politique du logement
Question de :
M. Julien Dray
Essonne (10e circonscription) - Socialiste
M. Julien Dray souhaite attirer l'attention de M. le ministre délégué au logement et à la ville sur la forte progression des ventes immobilières par lots, observée en France depuis ces dernières années. Un nombre croissant d'investisseurs institutionnels, en particulier des fonds d'investissement américains, font l'acquisition d'immeubles pour les revendre directement, appartement par appartement, générant ainsi de fortes plus-values. Ce type de transaction, basée sur la spéculation immédiate, représente par exemple aujourd'hui à Paris 15 % des transactions conclues, et le phénomène se généralise dans les villes de banlieues et de province. Les locataires de ces appartements sont ainsi mis devant le fait accompli, et n'ont souvent d'autre choix que de quitter leur appartement à l'expiration du bail, s'ils n'ont pas les moyens de le racheter eux-mêmes. Plus globalement, des ventes à la découpe contribuent à la hausse des prix locatifs en ville en privant du marché des centaines d'habitations. A ce rythme il est clair que certaines villes deviendront de plus en plus inaccessibles pour les classes moyennes, rajoutant à la fracture sociale une fracture géographique. Dans ces conditions et face à la généralisation du système, il lui demande qu'un débat s'instaure entre les instances concernées afin que, d'une part, un dispositif permettant d'améliorer la protection des locataires qui ne peuvent acheter leur logement soit créé et, d'autre part, que des mesures visant à aider les locataires à acquérir leur logement soient mises en place ; et ainsi freiner la hausse des prix locatifs dans notre pays.
Réponse publiée le 4 octobre 2005
Un accord collectif de location relatif aux congés pour vente par lots a été signé le 16 mars 2005 en commission nationale de concertation (CNC), instance placée auprès du ministre en charge du logement, qui réunit les représentants des propriétaires bailleurs et des locataires. Cet accord renforce la protection des locataires qui ne peuvent acheter le logement qu'ils occupent, en allant plus loin que le précédent accord conclu dans le cadre de la CNC sur le même sujet en juin 1998. Ce nouvel accord améliore la protection des locataires les plus fragiles, personnes âgées de plus de soixante-dix ans, personnes handicapées, locataires dont les ressources sont inférieures aux plafonds d'accès au prêt locatif intermédiaire (PLI). En outre, l'accord instaure une durée minimale de maintien dans les lieux pour les ménages qui sont en place depuis plus de six ans, d'autant plus longue que l'ancienneté du locataire dans l'immeuble est grande. Enfin, l'accord prévoit la nullité du congé si ces dispositions ne sont pas respectées par le bailleur. Les principales organisations nationales représentatives des bailleurs et deux sur les cinq associations nationales représentatives des locataires ont signé l'accord du 16 mars 2005. Les trois autres associations de locataires se sont opposées à l'extension de cet accord par décret aux propriétaires non signataires, en indiquant que « seul un texte législatif était de nature à endiguer le développement des opérations spéculatives concernées ». Le décret d'extension qui devait être pris début mai 2005 aurait permis de rendre les dispositions protectrices de l'accord opposables aux autres propriétaires, en particulier à ceux qui ont acheté un immeuble entier en vue de le revendre par lots et qui ne relèvent pas des organisations signataires. L'accord reste naturellement immédiatement applicable aux propriétaires qui relèvent d'une des organisations de bailleurs signataires. Afin de ne pas priver de protections nouvelles les locataires fragiles dont le propriétaire ne relève pas de l'une des organisations de bailleurs signataires, une proposition de loi, à l'initiative de Mme Martine Aurillac, députée de Paris, et de son groupe parlementaire, a été votée le 16 juin 2005 en première lecture par l'Assemblée nationale. Ce texte permet l'exercice du droit de préemption par le locataire dès la vente d'un immeuble entier et sans attendre la revente lot par lot, sauf lorsque l'acquéreur en bloc s'engage à maintenir l'immeuble sous statut locatif pendant au moins six ans. L'exception ainsi créée au droit de préemption vise à dissuader les ventes successives d'immeubles en vue d'une vente finale par lots, car elles sont le résultat de conduites spéculatives qui entraînent des augmentations très fortes de prix. Ce nouveau droit de préemption doit également permettre au locataire de se porter acquéreur dès la première vente de l'immeuble, donc à un prix qui ne supporte pas les hausses liées aux ventes successives. La proposition de loi instaure également un délai de deux ans minimum à compter de la notification du congé avant tout départ d'un locataire. Elle donne aussi valeur de loi à la sanction de nullité du congé pour vente en cas de non-respect des dispositions obligatoires des accords conclus en CNC. Enfin, la proposition de loi permet l'extension par décret des accords collectifs de location signés dans le cadre de la CNC, en supprimant la faculté d'opposition d'une des parties, propriétaires ou locataires, et en la remplaçant par une consultation obligatoire de ces parties. Cette disposition permet d'étendre par décret des accords protecteurs des locataires tel que celui du 16 mars 2005. Cette proposition de loi viendra en première lecture au Sénat en octobre prochain. Au total, que ce soit par l'accord du 16 mars 2005 ou par les dispositions de la proposition de loi lorsqu'elle aura été définitivement adoptée, tous les locataires seront efficacement protégés en cas de congé pour vente par lots.
Auteur : M. Julien Dray
Type de question : Question écrite
Rubrique : Logement
Ministère interrogé : logement et ville
Ministère répondant : emploi, cohésion sociale et logement
Dates :
Question publiée le 1er mars 2005
Réponse publiée le 4 octobre 2005