Question écrite n° 61817 :
instruction

12e Législature

Question de : M. Philippe Vuilque
Ardennes (2e circonscription) - Socialiste

M. Philippe Vuilque appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la portée du secret de l'instruction pour les journalistes. Il lui demande d'exposer à la représentation nationale les modalités de la conciliation entre secret de l'instruction et respect de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Réponse publiée le 5 septembre 2006

Le garde des sceaux, ministre de la justice, indiquée à l'honorable parlementaire que l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme relatif au droit à la liberté d'expression comprend certes « la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière », mais encadre l'exercice de ces droits. En effet, « des formalités, conditions, restrictions ou sanctions », obligatoirement prévues par la loi peuvent exister et constituer, selon les termes du deuxième paragraphe de l'article 10, « des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire ». Or l'article 11 du code de procédure pénale qui pose le principe du secret de l'enquête et de l'instruction participe de ces restrictions nécessaires visant, notamment, à empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. Le secret de l'enquête et de l'instruction tend, en particulier, à préserver leur efficacité, mais aussi à protéger la réputation des personnes mises en cause et dure du début de l'enquête ou de l'instruction jusqu'à la clôture de la procédure. Ne sont soumises au secret de l'enquête et de l'instruction que les personnes qui apportent leur concours à la procédure et qui dépendent de l'autorité publique ou qui, agissant à la demande de cette dernière, participent à l'enquête ou à l'instruction (magistrats, greffiers, officiers et agents de police judiciaire, experts...). Il en résulte que la personne mise en examen, la partie civile, la victime, les témoins, les avocats et les journalistes ne sont pas soumis au respect du secret posé par l'article 11 du code de procédure pénale. En revanche, les journalistes peuvent être poursuivis pour recel de violation du secret professionnel, c'est-à-dire pour avoir utilisé ou transmis des informations en sachant qu'elles provenaient d'un délit, la violation du secret de l'enquête ou de l'instruction, infraction prévue et réprimée par l'article 321-1 du code pénal. Les actes couverts par le secret sont tous les actes d'investigations conduits par les services d'enquête ou le juge d'instruction, ainsi que leurs résultats. La seule dérogation au secret est celle prévue par l'article 11, alinéa 3, du code de procédure pénale qui rend possible la publicité, par le procureur de la République, uniquement, des éléments objectifs de la procédure, et ce afin d'éviter la propagation d'informations parcellaires ou inexactes ou de mettre fin à un trouble à l'ordre public. Il est utile de noter que la violation du secret de l'enquête ou de l'instruction et, par conséquent, son recel ont des conséquences procédurales importantes. En effet, si la violation est concomitante à l'accomplissement de l'acte de procédure concerné, l'annulation de la procédure, dans son ensemble, est encourue dès lors qu'il en est résulté une atteinte aux intérêts d'une partie. Par ailleurs, la chambre criminelle de la Cour de cassation a ajouté, dans un arrêt en date du 23 mai 2001, que, lorsque la violation du secret est postérieure à l'acte de procédure régulier et dévoilé, celle-ci n'entraîne pas son annulation mais peut, tout de même, exposer son auteur à des poursuites pénales. De plus, la jurisprudence considère que la violation du secret est punissable, même si les faits révélés peuvent être connus par ailleurs. Enfin, la Cour de cassation estime que la constitution du délit de violation du secret de l'enquête ou de l'instruction, comme du recel de ce délit, n'est pas subordonnée à la révélation de l'identité de la personne mise en cause. La pratique du « floutage » ou de la déformation de la voix n'est donc pas une garantie suffisante à l'exonération de la responsabilité pénale.

Données clés

Auteur : M. Philippe Vuilque

Type de question : Question écrite

Rubrique : Droit pénal

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Dates :
Question publiée le 5 avril 2005
Réponse publiée le 5 septembre 2006

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