code des marchés publics
Question de :
M. Alain Bocquet
Nord (20e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains
M. Alain Bocquet attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur les conséquences d'une délibération du Conseil d'État annulant l'alinéa 1 de l'article 30 du code des marchés publics. Mesure qui ne fait d'ailleurs qu'anticiper la transposition, prévue dans les deux prochains mois, de directives européennes en droit français. Cette décision et cette perspective particulièrement alarmantes sont délibérément passées sous silence alors qu'elles frappent de plein fouet la culture, le domaine sanitaire et social, les sports et loisirs. Secteurs qui étaient légitimement tenus jusqu'ici à l'écart de l'application, pleine et entière, du code des marchés publics, et dont l'activité bénéficiait d'obligations allégées. Il s'agissait là d'une reconnaissance particulièrement fondée de la spécificité de services publics qui jouent un rôle déterminant en faveur des habitants. Services pour lesquels la loi des marchés à laquelle renvoie d'ailleurs dans le projet constitutionnel européen le principe d'une « concurrence libre et non faussée » ne saurait donc constituer le plus juste critère d'évaluation sociale. Avec l'arrêt du Conseil d'État, et avec demain l'intégration en droit français des directives européennes, les entreprises culturelles entrent dans le champ des activités concurrentielles. Elles sont donc soumises dans leurs relations avec les collectivités locales aux règles applicables aux activités de service. Et il n'y a plus aucune différence entre contrat de nettoyage ou d'entretien d'espaces verts et contrat de spectacle vivant. Tout doit se plier aux mêmes logiques de profitabilité et aux mêmes règles de mise en concurrence. C'est la marchandisation accélérée de la culture. Pour les collectivités territoriales qui développent une politique culturelle en tant que maîtres d'ouvrages, c'est la porte grande ouverte à la loi de la concurrence, entre sociétés commerciales et secteur associatif. Une structure culturelle bénéficiant d'une aide publique ne pourra concourir aux appels d'offres. Ceux-ci deviennent la chasse gardée des sociétés privées. C'est la fin de la spécificité française de financement public de la culture. Ce qui répond là encore à une recommandation du projet constitutionnel européen qui appelle les États membres à « procéder à la libéralisation des services au-delà de la mesure qui est obligatoire (...) » et qui, s'il a dû intégrer in extremis la notion d'exception culturelle, la dévalorise en la réduisant à celle de « diversité culturelle ». La décision du Conseil d'État pose aussi le problème des subventions accordées aux organismes culturels. La frontière entre subvention et prestation de services est incertaine, notamment pour les subventions élevées qui s'accompagnent d'une convention d'objectif. La Cour des comptes considère que dès lors que le contrat est conclu à titre onéreux, et qu'il se situe dans le domaine concurrentiel, il doit respecter strictement les règles des marchés publics. Or, avec l'arrêt du Conseil d'État et l'annulation de l'alinéa 1 de l'article 30, les activités culturelles paraissent relever de cette catégorie. Comment dans ce contexte continuer à attribuer des subventions ? Et pour les structures concernées, comment s'en sortir, produire, créer et répondre aux besoins culturels qui s'expriment ? Après la réforme de l'assurance-chômage des intermittents du spectacle, c'est le coup de grâce porté à la création culturelle française, le triomphe du « show business ». Tenant compte de l'ensemble de ces éléments et de la gravité des conséquences qui s'y attachent pour tout un secteur de l'activité sociale, il lui demande quelles dispositions législatives le Gouvernement entend mettre en oeuvre pour préserver, au contraire, l'exception culturelle française.
Réponse publiée le 7 juin 2005
L'honorable parlementaire a saisi le ministre de la culture et de la communication au sujet de l'arrêt du 23 février 2005 par lequel le Conseil d'État a annulé le premier alinéa de l'article 30 du code des marchés publics, tel qu'issu du décret du 7 janvier 2004, au motif que la dispense générale de publicité préalable et de concurrence était contraire aux principes d'égalité d'accès à la commande publique consacrés par la décision du 26 juin 2003 du Conseil constitutionnel. Le Gouvernement a pris acte de cette annulation et des dispositions réglementaires ont été adoptées pour en tirer les conséquences immédiates. Le ministère de la culture et de la communication veillera quant à lui à ce que la spécificité des prestations culturelles, à laquelle le ministre est très attaché, continue elle aussi d'être prise en compte.
Auteur : M. Alain Bocquet
Type de question : Question écrite
Rubrique : Marchés publics
Ministère interrogé : culture et communication
Ministère répondant : culture et communication
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 31 mai 2005
Dates :
Question publiée le 15 mars 2005
Réponse publiée le 7 juin 2005