Comores
Question de :
M. Jean-Paul Bacquet
Puy-de-Dôme (4e circonscription) - Socialiste
M. Jean-Paul Bacquet souhaite appeler l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la situation sur l'île d'Anjouan. Il lui a été en effet rapporté certains actes particulièrement violents commis récemment à l'occasion de manifestations d'enseignants anjouanais réclamant leurs arriérés de traitements. Ces manifestations auraient été réprimées par la force par la gendarmerie sur les ordres du président Moharned Bacar, causant la mort de deux personnes et aboutissant à l'arrestation de l'opposant politique M. Boulgame. Depuis l'accord de Fomboni, qui a acté la fédéralisation des Comores, et malgré les élections législatives de 2004, ces événements nous rappellent la situation extrêmement fragile qui règne sur les Comores depuis 1997. Il souhaite donc obtenir de plus amples informations sur la situation actuelle sur l'île d'Anjouan, notamment sur les faits relatés, ainsi que sur la position française face à l'évolution politique des Comores.
Réponse publiée le 19 juillet 2005
Les Comores ont connu une grave crise politique et institutionnelle à partir de 1997. Au cours de cette crise, la France a constamment souligné auprès des autorités comoriennes son attachement au maintien de l'État de droit et à la protection des droits de l'homme. Elle continue à prêter une grande attention à la situation intérieure des Comores, notamment à celle d'Anjouan, île qui a une importance particulière au sein de l'État comorien. En effet, la sécession d'Anjouan en août 1997 a affaibli l'autorité de l'État comorien et précipité la fin de la République fédérale islamique des Comores, avec la prise de pouvoir du Colonel Azali en avril 1999. En février 2001, les autorités anjouanaises ont accepté le retour de leur île dans le nouvel ensemble comorien prévu par l'accord de Fomboni et ont ainsi rendu possible la constitution d'un nouvel État. Le maintien d'Anjouan au sein de l'Union des Comores est essentiel à la viabilité de cet État et à la stabilité des institutions qui viennent d'être mises en place. La prochaine présidence de l'Union des Comores devrait revenir à une personnalité originaire d'Anjouan en 2006, suivant le principe, fixé par la Constitution de décembre 2001, d'une présidence exercée par chacune des îles de l'Union à tour de rôle. Un accord informel entre les différentes parties a prévu que la prochaine présidence reviendrait à Anjouan. Cet accord doit être confirmé par une loi organique sur les élections présidentielles qui précisera l'ordre dans lequel les îles exerceront la présidence. La France est donc particulièrement attentive aux évolutions de la situation à Anjouan. Elle l'a été notamment lors des émeutes de février 2005, au cours desquelles les forces chargées du maintien de l'ordre ont fait usage de leurs armes contre la foule. Ces émeutes ont commencé par des manifestations d'élèves contre des grèves d'enseignants qui protestaient au sujet d'arriérés de salaires. La gendarmerie est intervenue pour disperser la foule et dégager le ministre de l'intérieur d'Anjouan qui était pris à partie par des manifestants. Au cours de ces échauffourées, les gendarmes ont tiré pour effrayer la foule. Un coup de feu a touché un jeune homme qui est décédé et en a blessé un autre, qui a été évacué vers Mayotte. Au cours de l'enquête qui a suivi ces manifestations, les autorités ont arrêté M. Salim Ali Abdou dit « Ba Goulam », un militant comorien séparatiste, demandant le rattachement d'Anjouan à la France. Il a été détenu pendant quelques jours pour être interrogé sur ses responsabilités dans le déclenchement des émeutes. Il a été relâché, aucune charge n'ayant été retenue contre lui. La France a réagi à ces événements en concertation avec les représentants de l'Union africaine et de l'Afrique du Sud qui a joué un rôle majeur dans la conclusion et la mise en oeuvre du processus de Fomboni. Le message diffusé auprès du président de l'île d'Anjouan, Mohamed Bacar, et des autorités de l'Union déplorait les violences survenues à Anjouan et invitait les Comoriens à faire prévaloir l'intérêt de la réconciliation nationale sur toute autre considération partisane. Il rappelait que le respect de l'État de droit était la condition de l'aboutissement du processus de réconciliation nationale et de la mobilisation des ressources de la communauté internationale pour le développement économique et social du pays. Depuis ces événements, la situation intérieure d'Anjouan continue à faire l'objet d'une observation attentive de la part de la France. La faiblesse actuelle des forces de l'ordre anjouanaises alimente toujours le risque d'un usage disproportionné de la force en cas de manifestation. Nos partenaires sud-africains ont amorcé une coopération dans ce domaine afin de former et d'équiper les forces de l'ordre. En dehors de cette préoccupation réelle, les libertés publiques sont actuellement respectées (liberté de circuler, d'expression). Il demeure que les Anjouanais sont confrontés à une pauvreté croissante et aux déficiences des établissements de santé. Ces conditions de vie précaires alimentent une forte émigration illégale vers l'île de Mayotte. La France est pleinement consciente des effets négatifs qu'une crise sociale prolongée à Anjouan pourrait avoir sur le processus de réconciliation nationale et sur l'organisation des élections présidentielles de 2006. Par conséquent, elle a décidé de concentrer son effort de coopération à Anjouan dans les domaines du développement rural et de la santé publique, afin d'améliorer les conditions de vie des Anjouanais et de contribuer à réduire la pression migratoire sur Mayotte.
Auteur : M. Jean-Paul Bacquet
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : affaires étrangères
Ministère répondant : affaires étrangères
Dates :
Question publiée le 19 avril 2005
Réponse publiée le 19 juillet 2005