Comores
Question de :
M. Bruno Gilles
Bouches-du-Rhône (5e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Bruno Gilles appelle l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la situation inquiétante de l'île d'Anjouan aux Comores. Ce pays traverse une crise économique et sociale depuis les émeutes du 3 août 1997 au cours desquelles la population demandait l'autonomie de l'ensemble de l'archipel des Comores. En effet, le président Mohamed Bacar a choisi la voix de la dictature pour gouverner le pays. Face aux manifestations d'enseignants qui réclamaient leurs arriérés de salaires, le Président a donné ordre à la gendarmerie de tirer dans la foule non armée et il a en même temps emprisonné un opposant politique. Cette répression se traduit aussi par l'impossibilité de s'exprimer librement sous peine de sanction sévère. C'est pourquoi il se fait l'interprète des souffrances morales, matérielles, physiques de la population anjouanaise et lui demande de lui indiquer la position que le Gouvernement entend adopter au sujet de cette situation.
Réponse publiée le 19 juillet 2005
Les Comores ont connu une grave crise politique et institutionnelle à partir de 1997. Au cours de cette crise, la France a constamment souligné auprès des autorités comoriennes son attachement au maintien de l'État de droit et à la protection des droits de l'homme. Elle continue à prêter une grande attention à la situation intérieure des Comores, notamment à celle d'Anjouan, île qui a une importance particulière au sein de l'État comorien. En effet, la sécession d'Anjouan en août 1997 a affaibli l'autorité de l'État comorien et précipité la fin de la République fédérale islamique des Comores, avec la prise de pouvoir du colonel Azali en avril 1999. En février 2001, les autorités anjouanaises ont accepté le retour de leur île dans le nouvel ensemble comorien prévu par l'accord de Fomboni et ont ainsi rendu possible la constitution d'un nouvel État. Le maintien d'Anjouan au sein de l'Union des Comores est essentiel à la viabilité de cet État et à la stabilité des institutions qui viennent d'être mises en place. La prochaine présidence de l'Union des Comores devrait revenir à une personnalité originaire d'Anjouan en 2006, suivant le principe, fixé par la Constitution de décembre 2001, d'une présidence exercée par chacune des îles de l'Union à tour de rôle. Un accord informel entre les différentes parties a prévu que la prochaine présidence reviendrait à Anjouan. Cet accord doit être confirmé par une loi organique sur les élections présidentielles qui précisera l'ordre dans lequel les îles exerceront la présidence. La France est donc particulièrement attentive aux évolutions de la situation à Anjouan. Elle l'a été notamment lors des émeutes de février 2005, au cours desquelles les forces chargées du maintien de l'ordre ont fait usage de leurs armes contre la foule. Ces émeutes ont commencé par des manifestations d'élèves contre des grèves d'enseignants qui protestaient au sujet d'arriérés de salaires. La gendarmerie est intervenue pour disperser la foule et dégager le ministre de l'intérieur d'Anjouan qui était pris à partie par des manifestants. Au cours de ces échauffourées, les gendarmes ont tiré pour effrayer la foule. Un coup de feu a touché un jeune homme, qui est décédé, et en a blessé un autre, qui a été évacué vers Mayotte. Au cours de l'enquête qui a suivi ces manifestations, les autorités ont arrêté M. Salim Ali Abdou dit « Ba Goulam », un militant comorien séparatiste, demandant le rattachement d'Anjouan à la France. Il a été détenu pendant quelques jours pour être interrogé sur ses responsabilités dans le déclenchement des émeutes. Il a été relâché, aucune charge n'ayant été retenue contre lui. La France a réagi à ces événements en concertation avec les représentants de l'Union africaine et de l'Afrique du Sud, qui a joué un rôle majeur dans la conclusion et la mise en oeuvre du processus de Fomboni. Le message diffusé auprès du président de l'île d'Anjouan, Mohamed Bacar, et des autorités de l'Union déplorait les violences survenues à Anjouan et invitait les Comoriens à faire prévaloir l'intérêt de la réconciliation nationale sur toute autre considération partisane. Il rappelait que le respect de l'État de droit était la condition de l'aboutissement du processus de réconciliation nationale et de la mobilisation des ressources de la communauté internationale pour le développement économique et social du pays. Depuis ces événements, la situation intérieure d'Anjouan continue à faire l'objet d'une observation attentive de la part de la France. La faiblesse actuelle des forces de l'ordre anjouanaises alimente toujours le risque d'un usage disproportionné de la force en cas de manifestation. Nos partenaires sud-africains ont amorcé une coopération dans ce domaine afin de former et d'équiper les forces de l'ordre. En dehors de cette préoccupation réelle, les libertés publiques sont actuellement respectées (liberté de circuler, d'expression). Il demeure que les Anjouanais sont confrontés à une pauvreté croissante et aux déficiences des établissements de santé. Ces conditions de vie précaires alimentent une forte émigration illégale vers l'île de Mayotte. La France est pleinement consciente des effets négatifs qu'une crise sociale prolongée à Anjouan pourrait avoir sur le processus de réconciliation nationale et sur l'organisation des élections présidentielles de 2006. Par conséquent, elle a décidé de concentrer son effort de coopération à Anjouan dans les domaines du développement rural et de la santé publique, afin d'améliorer les conditions de vie des Anjouanais et de contribuer à réduire la pression migratoire sur Mayotte.
Auteur : M. Bruno Gilles
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : affaires étrangères
Ministère répondant : affaires étrangères
Dates :
Question publiée le 12 avril 2005
Réponse publiée le 19 juillet 2005