas limitée aux seules missions du BIDDH, puisque l'Assemblée parlementaire de l'OSCE y est étroitement associée, ce qui confère une dimension politique supplémentaire à cette activité cruciale. En 2005, le BIDDH a déployé avec succès près de 6 000 observateurs, ce qui donne la mesure du professionnalisme et de l'efficacité d'une équipe comptant moins de dix personnes. Il revient aux États participants de mettre à disposition des observateurs, parmi lesquels le BIDDH recrute ensuite les membres des noyaux durs de ses missions d'observation électorale. Nos partenaires américains, allemands et britanniques ont jusqu'ici été les plus gros contributeurs en nombre d'observateurs mis à disposition, ce qui explique leur prépondérance dans les missions d'observation électorale. La France a accru son soutien aux missions d'observation du BIDDH. En Géorgie comme en Ukraine, notre pays a été à la hauteur des enjeux. La qualité de nos observateurs est déjà récompensée, puisque certains d'entre eux ont été sollicités pour intégrer les noyaux durs des missions d'observation, ce qui suppose un fort niveau d'expertise joint à de grandes qualités de terrain.

Données clés

Auteur : M. Éric Raoult

Type de question : Question écrite

Rubrique : Organisations internationales

Ministère interrogé : affaires étrangères

Ministère répondant : affaires étrangères

Dates :
Question publiée le 23 novembre 2004
Réponse publiée le 29 mars 2005

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