Chine
Question de :
Mme Chantal Robin-Rodrigo
Hautes-Pyrénées (2e circonscription) - Socialiste
L'Asie représente aujourd'hui 23 % du PIB mondial, et cette part ne fait qu'augmenter. Exprimée en dollars, l'économie chinoise, suivie de près par l'Inde, aura bientôt dépassé les trois économies les plus puissantes d'Europe. Pour exemple, les Européens investissent actuellement massivement en Chine, mais à ce rythme, dans vingt ans il est à craindre que l'Union soit largement dépassée par ce même pays, même pour les investissements en Europe. La situation est grave, car le caractère industrieux amplement reconnu aux Asiatiques privera peut-être pour très longtemps l'Union européenne de ses emplois et de son expertise. Une riposte organisée et de grande ampleur se doit donc d'être organisée par l'Union. En conséquence, Mme Chantal Robin-Rodrigo demande à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de lui indiquer les mesures urgentes qu'il entend prendre au sujet de ce dossier.
Réponse publiée le 7 juin 2005
La mondialisation des échanges se traduit par deux phénomènes liés : l'imbrication des économies nationales et la globalisation des firmes (échanges de biens et services et stock d'investissements directs étrangers représentent chacun un quart du produit intérieur brut (PIB) de la planète, contre 20 % et 10 % il y a dix ans) ; la montée en puissance de nouveaux acteurs sur la scène internationale (les pays émergents assurent aujourd'hui un tiers du commerce mondial contre un quart en 1990). Ces deux processus, croissants, structurels, ne sont pas nouveaux, et la France a su y faire face, avec un succès qu'attestent son rang dans les échanges mondiaux, l'équilibre de ses comptes externes et, au niveau micro-économique, le poids des activités liées à l'international dans l'économie domestique (6,2 millions d'emplois dépendent du commerce extérieur, les filiales étrangères contribuent à 15 % à l'activité, etc.). L'originalité des phénomènes en cours tient davantage à leur ampleur. D'une part, dans un monde plus ouvert et concurrentiel, les chocs sectoriels sont plus intenses, et d'autant plus « douloureux » qu'ils sont rapides. D'autre part, l'émergence rapide d'économies à la double caractéristique d'être lointaine et de taille sans précédent (Chine, Inde) constitue une nouvelle donne, à laquelle la France doit, en effet, être préparée. La recomposition du paysage économique mondial véhicule un risque d'intensification de la concurrence. Selon Goldman Sachs, le PIB cumulé de la Chine, de l'Inde, du Brésil et de la Russie pourrait dépasser le G6 à l'horizon 2040. La croissance rapide d'économies de très grande taille est un facteur d'intensification de la concurrence, via trois canaux conjuguant leurs effets : le développement de l'appareil exportateur des « émergents », leur aptitude à couvrir une palette large de secteurs, enfin la montée en gamme de leur offre. En l'état, ces craintes doivent toutefois être nuancées. Les exportateurs émergents ne sont pas, dans l'ensemble, présents sur les mêmes marchés et secteurs que leurs homologues français : de fait, ils expliquent de l'ordre de 20 % de la concurrence totale subie par la France sur les marchés tiers (contre un tiers au niveau mondial). Par ordre, nos principaux concurrents sont la Chine, la Corée, Taiwan, le Mexique, le Brésil, puis les pays d'Europe centrale et orientale (République tchèque, Pologne, Hongrie). Les échanges bilatéraux de la France avec les pays en voie de développement restent modestes (pour les mêmes raisons, tenant notamment à leur éloignement géographique) et globalement équilibrés : ils représentent moins d'un quart de nos importations (c'est-à-dire moins de 5 % du PIB), et expliquent un déficit commercial de la France inférieur à 0,2 % du PIB depuis 2000. De fait, l'impact du commerce Nord-Sud reste en termes agrégés modéré sur l'économie française : selon le Conseil d'analyse économique, il aurait expliqué moins de 13 % des suppressions d'emplois industriels en France entre 1987 et 2002. C'est que l'essentiel de la concurrence subie par la France émane des pays ouest-européens, alors que la concurrence des pays émergents pèse avant tout sur eux-mêmes. Ce panorama global ne saurait néanmoins masquer les risques. Tous les secteurs ne sont pas également exposés. Si la vulnérabilité de la France dans les secteurs où elle dispose d'avantages comparatifs (automobile, aéronautique, pharmacie, cosmétique, machines spécialisées) est en moyenne plus faible, certaines industries (habillement, cuir, électronique grand public, composants électroniques, etc.) sont plus vulnérables, notamment quand elles sont fortement utilisatrices de main-d'oeuvre. Si les mutations de notre industrie ne sont qu'en faible part imputables aux seuls pays émergents (elles doivent largement aux facteurs domestiques : gains de productivité, évolution de la demande des ménages, etc.), le coût social des ajustements sectoriels ne doit pas être négligé, compte tenu notamment de la concentration géographique des secteurs d'activité sur certains bassins d'emplois. La concurrence des pays émergents est amenée à s'intensifier (la Chine, à l'origine en 1990 de 0,8 % de la concurrence subie par la France, en explique désormais près de 3 %). Trois facteurs conjuguent leurs effets : le développement de leur appareil exportateur, leur aptitude (Chine notamment) à couvrir une palette large de secteurs, enfin la montée en gamme de leur offre (les avantages comparatifs de la Chine, s'ils restent dominés par les secteurs intensifs en main-d'oeuvre, se déplacent vers l'électronique grand public, le matériel informatique, etc.). Ces enjeux ont des implications multiples pour l'économie française, et, partant, pour les pouvoirs publics sur les fronts divers de son action : « politique de l'exportation » (politique commerciale, appui du dispositif public, etc.) et, en amont, politique industrielle et sociale. En particulier, la « nouvelle donne » structurelle que constitue l'émergence d'économies lointaines, à fort potentiel et de taille parfois sans précédent, requiert des réponses défensives (protection des marques, de la propriété intellectuelle, éradication des pratiques déloyales) et des réponses offensives : c'est que les pays émergents, s'ils sont vecteurs d'une nouvelle concurrence, sont également des opportunités commerciales, dont la France bénéficie en l'état insuffisamment. L'économie française doit profiter davantage des opportunités offertes par les pays émergents. Contrepartie de la hausse de la concurrence, la recomposition de l'économie mondiale offre un potentiel de débouchés nouveaux. Or, l'orientation des ventes françaises, dominées à 80 % par les marchés de proximité (Europe, Afrique et pays du Moyen-Orient), ne lui permet pas de profiter à plein de la dynamique mondiale : si tous les pays du monde avaient crû au même rythme moyen depuis 1980, nos exportations seraient aujourd'hui supérieures de 18 % (+50 MdsEUR). Certes, le poids des pays émergents dans nos ventes a progressé depuis 1980 ; surtout, la faiblesse relative de notre présence sur ces marchés est en partie « normale », compte tenu de leur éloignement (géographique, historique et culturel). Il reste que nos positions sont « anormalement » moins bonnes que l'Allemagne, et, surtout, la France perd du terrain par rapport à la zone euro, notamment en Asie. Ce défi impose une adaptation de l'offre française. Comme il serait peu réaliste de prétendre corriger à court terme l'inadéquation entre l'offre française et la demande émergente, ni concurrencer les pays émergents sur les segments industriels à faible valeur ajoutée, l'enjeu à moyen terme pour la France réside en amont, dans l'évolution de notre offre productive. Au sein de l'industrie (outre l'occupation de « niches sectorielles » ou de créneaux de luxe), vers les produits innovants : d'une part, parce que ces biens, sur lesquels la concurrence est plus faible, sont moins sensibles aux prix et plus rémunérateurs ; d'autre part, parce que les pays ayant une position en amont du cycle de vie des produits enregistrent des gains de productivité plus élevés, qui sont les vecteurs d'une croissance plus forte ; vers les services : il est à ce titre préoccupant que notre part de marché mondiale ait sensiblement reculé lors des dernières décennies (- 3 points depuis 1990, - 6 points depuis 1980, baisse nettement plus élevée que dans les échanges de biens). Au contraire, l'«échangeabilité » croissante des services, la hausse tendancielle de la demande mondiale à mesure du développement économique, enfin l'ouverture attendue des marchés émergents, offrent autant d'opportunités que la France devra saisir. L'appareil industriel doit développer sa capacité à conquérir des marchés lointains et difficiles. On sait que le comportement des opérateurs, en fonction de leur taille, est différencié à l'international, en particulier vis-à-vis des pays émergents : ainsi, les petites et moyennes entreprises françaises se portent moins que les grandes entreprises vers les marchés lointains (l'Europe et l'Afrique [72 % des ventes françaises] drainent 81 % des exportations des PME indépendantes, alors que l'Asie, l'Amérique du Nord et du Sud attirent moins de 15 % de leurs ventes). A ce titre, comparée au tissu industriel français, l'Allemagne dispose d'un actif stratégique : une proportion plus forte d'entreprises de taille intermédiaire (les PME de 10 à 249 salariés représentent 34 % des entreprises contre 7 % en France). L'Allemagne bénéficie ainsi d'un parc plus fourni d'entreprises ayant les moyens de se projeter à l'international et d'en assumer le risque. L'investissement des entreprises est un puissant vecteur de conquête des marchés. La montée en puissance des pays émergents, nouveaux concurrents mais aussi nouveaux débouchés, conduit les entreprises à renouveler leur stratégie, et notamment à arbitrer entre investissement et exportation. À ce titre, l'investissement peut constituer une modalité d'accès au marché d'autant plus pertinente qu'il conjugue rapprochement de la demande finale et optimisation de la chaîne de valeur ajoutée. De plus en plus, les firmes françaises font ce choix stratégique : en 2001, le chiffre d'affaires de nos filiales à l'étranger (380 MdsEUR) représentait 90 % des exportations de biens et services, contre 60 % en 1995. Il reste toutefois que, en niveau, la part des pays en voie de développement dans nos investissements directs étrangers reste limitée (10 % alors qu'ils concentrent 35 % de l'investissement direct étranger mondial), en particulier en Asie émergente (inférieur de 20 % notamment à la présence allemande). Rappelons que si l'investissement doit devenir une modalité forte de pénétration des marchés lointains, s'il est conçu au niveau de la firme comme une alternative à l'exportation, au niveau macro-économique il profite à l'économie française : outre qu'il est un puissant vecteur de promotion de l'« image France », l'investissement est en moyenne générateur d'exportations (nos ventes sont accrues par les flux bilatéraux d'investissements de plus de 40 % vers les Etats-Unis et de 35 % vers le Royaume-Uni) et de ressources financières (les revenus au titre des investissements directs, encore négatifs en 1995, ont rapporté près de 70 MdsEUR de 1999 à 2004, soit près de 3,5 fois notre excédent commercial, et 70 % de notre surplus courant cumulé). Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie développe des actions afin de répondre aux défis d'une intensification de la concurrence et de l'ouverture de marchés nouveaux. Ces enjeux sont de long terme. Pour certains, ils engagent l'amélioration de l'offre, enjeu amont, mais de premier ordre, qui passe notamment par le soutien à la recherche et au développement, par la formation (et, incidemment, par l'attractivité du territoire pour les centres de recherche et de développement, chercheurs, etc.). Plus généralement, il engage les politiques transversales d'amélioration de l'environnement des affaires actuellement mises en oeuvre : droit du travail, simplification administrative, fiscalité et charges sociales... Pour les autres, ils relèvent de la stratégie d'appui des pouvoirs publics au développement international des entreprises. De fait, la politique de l'exportation a fait l'objet de réformes profondes depuis 2002, afin d'encourager le développement à l'international de nos entreprises, et en particulier des petites et moyennes entreprises : des plans ciblés de promotion de nos exportations ont été lancés sur vingt-cinq pays prioritaires dont la Chine et l'Inde et vont l'être en 2005 et 2006 sur des secteurs cibles ; le dispositif public d'appui au développement international des entreprises a été rationalisé et renforcé : le Centre français du commerce extérieur et l'association UBIFRANCE ont fusionné en 2004, créant une entité nouvelle à laquelle ont été assignés des objectifs ambitieux sur trois axes majeurs : la promotion d'une offre d'information opérationnelle, le doublement des opérations collectives, le volontariat international en entreprise pour aider nos jeunes à mettre le pied à l'étrier à l'international ; des mesures destinées à favoriser le développement des PME à l'international : renforcement des soutiens financiers apportés à travers les garanties publiques gérées par la Coface ; mise en place d'un crédit d'impôt-export destiné aux PME qui engagent des prospections commerciales en dehors de l'espace économique européen, accompagnées de création d'emplois à l'export ; instauration d'un contrat de mission export calqué sur le contrat de chantier ; encouragement au volontariat à l'international en entreprise ; développement du portage des petites et moyennes entreprises par les grandes entreprises. Dans ce cadre, le ministre délégué au commerce extérieur a approuvé le 24 septembre 2003 le plan d'action commerciale pour le renforcement de la présence des entreprises françaises en Chine. Les priorités identifiées dans ce plan d'action sont : renforcer l'information des entreprises ; promouvoir la participation aux salons professionnels ; développer les missions collectives, rechercher les opportunités d'affaires ; mettre en place des initiatives spécifiques en faveur des PME ; renforcer et former les ressources humaines. En 2004, UBIFRANCE a doublé ses participations aux salons en Chine dans le cadre de sa programmation et des salons qu'il labellise. Cet effort de prospection et de sensibilisation sur l'importance de la participation des entreprises aux salons professionnels pour aborder un marché comme la Chine sera poursuivi en 2005, en liaison avec tous les organismes d'appui en France. Ainsi, la Chine représentera la moitié du portefeuille d'opérations réalisées par UBIFRANCE en Asie. Aujourd'hui, 15 % du budget de promotion d'UBIFRANCE sont consacrés à la Chine, ce qui en fait la première cible du dispositif public. Outre les salons, UBIFRANCE a également porté son effort sur les séminaires techniques dans les secteurs porteurs. C'est surtout dans le domaine des PME que les actions ont été, en 2004, les plus marquées : le dialogue avec des partenaires comme la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, la création sur le site Internet de la Mission économique, du portail PME qui est très visité, la mise à disposition du KIT d'information, déjà téléchargé à des milliers d'exemplaires, la richesse de la collection des guides répertoires, un outil particulièrement adapté aux PME, la formation des correspondants Chine des chambres de commerce en France (le réseau des experts Chine couvre toutes les régions), qui servent de véritables relais de proximité pour les PME, et, enfin, le lancement, par UBIFRANCE, des opérations de partenariat industriel et technologique pour les petites et moyennes entreprises. Lors de sa visite officielle en Chine, en octobre 2004, le Président de la République a fixé des objectifs ambitieux pour notre commerce extérieur en Chine, notamment celui de doubler, en trois ans, le nombre de PME exportatrices vers ce marché lointain et prometteur. Dès 2005, une opération « coup de poing » est prévue : « 1 000 nouvelles PME en Chine », avec plusieurs opérations d'envergure. Fin mars, une opération de portage de Partenariat France a permis d'emmener 160 PME à Pékin et Shanghai, en présence du ministre délégué au commerce extérieur. En juillet, dans le domaine des biens de la consommation, l'exposition « France, des maisons à vivre » organisée par UBIFRANCE à Pékin, fédérera 150 PME. Enfin, deux opérations conjointes d'envergure seront menées au second semestre 2005 : l'une à Canton en septembre et l'autre à Shanghai et Hong Kong, en novembre. Chacune de ces deux opérations devraient être l'occasion pour 300 PME de prendre le pied sur le marché chinois.
Auteur : Mme Chantal Robin-Rodrigo
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : économie
Ministère répondant : économie
Dates :
Question publiée le 12 avril 2005
Réponse publiée le 7 juin 2005