Question écrite n° 55819 :
Haïti

12e Législature

Question de : M. Éric Raoult
Seine-Saint-Denis (12e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Éric Raoult attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la situation actuelle dans l'île d'Haïti. En effet, neuf mois après le départ du pouvoir du président Jean-Bertrand Aristide, le 29 février dernier, sous la pression conjuguée de la communauté internationale et d'une insurrection armée, le pays reste sur le fil de l'instabilité et demeure l'un des plus violents et des plus corrompus au monde. Il est notamment mis en coupe réglée par des narcotrafiquants qui se servaient d'Haïti comme d'une base d'expédition de la drogue vers le continent nord-américain. De plus, le gouvernement de transition de Gérard Latortue attend toujours les 1,4 milliard de dollars promis en juillet, à Washington, par la communauté internationale. La somme devait servir au lancement de grands projets d'infrastructures et fournir plus de 100 000 emplois. L'accentuation de l'insécurité et l'attention de la communauté internationale s'auto-entretiennent, suscitant une grave inquiétude sur le devenir d'Haïti. Il lui demande donc de bien vouloir lui préciser la position de la France sur ce dossier.

Réponse publiée le 26 juillet 2005

Malgré l'appui de la communauté internationale au gouvernement intérimaire de M. Latortue, la situation en Haïti demeure fragile, et la dégradation de la sécurité est très préoccupante. Les délais de mise en place de l'aide internationale n'ont pas facilité, dans ce contexte, la restauration d'un climat plus propice au développement. Ces questions sont au centre des préoccupations de la France, qui a joué un rôle moteur dans le dénouement de la crise de février 2004 et déploie tous ses efforts, en concertation avec le représentant spécial des Nations unies en Haïti et les principaux partenaires concernés, pour favoriser le bon aboutissement du processus de transition démocratique engagé par les autorités haïtiennes. A. - Aide à la reconstruction : à mi-parcours de la période de transition ouverte le 29 février 2004 par la démission du Président Aristide, un grand écart est apparu entre l'annonce quasi immédiate de la reprise de l'aide internationale, l'adoption en juillet d'un cadre de coopération intérimaire élaboré par le gouvernement de M. Latortue (1,4 milliard de dollars promis pour son financement) et le décaissement effectif de l'aide, qui commençait à arriver, mais de façon diffuse. Seules les aides d'urgence, par nature limitées dans le temps - en mars (après les troubles politiques), en mai (après les inondations dans l'est du pays) et en septembre (après le cyclone Jeanne) -, ont été perçues comme concrètes par les populations haïtiennes, partagées entre l'espoir, l'attentisme et le scepticisme faute d'observer une amélioration sensible de leurs conditions de vie. Devant ce constat, consciente de la profondeur et de la légitimité des inquiétudes du gouvernement intérimaire et de la population haïtienne, la France a pris l'initiative de réunir à Cayenne, le 18 mars 2005, autour du Premier ministre haïtien et de membres de son gouvernement, le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies (RSGNU) et les principaux pays, organismes internationaux et bailleurs concernés par l'évolution de la situation en Haïti quinze délégations de pays (Canada, Chili, Mexique, République dominicaine, Argentine, Brésil, Espagne, États-Unis, Haïti) et d'organisations internationales (représentant spécial du secrétaire général des Nations unies en Haïti, Banque mondiale, Banque interaméricaine de développement, Commission de l'Union européenne, Organisation des États américains, Caricom) ont pris part à la conférence ministérielle de Cayenne. La réunion de Cayenne a permis, d'une part, de réaffirmer l'appui de la communauté internationale au processus démocratique engagé et au Premier ministre du gouvernement de transition ; d'autre part, d'accélérer et de faciliter la mise en oeuvre des projets susceptibles d'avoir une incidence concrète et immédiate sur la vie quotidienne des Haïtiens. Sur la base du cadre de coopération intérimaire présenté en juillet 2004 à Washington, un « agenda pour Haïti » a été défini, regroupant 380 projets pour un montant total de 775 millions d'euros (dont 57 mis en oeuvre par la France pour un montant de 31 millions d'euros). Les projets sélectionnés, engagés dans l'année et générateurs d'emploi, répondent aux besoins quotidiens et les plus urgents de la population haïtienne. Ils permettent de prendre en compte les besoins prioritaires du pays autour des axes suivants : infrastructure et relance économique, gouvernance, accès aux services de base. La réunion de suivi, qui vient de se tenir à Montréal (17 juin) et à laquelle la France a pris une part active, a jugé encourageants les efforts des pays donateurs pour accélérer les décaissements ; 30 millions de dollars supplémentaires ont pu être affectés à de nouveaux projets afin d'accélérer la création d'emplois dans les quartiers pauvres et équiper la police nationale. B. - Amélioration de la sécurité : consciente que seul un meilleur niveau de sécurité peut permettre à l'aide de se déployer, estimant par ailleurs que le rétablissement de la sécurité dans les zones les plus défavorisées doit aller de pair avec un intense travail de développement au profit des populations, la France rappelle le rôle essentiel que doit jouer dans ce domaine la mission de stabilisation des Nations unies en Haïti (MINUSTAH), en appui au gouvernement intérimaire. La France - qui avait mis à disposition de la force intérimaire un millier d'hommes - contribue à hauteur de 79 policiers et gendarmes (39 policiers et 40 gendarmes) à la composante de police civile de cette mission ainsi qu'à l'état-major de sa composante militaire (3 officiers). Par ailleurs, la France a contribué à l'adoption - le 22 juin, à l'unanimité - de la résolution 1608, qui vient de renouveler le mandat de la MINUSTAH jusqu'au 15 février 2006 (c'est-à-dire après la prise de fonctions, le 7 février, d'un président élu démocratiquement) et d'augmenter ses effectifs à hauteur de 800 soldats supplémentaires pour la composante militaire (dont 750 destinés à l'établissement d'une force de réaction rapide à Port-au-Prince) et de 275 policiers supplémentaires pour la composante de police civile. Elle a soutenu les mesures additionnelles (meilleure coordination avec la police nationale haïtienne, usage de la force par les Casques bleus, renforcement du système judiciaire) proposées par le secrétaire général des Nations unies pour renforcer à cette occasion la capacité de la MINUSTAH et favoriser son engagement rapide dans des actions plus vigoureuses de maintien de l'ordre. La France participe également, dans un cadre de concertation plus restreint (RSGNU, États-Unis, Canada, Brésil) que le Core Group, auquel elle est également associée, aux réflexions en cours sur l'évolution de la situation sécuritaire et les meilleurs moyens de l'améliorer pendant cette période cruciale du processus électoral. La France apporte par ailleurs son soutien au secrétaire général de l'OIF en vue du renforcement du contingent francophone, insuffisamment représenté, au sein de la MINUSTAH. Considérant qu'un échec en Haïti mettrait gravement en cause la crédibilité de la communauté internationale et de ses institutions multilatérales, la France est attentive au respect des engagements pris à l'égard d'Haïti et se félicite de la détermination du Conseil de sécurité à appuyer plus vigoureusement le processus de transition pour le mener à son terme dans de meilleures conditions.

Données clés

Auteur : M. Éric Raoult

Type de question : Question écrite

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : affaires étrangères

Ministère répondant : affaires étrangères

Dates :
Question publiée le 25 janvier 2005
Réponse publiée le 26 juillet 2005

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