maladies professionnelles
Question de :
M. Jean Tiberi
Paris (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Jean Tiberi demande à M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille de lui indiquer les mesures prises par le Gouvernement à la suite du Symposium organisé en 2004 par la Société française du cancer à propos des cancers d'origine professionnelle.
Réponse publiée le 17 mai 2005
Le Plan cancer accorde une place toute particulière aux actions relatives aux cancers professionnels. Le rapport de la Commission d'orientation sur le cancer, remis en janvier 2003 au ministre chargé de la santé, fait en effet état de l'importance de ces cancers, qui représenteraient selon l'Institut national de veille sanitaire entre 4, et 8,5 % des cancers, soit entre 11 000 et 23 000 cas nouveaux chaque année. Un contrat-cadre a été signé le 13 février 2003 par le ministre chargé de la santé et le ministre chargé du travail pour la durée du Plan cancer, c'est-à-dire de 2004 à 2007 pour la mise en oeuvre concrète d'actions dans ce domaine, qui sont recensées et décrites par ailleurs dans le détail par une circulaire DGS-DRT du 4 novembre 2004 relative à la prévention des cancers en milieu professionnel. Les éléments principaux des actions entreprises dans ce domaine dans le cadre du Plan cancer sont les suivants : 1. Mieux connaître pour mieux prévenir. La connaissance précise du nombre de cancers survenant chaque année au sein de la population et des facteurs de risque associés à ces cancers sont un préalable indispensable. De nombreuses études épidémiologiques ont été engagées et fournissent déjà d'importants résultats. La surveillance épidémiologique des cancers a été confiée à l'InVS (Institut de veille sanitaire) par le législateur. Cette surveillance s'appuie sur le réseau des registres du cancer (9 registres généraux et 5 spécialisés) et sur le CépiDC qui fournit les données de mortalité. Le rapport sur l'évolution de l'incidence et la mortalité par cancer en France, de 1978 à 2000, a été publié fin 2003 à partir de ces travaux. Les trois nouveaux registres du cancer prévus au Plan cancer sont en cours de constitution dans le Nord, la Gironde, l'Ile-de-France. En Gironde, l'équipe a été recrutée et la demande de qualification du registre doit être déposée en 2005. Dans le Nord-Pas-de-Calais et l'Ile-de-France, des projets de faisabilité sont en cours portant sur des zones d'étude et des localisations réduites : agglomération lilloise et tumeurs solides pour Nord-Pas-de-Calais et Val-de-Marne ; cancers du poumon, VADS et mélanomes pour l'Ile-de-France. Un quatrième registre est en cours de constitution dans le Limousin. A côté des registres, il est d'autres données exploitables : PMSI, ALD30, données anatomopathologiques. C'est en fait l'intégration de ces différentes sources de données qui peut permettre d'accroître la réactivité du système de surveillance des cancers. L'expérimentation d'une telle approche est engagée par l'InVS pour les cancers thyroïdiens. La production d'indicateurs régionaux permettant d'orienter les politiques régionales de santé progresse. Des données concernant plus particulièrement la mortalité prématurée et l'évolution du risque en fonction de l'âge de la population seront prochainement disponibles sur le site internet de l'InVS. Une convention de partenariat a été signée début 2005 entre l'InVS et la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer (FNCLCC) pour développer des analyses épidémiologiques régionales sur les cancers du sein et les cancers du col de l'utérus. Un croisement des données du Répertoire national d'identification des personnes physiques (RNIPP) et de celles issues de l'enquête permanente cancer (EPC) de la Fédération va permettre d'analyser la survie à court et à moyen terme. L'EPC est un registre hospitalier mis en place par la FNCLCC en 1975, concernant tous les cancers pris en charge dans les vingt centres de lutte contre le cancer. Cette base contient 3 millions de fiches patients et 1 million de fiches sur les tumeurs malignes. Cette collaboration pourrait être étendue à d'autres localisations. Une formation en matière d'épidémiologie du cancer est mise en place par l'InVS et le CIRC (Centre international de recherche sur le cancer) de Lyon. Elle s'adresse aux acteurs des nouveaux registres des pays francophones et notamment maghrébins. Les enseignements débuteront en novembre 2005. Enfin, les Observatoires régionaux de santé (ORS) fournissent aussi des données précieuses reprises dans les fiches régionales. Ce sont des acteurs essentiels de la politique régionale de santé publique. 2. Mieux cerner les facteurs de risque. Risques professionnels et environnementaux : la nécessité d'améliorer les connaissances sur les risques cancérigènes professionnels et environnementaux et sur l'importance des cancers liés à ces expositions est inscrite dans le Plan cancer (mesures 13 et 14). Cet objectif figure également dans le Plan national santé-environnement (PNSE), lancé le 21 juin 2004, qui prévoit de renforcer l'évaluation des risques sanitaires liés aux substances chimiques (y compris en milieu professionnel) et de renforcer les connaissances scientifiques des effets de l'environnement sur la santé humaine. Cette nécessité est en outre relayée par le Plan de cohésion sociale (juin 2004) qui fait de la santé au travail l'un des six thèmes prioritaires du « nouveau pacte pour l'emploi », ainsi que dans les orientations nationales de la politique d'amélioration des conditions de travail et de la protection de la santé et de la sécurité au travail. La loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique confie par ailleurs à l'InVS, en liaison avec l'assurance maladie et les services statistiques concernés, la mise en oeuvre d'un outil permettant la centralisation et l'analyse des statistiques sur les accidents du travail, les maladies professionnelles et présumées d'origine professionnelle, toutes les autres données relatives aux risques sanitaires en milieu du travail (projet COSMOP). Cette étude va permettre de repérer les secteurs professionnels à risque particulier et d'orienter les actions de prévention. Pour améliorer les réponses apportées face aux déclarations, de plus en plus nombreuses, de cas de cancers groupés, l'InVS a diffusé en août 2004 un « Guide méthodologique pour l'évaluation et la prise en charge des agrégats spatio-temporels de maladies non infectieuses ». Cet outil va contribuer à systématiser et à standardiser les études afin de mieux comprendre les cas de cancers groupés dans le temps et l'espace et de rechercher une surexposition à un risque environnemental. L'InVS a lancé en mars 2005, en collaboration avec l'AFSSA (Agence française pour la sécurité sanitaire des aliments), une vaste enquête nationale sur l'imprégnation de la population par les dioxines. L'objectif est de quantifier une éventuelle surimprégnation par les dioxines des populations vivant à proximité d'usines d'incinération d'ordures ménagères. Huit sites répartis sur tout le territoire sont concernés ainsi que des secteurs « témoins » éloignés des usines d'incinération. L'enquête portera sur environ 1 000 personnes réparties sur une quarantaine de communes, les résultats étant attendus pour la fin du premier semestre 2006. Par ailleurs, les résultats d'une étude écologique sur la relation entre cancers et incinérateurs, réalisée en partenariat avec les registres de quatre départements (Haut-Rhin, Bas-Rhin, Tarn, Isère), seront disponibles fin 2005. En matière de risques professionnels. Le contrat cadre signé le 13 février 2004 entre le ministre chargé de la santé et le ministre chargé du travail permet une meilleure coordination entre les services des deux ministères pour améliorer la lutte contre les cancers professionnels. Il prévoit, parmi ses actions, la mise en place d'outils de surveillance et d'études pour approfondir la connaissance des risques cancérigènes en entreprise. Un contrat cadre santé-travail pour intensifier la lutte contre les cancers professionnels : le contrat cadre signé le 13 février 2004 prévoit de mettre en oeuvre des mesures concrètes. Ces travaux impliquent plusieurs directions d'administration centrale (DGS, DRT, DREES, DSS...), des organismes experts et de recherche (InVS, AFSSE, IRSN, INSERM...), les caisses d'assurance maladie (CNAM, MSA) et d'autres organismes (IFEN, ADEME, INERIS, ANACT, INRS, OPPBTP, INPES...). Un comité de coordination nationale (présidé par la MILC et rassemblant tous ces acteurs) a été réuni tous les trimestres pour élaborer le programme d'actions, suivre et évaluer sa mise en oeuvre. Un avenant au contrat cadre, adopté le 26 mars 2004, précisait le programme d'action pour l'année 2004. L'avenant pour 2005 a été finalisé début février 2005. Les services déconcentrés des deux ministères ont été mobilisés (circulaire du 4 novembre 2004) pour mettre en oeuvre les actions qui s'organisent autour de quatre axes : améliorer la connaissance des risques cancérigènes en entreprise, la veille scientifique toxicologique et renforcer les règles de protection des travailleurs exposés : l'InVS élabore des « matrices emplois - expositions » destinées à évaluer les expositions professionnelles des travailleurs à des substances cancérogènes et à estimer la part des cancers attribuables à ces facteurs. L'AFSSE met en place une phase pilote de coordination de la veille scientifique toxicologique en partenariat avec des laboratoires qui s'engageront à faire le point 2 à trois fois par an sur des sujets précis. L'INRS participera à cette veille. Les appels à projets du programme « environnement et santé » ont concerné trois projets en rapport avec les cancers professionnels sur les six projets retenus en 2004 (incidence des cancers chez les travailleurs de l'industrie nucléaire française, étude des facteurs de risque professionnels et environnementaux des tumeurs cérébrales, approche moléculaire pour l'évaluation de la relation entre l'exposition à des particules minérales fibreuses et la survenue de tumeurs pulmonaires et pleurales chez l'homme.) Un appel à projets exclusivement axé sur les cancers professionnels a été lancé conjointement par l'AFSSE, la DRT et l'InVS. Le financement total de l'AFSSE est de 150 000 euros ; mieux détecter les cancers professionnels dans l'entreprise en identifiant très rapidement les séries de cas (clusters) et en mettant en place un suivi post-professionnel des travailleurs exposés ; mise en place par l'InVS d'outils de surveillance épidémiologique : un guide méthodologique « Surveillance épidémiologique de la mortalité et investigation d'agrégats spatio-temporels en entreprise » a été élaboré par l'InVS en collaboration avec l'INRS à destination des médecins du travail pour permettre d'identifier rapidement les séries de cas (cluster) ; le directeur général de la santé a mandaté l'InVs pour le suivi des effets des pesticides à court et long terme sur la population générale et chez les travailleurs, en particulier agricoles ; un Programme national de surveillance du mésothéliome (PNSM), également conduit par l'InVS dans dix-sept départements, va fournir aux autorités sanitaires des informations scientifiques fiables sur les conséquences des expositions passées à l'amiante ; mieux connaître l'importance des cancers professionnels au sein de la population : l'InVS et le réseau des registres du cancer Francim démarrent une étude de faisabilité permettant de documenter l'origine professionnelle dans l'apparition des cas de cancer, et une étude pilote va être réalisée en 2005 sur cinq sites (Bordeaux, Caen, Nancy, Paris, Grenoble) pour tester et valider un auto-questionnaire de repérage des expositions professionnelles aux cancérogènes dans le cadre du cancer broncho-pulmonaire (questionnaire qui pourra dans un deuxième temps être étendu à la France entière), évaluer la faisabilité d'un réseau d'expertise partagée des consultations de pathologie professionnelle et sensibiliser les médecins prenant en charge des patients atteints de cancer pulmonaire à la recherche d'une origine professionnelle du cancer ; renforcer la prévention des cancers liés au tabac dans les entreprises. 3. Le Plan santé au travail : appuyant le Plan cancer, et notamment la mesure 13 concernant la prévention du cancer en milieu professionnel, le Plan santé au travail (2005-2009) a été présenté le 17 février 2005. Il prévoit principalement : la création d'une agence publique chargée de la santé au travail, afin de fournir une expertise scientifique indépendante sur l'évaluation des risques en milieu professionnel, notamment en matière de risques chimiques ; un programme d'expertise prioritaire, doté d'un budget de 5,7 millions d'euros, sera mis en oeuvre dès 2005. Ce programme vient conforter et renforcer les actions mises en oeuvre par le contrat cadre santé-travail ; la mobilisation de la communauté scientifique sur le champ de la santé au travail dans les différentes disciplines, et le renforcement de la formation des professionnels de santé à la prévention et au dépistage des pathologies d'origine professionnelle ; le renforcement de l'efficacité du contrôle du respect de la réglementation. Pour 2005, trente postes de directeurs adjoints du travail, d'ingénieurs de prévention, de médecins inspecteurs du travail et d'inspecteurs du travail seront créés ; la promotion de la prévention dans les entreprises. L'un des huit objectifs stratégiques du Plan santé au travail est de « réduire les effets sur la santé des travailleurs des expositions aux agents cancérogènes (cat. 1 et 2) par diminution des seuils d'exposition ». Pour y parvenir, trois objectifs préalables ont été définis : évaluer la faisabilité de l'identification des cancers d'origine professionnelle dans les registres généraux du cancer ; systématiser la surveillance épidémiologique des travailleurs exposés sur le lieu de travail (renforcement du rôle de l'InVS) ; développer la connaissance des dangers des substances utilisées en milieu professionnel. Le Plan santé-environnement : l'impact de l'environnement sur la santé est aujourd'hui reconnu : on estime que 7 % à 20 % des cancers sont imputables à des facteurs environnementaux. D'autre part, un million de salariés seraient exposés à des substances cancérogènes sur leur lieu de travail. Le Plan national santé-environnement (PNSE 2004 - 2008), présenté le 21 juin 2004, répond à des enjeux majeurs comme l'impact sanitaire des produits chimiques ou l'augmentation continue du nombre de cancers à âge égal. Il comporte plusieurs actions destinées à prévenir les pathologies d'origine environnementale et notamment les cancers : réduire les expositions professionnelles aux agents cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques ; renforcer les capacités d'évaluation des risques sanitaires liés aux substances chimiques ; renforcer les connaissances fondamentales des déterminants environnementaux et sociétaux de la santé des populations et développer de nouvelles méthodes en sciences expérimentales. Le PNSE a également pour objectif de garantir un air de bonne qualité. Afin de diminuer les expositions chroniques à certaines substances émises par l'industrie et susceptibles de favoriser l'apparition de pathologies, le PNSE entend réduire les émissions aériennes de substances toxiques d'origine industrielle. Une circulaire du 3 novembre 2004 confie aux préfets de région la mise en oeuvre du PNSE sous forme de plans régionaux santé-environnement qui porteront sur la détection, l'évaluation et la gestion de l'ensemble des risques sanitaires liés aux agents chimiques, biologiques et physiques présents dans les différents milieux de vie, y compris le milieu du travail. Enfin, l'Institut national du cancer maintenant en charge de la politique de lutte contre le cancer a prévu d'organiser à l'automne 2005 un colloque sur le thème « environnement et cancer » réunissant les plus grands spécialistes internationaux.
Auteur : M. Jean Tiberi
Type de question : Question écrite
Rubrique : Risques professionnels
Ministère interrogé : solidarités, santé et famille
Ministère répondant : solidarités, santé et famille
Dates :
Question publiée le 15 février 2005
Réponse publiée le 17 mai 2005