Question écrite n° 58343 :
politique à l'égard des rapatriés

12e Législature

Question de : Mme Sylvie Andrieux
Bouches-du-Rhône (7e circonscription) - Socialiste

Mme Sylvie Andrieux souhaite appeler l'attention de M. le ministre délégué aux anciens combattants sur la question de la réparation et de la reconnaissance de la France en faveur des Français de toutes origines rapatriés d'Algérie. Présenté comme un acte de « cohésion nationale très attendu par un million et demi de rapatriés », le projet de loi n° 1994 prétend solder les contentieux postérieurs aux accords d'Evian du 18 mars 1962 au profit des rapatriés et plus particulièrement des harkis en apportant réparation matérielle et reconnaissance. En fait, doté d'un texte très partiel, ce projet de loi est très mal perçu par les communautés de rapatriés et de harkis. Les rapatriés de souche européenne estiment être oubliés par le présent projet qui ne leur attribue aucune mesure d'indemnisation complémentaire et qui ne règle nullement les différentes questions pendantes comme les demandes de « réparations humaines, morales et matérielles des situations engendrées par la séparation de territoires anciennement liés à la métropole ». Les familles harkies dénoncent un texte qui « ne répond pas à leurs attentes » : elles réclament la responsabilité de l'État dans l'abandon, l'absence de protection et la non-évacuation des populations après le 19 mars 1962 ainsi que la reconnaissance des conditions indignes de l'accueil qui leur fut réservé à leur arrivée en France. Alors que la génération ayant connu la guerre s'éteint peu à peu, un assouplissement du texte quant aux conditions d'ouverture du droit à réparation paraît nécessaire afin de promouvoir une nouvelle politique de la mémoire harkie. Alors que le ministre délégué prône « un vrai travail de mémoire » pour clore définitivement le dossier, alors même que le Président de la République s'est engagé à « parachever » les mesures de réparations en faveur des populations rapatriées, elle souhaite savoir si le Gouvernement entend corriger le projet de loi dans le sens de la reconnaissance matérielle et morale, conditions sine qua non à l'apaisement et à la réconciliation des Français autour d'une des périodes les plus sombres de notre nation.

Réponse publiée le 17 mai 2005

Comme le Gouvernement s'y était engagé, la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés a été publiée au Journal officiel de la République française du 24 février 2005. Après la création, d'une part, de la Mission interministérielle aux rapatriés par le décret n° 2002-902 du 27 mai 2002, qui a permis de donner un interlocuteur aux rapatriés et de disposer d'un catalyseur pour l'action des pouvoirs publics et, d'autre part, du Haut Conseil aux rapatriés par le décret n° 2002-1479 du 20 décembre 2002, qui a fourni une instance de débat, de réflexion et de proposition, après l'institution du 25 septembre comme journée nationale d'hommage aux harkis, cette loi marque une étape essentielle dans la politique engagée depuis près de deux ans par le Gouvernement envers les rapatriés. Il convient de rappeler aussi que le Gouvernement a souhaité, dès 2002, prendre des mesures d'urgence : mise en place dès janvier 2003 de l'allocation de reconnaissance, afin d'assurer un complément de retraite d'un montant annuel de 1 372 EUR porté à 1 857,5 EUR au 1er octobre 2004, non imposable et indexé, à tous les harkis ou à leur veuve de plus de 60 ans, sans condition de ressources ; augmentation de 15 points des pensions de veuves de guerre, d'invalides et de grands invalides. Le texte affirme solennellement la reconnaissance de la Nation envers tous ceux qui ont participé à l'oeuvre positive de la France outre-mer. Il reconnaît officiellement la tragédie de la guerre d'Algérie et le drame du rapatriement et rend hommage aux victimes civiles, aux disparus et à leurs familles. Il reconnaît également les massacres de harkis et les exactions commises durant la guerre et après le 19 mars 1962. Deux mesures témoigneront, dans les prochains mois, de la force de ce principe posé par la loi : pour mieux faire connaître le patrimoine, l'histoire, la culture et les traditions que portent les rapatriés, l'État s'associera au projet de Mémorial national de la France de l'outre-mer conçu à l'initiative du maire de Marseille. Ce mémorial, qui devrait être inauguré en 2006, présentera l'oeuvre de la France outre-mer et encouragera la recherche et la transmission aux jeunes générations de cet héritage historique ; par ailleurs, pour mener une réflexion objective et apaisée sur cette période tragique de l'histoire de la France, la création d'une fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie, à laquelle l'État prêtera son concours, est prévue par l'article 3 de la loi. Cette fondation aura un rôle central et devra devenir le lieu de l'étude et de la recherche sur cette période douloureuse. Elle offrira un cadre scientifique, rassemblera historiens et chercheurs, témoins et acteurs pour accomplir de façon sereine la tâche exigeante et difficile qu'est la recherche de la vérité. Le Premier ministre a confié au préfet honoraire Roger Benmebarek la conduite d'une mission de préfiguration de la création de cette fondation. Il devra rendre son rapport à la fin du premier semestre 2005. La loi comporte également plusieurs dispositions visant à parachever l'effort de reconnaissance et de réparation engagé par les législations antérieures à 1987 et 1994 : la revalorisation de l'allocation de reconnaissance pour les anciens harkis, moghaznis et personnels des formations supplétives et assimilées, ainsi que pour leurs veuves ; environ 9 000 anciens supplétifs et 2 000 veuves concernés bénéficieront d'une revalorisation exceptionnelle de l'allocation, portée à 2 800 EUR par an à compter du 1er janvier 2005. Ceux qui le souhaitent se verront offrir la possibilité d'une sortie en capital d'un montant de 30 000 EUR ou encore celle d'opter pour une solution mixte leur permettant d'associer le versement de l'allocation au niveau actuel et celui d'un capital dont le montant sera dans ce cas fixé à 20 000 EUR. Les orphelins de harkis pourront également bénéficier d'un capital de 20 000 EUR, réparti à parts égales entre les enfants issus d'une même union, dès lors qu'ils possèdent la nationalité française et ont fixé leur domicile en France ou dans un État de la Communauté européenne au 1er janvier 2004 ; la prorogation, jusqu'au 31 décembre 2009, des dispositions sur la préservation et l'amélioration du toit familial, mises en place par la loi « Romani » du 11 juin 1994 : aide pour l'accession à la propriété des harkis et de leurs familles, aide pour l'amélioration de l'habitat et aide spécifique au désendettement immobilier ; l'instauration d'un dispositif dérogatoire pour permettre à certaines catégories de personnes de bénéficier de l'allocation de reconnaissance et des mesures de préservation et d'amélioration du toit familial. Ceci concerne notamment les harkis, les membres des formations supplétives ou leurs veuves qui, n'ayant pu, de bonne foi, acquérir la nationalité française avant le 10 janvier 1973, sont cependant en mesure de justifier d'un domicile continu en France ou dans un autre État membre de la Communauté européenne depuis cette date et qui ont acquis la nationalité française avant le 1er janvier 1995 ; les articles 12 et 13 de la loi prévoient la restitution aux rapatriés de souche européenne, des sommes précédemment prélevées au titre des différentes lois d'indemnisation, ainsi que la reconstitution des droits à la retraite de ceux d'entre eux victimes de condamnations ou de sanctions amnistiées, de mesures administratives d'expulsion, d'internement ou d'assignation à résidence, qui étaient salariés du secteur privé.

Données clés

Auteur : Mme Sylvie Andrieux

Type de question : Question écrite

Rubrique : Rapatriés

Ministère interrogé : anciens combattants

Ministère répondant : anciens combattants

Dates :
Question publiée le 22 février 2005
Réponse publiée le 17 mai 2005

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