Question écrite n° 55491 :
politique du logement

12e Législature

Question de : Mme Ségolène Royal
Deux-Sèvres (2e circonscription) - Socialiste

Mme Ségolène Royal attire l'attention de M. le ministre délégué au logement et à la ville sur la forte progression des ventes immobilières par lots, observée en France depuis ces dernières années. Un nombre croissant d'investisseurs institutionnels, en particulier les fonds d'investissement américains, font l'acquisition d'immeubles pour les revendre directement, appartement par appartement, générant ainsi de fortes plus-values. Ce type de transaction, basée sur la spéculation immédiate, représente par exemple aujourd'hui à Paris 15 % des transactions conclues, et le phénomène se généralise dans les autres grandes villes françaises. Les locataires de ces appartements sont ainsi mis devant le fait accompli, et n'ont souvent d'autre choix que de quitter leur appartement à l'expiration du bail, s'ils n'ont pas les moyens de le racheter eux-mêmes. Plus globalement, des ventes à la découpe contribuent à la hausse des prix locatifs en ville en privant du marché des centaines d'habitations. A ce rythme il est clair que certaines villes deviendront de plus en plus inaccessibles pour les classes moyennes, rajoutant à la fracture sociale une fracture géographique. Par conséquent elle lui demande quelles mesures celui-ci compte prendre pour prévenir ce genre de pratiques et ainsi freiner la hausse des prix locatifs dans notre pays.

Réponse publiée le 12 septembre 2006

Le problème des ventes d'immeubles par lots constaté depuis 2001 a une nature spéculative. Ce phénomène déstabilise les locataires en place qui en sont les victimes. Il se caractérise par la présence active d'intermédiaires qui nourrissent la spéculation à travers les ventes en bloc successives des immeubles concernés, avant de procéder à leur revente lot par lot. Cette vague spéculative, si elle a concerné au départ les quartiers les plus chers de Paris, s'étend depuis deux ans de façon importante dans tous les quartiers de la capitale, dans des communes de la périphérie de Paris, ainsi que dans des communes de province où le marché immobilier est également tendu, comme Lyon ou Marseille. On estime que la découpe d'immeubles, en nombre de logements concernés, a touché en 2004 et 2005 pour moitié à peine Paris intra muros. Le logement ne peut être traité comme n'importe quel actif financier que l'on pourrait acheter et revendre sans aucune formalité : dans le cas des ventes par lots actuelles, il s'ensuit une réduction du parc locatif qui peut compromettre la présence, en ville, de nombreux ménages de revenus modestes ou moyens. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a d'abord encouragé le dialogue entre représentants des propriétaires et des locataires pour apporter de vraies protections aux occupants victimes des découpes d'immeubles, dialogue mené dans le cadre de la commission nationale de concertation et qui a abouti à un accord national, le 16 mars 2005, renforçant la protection des locataires les plus fragiles, notamment des personnes âgées ou invalides. Le Gouvernement a ensuite soutenu une proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale au printemps 2005 destinée à enrayer la vague spéculative actuelle des ventes d'immeubles par lots, proposition qui a donné lieu à la loi n° 2006-685 du 13 juin 2006 relative « au droit de préemption et à la protection des locataires en cas de vente d'un immeuble ». Cette loi a pour objectif de mettre fin aux reventes successives d'immeubles entiers qui alimentent la spéculation, en créant au profit des locataires en place, pour les immeubles d'au moins dix logements, un dispositif de préemption dès le stade de la première vente en bloc. Les locataires financièrement en mesure d'acheter leur appartement ont donc à présent la possibilité de réaliser cette acquisition avant même l'intervention d'intermédiaires qui déclenche la hausse du prix des logements. La loi offre également des garanties solides aux locataires qui ne sont pas en capacité d'acquérir leur logement, en leur assurant en toute hypothèse un maintien dans les lieux d'une durée de deux ans au minimum, afin de préparer au mieux leur déménagement et leur relogement. La loi comporte par ailleurs des incitations fiscales importantes à maintenir les logements sous statut locatif pendant six ans et plus dès lors que se présente un projet de découpe d'immeubles d'habitations. Au total grâce aux mesures introduites par cette loi du 13 juin 2006, les occupants d'immeubles « découpés » disposent de protections efficaces, qu'ils soient ou non en mesure d'acheter le bien qu'ils occupent. Ce résultat a été obtenu sans remettre en cause les équilibres de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, et dans le respect du droit de propriété.

Données clés

Auteur : Mme Ségolène Royal

Type de question : Question écrite

Rubrique : Logement

Ministère interrogé : logement et ville

Ministère répondant : emploi, cohésion sociale et logement

Dates :
Question publiée le 18 janvier 2005
Réponse publiée le 12 septembre 2006

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