Question écrite n° 56839 :
politique fiscale

12e Législature

Question de : M. Alain Ferry
Bas-Rhin (6e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Alain Ferry attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la mise en place d'une « taxe planétaire » prélevée sur les marchés des changes (taxe Tobin), sur les ventes d'armes ou sur la consommation d'énergies non renouvelables. Cette idée de « taxe » a été présentée à l'ONU le 20 septembre 2004 par les présidents Lula du Brésil, Lagos du Chili, Chirac de France et Zapatero du gouvernement d'Espagne. L'émotion mondiale soulevée par la catastrophe de l'océan Indien devrait permettre de réclamer une mise en oeuvre immédiate de cette taxe internationale de solidarité. En effet, la catastrophe touchant l'Asie nous émeut en raison du nombre de victimes et de pays touchés et de sa brutalité. Cependant, si l'on observait sur une année ces pays et leurs habitants, nous constaterions une catastrophe humaine d'une envergure tout aussi tragique. Il suffit de savoir que, chaque année, dans ces États meurent plusieurs millions de personnes tout simplement parce qu'elles ne disposent pas d'eau potable, d'accès aux soins de santé essentiels ou de prévention face aux maladies tel le sida. Si l'on se félicite de l'aide publique et privée promise aux pays touchés par le tsunami, il ne faut pas oublier qu'elle n'est pas une solution de long terme. C'est pourquoi, s'il l'on souhaite réduire les effets destructeurs de cataclysmes, il faut aller à la recherche de solutions permanentes et favoriser, pour l'ensemble de la planète, une redistribution compensatoire. En conséquence, il lui demande quelles mesures le Gouvernement compte mettre en oeuvre afin d'inciter ses partenaires de l'ONU à la mise en place de cette taxe de solidarité.

Réponse publiée le 3 mai 2005

A la suite de la publication en septembre 2004 du rapport du groupe quadripartite (créé en janvier 2004 à Genève à la suite de la rencontre entre le Président de la République, le président Lula, le président Lagos et le secrétaire général de l'ONU, ce groupe, rejoint par l'Espagne à la suite de l'élection de M. Zapatero, a rédigé un rapport sur les mécanismes innovants de financement) et du rapport du groupe Landau, la France a proposé la mise en place, sur une base régionale ou mondiale, de mécanismes innovants de financement du développement. Les autorités françaises encouragent à la fois la mise en oeuvre de mécanismes permettant de favoriser la générosité privée, soutiennent la proposition britannique de facilité financière internationale (IFF), et proposent la création complémentaire de taxes internationales qui seraient perçues par les États au bénéfice de la lutte contre la pauvreté. L'objectif est de redistribuer les fruits de la mondialisation, inégalement répartis, en augmentant les ressources consacrées au développement, actuellement largement insuffisantes. Cinquante milliards de dollars additionnels sont, au moins, nécessaires chaque année pour atteindre les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) d'ici à 2015, soit un doublement des montants actuels d'aide publique au développement. Comme l'a dit le Président de la République à l'occasion de son discours prononcé devant le forum de Davos, le 26 janvier 2005, la pauvreté constitue un « tsunami silencieux ». Les contributions internationales innovantes dont nous soutenons la création permettraient notamment d'atténuer les conséquences humanitaires des catastrophes naturelles. En permettant de lever des ressources au bénéfice des pays en développement, les taxes internationales offriraient en effet à ces derniers les moyens de renforcer leurs infrastructures, leurs systèmes de santé, leurs mécanismes d'alerte, leur équipes de protection civile, dont on a pu mesurer les lacunes. Les taxes internationales devraient venir en complément de l'aide publique au développement (APD), et en aucun cas s'y substituer. Parfois décriée, l'aide publique au développement demeure en effet indispensable, et comme nous nous y sommes engagés, la France portera d'ici à 2012 son effort d'ADP à 0,7 % du PIB, après avoir atteint 0,5 % en 2007. Ces mêmes taxes présentent l'avantage d'apporter des ressources stables et prévisibles aux pays en développement, et leur permettraient par conséquent d'entreprendre des programmes sociaux de base, particulièrement dans le domaine de la santé et de l'éducation. Aux côtés d'un certain nombre de nos partenaires, notamment le Brésil, le Chili, l'Espagne, et plus récemment l'Allemagne, les autorités françaises s'efforcent de faire progresser le débat sur cette problématique. Des résultats très encourageants ont déjà été obtenus. Près de 110 pays ont soutenu la déclaration de New York du 20 septembre 2004. Les services du FMI, de la Banque mondiale et de la Commission européenne ont reçu mandat de faire des propositions dans ce domaine. La question a été inscrite à l'ordre du jour du sommet du G8 de Gleneagles au mois de juillet 2005. Le Président de la République a évoqué plusieurs assiettes possibles pour une future taxe internationale : une contribution à très faible taux sur une fraction des transactions financières internationales, reposant sur la coopération des grandes places financières internationales ; un prélèvement sur les flux de capitaux à destination ou en provenance des pays pratiquant le secret bancaire ; une contribution sur le carburant utilisé par le transport aérien et maritime, actuellement exonéré ; un prélèvement sur les billets d'avion. Le Président de la République a également proposé de créer à titre expérimental un prélèvement de solidarité international sur le transport aérien (kérosène et/ou billets d'avion) afin de financer la lutte contre le Sida, et notamment l'accès aux médicaments. Il convient maintenant de rechercher les bases d'un consensus et de diffuser ces propositions dans toutes les enceintes appropriées. L'Allemagne et la Suède ont d'ores et déjà apporté leur soutien à cette initiative pilote. L'année 2005 sera d'une grande importance compte tenu notamment du sommet qui se tiendra aux Nations unies au mois de septembre et qui dressera un bilan d'étape de la réalisation des OMD. Le rapport remis par le secrétaire général des Nations unies le 21 mars 2005 mentionne nos propositions qui seront de nouveau débattues le 18 avril à l'occasion de la rencontre entre l'ECOSOC, les institutions financières internationales, l'OMC et la CNUCED, ainsi qu'au mois de juin lors de la rencontre ministérielle sur le financement du développement. La France, aux côtés de nos partenaires du groupe quadripartite élargi, auquel pourrait être prochainement adossé un « groupe des amis des mécanismes innovants de financement du développement », met tout en oeuvre pour faire progresser le débat qui figure désormais à l'ordre du jour des grands rendez-vous de la communauté internationale. Cette réflexion suscite un écho croissant, quelques mois après la catastrophe qui a touché l'Asie et qui a mis en évidence la naissance d'une véritable mondialisation de la solidarité.

Données clés

Auteur : M. Alain Ferry

Type de question : Question écrite

Rubrique : Impôts et taxes

Ministère interrogé : affaires étrangères

Ministère répondant : affaires étrangères

Dates :
Question publiée le 1er février 2005
Réponse publiée le 3 mai 2005

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