défense et usage
Question de :
M. Jacques Myard
Yvelines (5e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Jacques Myard appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur le zèle linguistique douteux dont font preuve certains des services préfectoraux. En effet le 27 janvier dernier un communiqué de la préfecture des Côtes-d'Armor a annoncé la création d'un réseau de fonctionnaires anglophones des services de l'État dans le département. Le préfet aurait ainsi demandé à chaque administration de mettre un fonctionnaire anglophone à la disposition de ce réseau dirigé par le sous-préfet de Guingamp. Cette unité parallèle aurait pour mission très spéciale d'établir le contact avec les hordes de Grand-Bretons déferlant sur le département, afin de les civiliser par une saine et rigoureuse pratique de l'administration française. Cette intention est totalement contre-productive ; c'est en effet l'administration française qui s'adapte ainsi aux moeurs des barbares. Jeanne d'Arc en tremble de fureur. Or, les quelque 4 000 foyers britanniques installés dans les Côtes-d'Armor, qui représentent environ 0,1 % de la population de ce département, sont pour la plupart parfaitement intégrés à la société française, et, tout Anglais qu'ils soient, se civilisent rapidement à son contact, notamment en en apprenant la langue lorsqu'ils ne la pratiquaient pas déjà. Même Édouard III ou Henri II Plantagenêt, qui pensaient que la France leur appartenait, n'ont jamais songé à en coloniser ainsi l'administration. Quant à la complexité des règles administratives en France où nul n'est censé ignorer la loi, les récentes mesures de simplification du langage administratif sont tout aussi compréhensibles pour un Anglais que pour un Breton. Cette initiative est donc parfaitement inutile, mais n'en implique pas moins de graves conséquences pour la République. L'article II de la Constitution dispose que « la langue de la République est le français », donnant corps au principe d'unité et d'indivisibilité de la nation qui sont au coeur même de nos institutions. C'est au nom de ces principes qu'il ne saurait y avoir d'autre langue administrative que le français, sachant bien qu'une diversité de langues administratives implique un droit pluriel. C'est-à-dire un retour à l'Ancien Régime et l'inégalité devant la loi. Cette initiative en apparence prétendument pragmatique et qui s'apparente à du racolage commercial va provoquer le regain des revendications communautaires. Si l'anglais devient langue de l'administration dans les Côtes-d'Armor, alors pourquoi refuser le ouolof en Seine-Saint-Denis, ou l'arabe dialectal à la Goutte d'Or ? Le préfet des Côtes-d'Armor joue les apprentis sorciers. Son initiative va à l'encontre d'une politique d'intégration. Elle est extrêmement dangereuse. Il lui demande en conséquence quelles mesures il entend prendre pour restaurer la loi républicaine dans les Côtes-d'Armor.
Réponse publiée le 31 mai 2005
Le département des Côtes-d'Armor connaît depuis quelques années un afflux de ressortissants britanniques. Il est estimé qu'entre 12 000 et 13 000 y seraient installés, soit environ 2 % de la population totale et la première d'origine étrangère. Des études effectuées par le conseil général montrent que la moitié des Britanniques résident désormais à temps plein sur le territoire français. Ils sont concentrés essentiellement dans la région de Dinan pour des raisons géographiques et historiques, et dans le Centre-Bretagne où ils contribuent fortement à la revitalisation des zones rurales. Afin de favoriser la compréhension de la réglementation française, notamment dans le domaine de la fiscalité, du droit des sols et du droit du travail par la population britannique concernée, le sous-préfet de Guingamp a été chargé d'une mission de création d'un réseau de fonctionnaires anglophones représentant l'ensemble des services de l'État dans le département. Cette mission a pour objet de coordonner l'échange d'informations entre les services, d'apporter les réponses au regard de l'évolution des besoins et d'être le partenaire principal des collectivités locales et organismes consulaires qui sont confrontés quotidiennement aux difficultés précédemment évoquées. Dans le cadre de cette mission, des contacts ont été pris avec les quelques associations chargées de l'intégration des Britanniques en Bretagne. Des séances d'information administrative sont organisées à leur demande au cours desquelles il est fait usage alternativement de l'anglais et du français selon le niveau linguistique des participants et la technicité du sujet. Des traducteurs sont présents pour expliquer la terminologie administrative française. La première session d'information organisée en février 2005 concernant l'imposition en France a permis de constater un niveau très disparate en français et une grande incompréhension de nos règles fiscales. Les agents de l'administration fiscale des zones concernées sont d'ailleurs souvent confrontés à la difficulté d'expliquer en français à des citoyens d'outre-Manche les nuances entre la réduction d'impôt, le crédit d'impôt, le dégrèvement fiscal et les abattements de tous ordres. Aucun document administratif en langue anglaise n'est délivré dans le département des Côtes-d'Armor. De même, il n'est ni possible ni souhaitable d'adapter le fonctionnement de l'administration territoriale aux particularités linguistiques des populations étrangères installées sur le territoire national. L'usage de la langue française est d'ailleurs juridiquement protégé par par l'article 2 de la Constitution qui dispose que la langue de la République est le français. La démarche engagée à l'égard des Britanniques peut être assimilée à celle qui prévaut dans le contrat d'accueil et d'intégration prévu par la loi de programmation pour la cohésion sociale. Elle passe nécessairement par un apprentissage accéléré de la langue française et la connaissance de leurs droits et obligations. Les collectivités et les associations fournissent d'ailleurs en ce domaine un travail important et remarquable.
Auteur : M. Jacques Myard
Type de question : Question écrite
Rubrique : Langue française
Ministère interrogé : intérieur
Ministère répondant : intérieur
Dates :
Question publiée le 22 février 2005
Réponse publiée le 31 mai 2005