Question écrite n° 63722 :
politique de l'eau

12e Législature

Question de : Mme Chantal Robin-Rodrigo
Hautes-Pyrénées (2e circonscription) - Socialiste

Un tiers de la nappe phréatique de la vallée du Rhin serait actuellement non potable. C'est ce qu'a révélé dernièrement une étude franco-germano-suisse qui a chiffré la teneur en produits toxiques : pour au moins un paramètre, cette teneur dépasse les limites de potabilité sur 33 % des points de mesure. Dans le contexte de présentation de la loi sur l'eau par le Gouvernement, censée réduire les pollutions agricoles, cet inventaire, le premier d'une telle ampleur concernant l'une des plus importantes réserves d'eau potable en Europe, montre du doigt sans ménagement les activités agricoles. En effet, les principaux polluants recensés seraient les produits phytosanitaires et les nitrates. Les nitrates, qui proviennent des engrais agricoles et des déjections animales, sont présents sur l'ensemble de la zone à une teneur moyenne de 28,9 mg/l alors que la recommandation européenne fixe un taux maximum de 25 mg/l. La limite de potabilité, 50 mg/l, est dépassée sur 17 % des 1 728 points de mesure. L'Alsace et la région bâloise sont les plus touchées par la pollution due aux produits phytosanitaires (herbicides et insecticides). On note en particulier un dépassement des seuils de potabilité pour l'atrazine (0,1 microgramme/l) sur 17 % des points de mesure en France et 14 % en Suisse. Dans ce contexte, le projet de loi sur l'eau présenté par le Gouvernement prévoyait initialement une taxation des nitrates de l'agriculture afin d'endiguer la pollution des nappes phréatiques. Il n'en sera visiblement finalement rien, conformément à l'engagement pris en 2002 par le chef de l'État lors de la campagne présidentielle. En l'état, le projet vise cyniquement « un bon état écologique des eaux » en 2015 conformément à une directive européenne du 23 octobre 2000. Or les agriculteurs consomment 68 % de l'eau utilisée en France et sont responsables de la plus grande partie des pollutions par nitrates et pesticides. Ils acquittent donc pour cela 1 % des redevances aux agences de l'eau, qui leur versent 7 fois plus d'aides à la dépollution. Le Gouvernement envisagerait de ramener ce ratio à 2,5 : les agriculteurs n'acquitteront pas de taxe supplémentaire, mais les agences de l'eau leur reverseront moins d'argent. La contribution du monde agricole passera de 1 % à 3 % ou 4 % des redevances pour l'eau (soit 60 millions d'euros sur un total de 1,8 milliard d'euros par an). Reste que les ménages resteront les plus gros contributeurs, avec 82 % au lieu de 86 %, alors que la part de l'industrie (14 %) ne changera pas. Ce déséquilibre flagrant est une véritable tartufferie de la part du Gouvernement, chose que n'ont pas manqué de noter les organisations de consommateurs. En effet, pour exemple, et tout en déplorant le manque de mesures concernant la pollution par les nitrates, l'association de consommateurs UFC - Que Choisir ? s'indigne de cette loi qui fait des ménages la vache à lait de la politique de l'eau et encourage les pollutions agricoles en refusant de faire payer les responsables. Compte tenu de ces critiques unanimes où les ménages sont manifestement et une fois de plus pris pour des idiots par le Gouvernement dans un contexte de baisse générale du niveau de vie induit par sa politique économique, fiscale et sociale, Mme Chantal Robin-Rodrigo demande à M. le ministre de l'écologie et du développement durable de lui indiquer les mesures correctives qu'il entend prendre au sujet de ce dossier.

Réponse publiée le 15 novembre 2005

La ministre de l'écologie et du développement durable a pris connaissance, avec intérêt, de la question relative aux contributions respectives des collectivités locales, des industriels et des agriculteurs aux budgets des agences de l'eau. Les redevances perçues par les agences de l'eau sont actuellement fixées par leurs conseils d'administration dans le cadre de programmes pluriannuels d'intervention, les comités de bassin donnant un avis conforme sur les taux des redevances. Le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques adopté en première lecture par le Sénat le 14 avril 2005 conforte cette gestion décentralisée de l'eau, en renforçant le rôle du comité de bassin qui aura à délibérer, sur proposition du conseil d'administration, sur le programme d'intervention et sur les redevances. La présente question souligne les écarts des contributions au budget des agences entre les collectivités locales, les industries et l'agriculture. Ces redevances perçues auprès des usagers sont utilisées pour contribuer au financement des travaux réalisés pour une meilleure gestion de l'eau. Il est reproché aux agences et au Gouvernement de subventionner la maîtrise des pollutions par l'agriculture par une contribution des usagers des services d'eau potable. Cette solidarité entre les usagers de l'eau a pour objectif de faciliter une réalisation plus rapide des équipements nécessaires afin d'inverser la tendance à la dégradation des années antérieures et obtenir des résultats tangibles. La priorité a été donnée dans un premier temps aux établissements les plus importants et plus récemment aux opérations en zones vulnérables. Ce programme s'achèvera fin 2006. Selon le bilan d'activité des agences de l'eau joint au projet de loi de finances pour 2005, cet appui financier pour la dépollution des activités d'élevage a été de l'ordre de 41,5 millions d'euros, soit 3,5 % du montant des redevances de pollution des collectivités locales. En l'absence de réduction des rejets polluants en amont des captages d'eau, ce sont en fait les usagers des services d'eau potable qui à terme auraient à supporter non seulement de nouveaux investissements pour le traitement de l'eau potable mais aussi les coûts de fonctionnement. Les agences de l'eau, en incitant à la réalisation des travaux de maîtrise des pollutions agricoles, contribuent non seulement à la prise en compte des coûts de fonctionnement liés à la maîtrise des pollutions par les activités agricoles concernées mais aussi à la maîtrise à long terme de l'évolution du prix de l'eau potable. Il est cependant vrai que les moyens d'intervention pour faciliter la maîtrise des pollutions diffuses d'origine agricole doivent être renforcés. C'est l'objectif du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques qui doit permettre de donner aux acteurs locaux les outils nécessaires pour assurer une protection durable des ressources en eau et des milieux aquatiques. Le Gouvernement a décidé d'amplifier l'action en ce domaine en favorisant des synergies entre l'action des agences de l'eau et la mise en oeuvre de l'écoconditionnalité des aides de la politique agricole commune (PAC). Lors de l'élaboration des IXe programmes, les organismes de bassin auront ainsi à préciser les interventions des agences en ce domaine, en liaison avec les collectivités territoriales et les services de l'Etat, afin de définir des priorités territoriales et assurer la coordination des instruments financiers, réglementaires et contractuels. La mise en place de l'outil financier qui s'appuie sur la conditionnalité du versement des aides attribuées au titre de la PAC au respect de règles environnementales, sur lequel la ministre de l'écologie et du développement durable travaille avec le ministre de l'agriculture et de la pêche, doit permettre d'améliorer l'efficacité des programmes de lutte contre les pollutions diffuses. Cet outil financier s'applique, pour ce qui concerne les règles relatives à l'épandage des fertilisants azotés, à tous les agriculteurs situés dans les zones vulnérables délimitées au titre de la directive « nitrates ». Il rend également obligatoire la mise en place de bandes enherbées le long des cours d'eau en y consacrant une partie du gel obligatoire des terres. Ces bandes enherbées, sur lesquelles aucun apport d'engrais ou de produit phytosanitaire n'est désormais possible, constituent un frein efficace au transfert des nitrates, des pesticides et des sédiments vers les cours d'eau. De nouvelles actions agro-environnementales pourront notamment être engagées dans le cadre des plans d'action dans les zones d'alimentation des captages en eau potable prévus par le projet de loi. Ces plans d'action, élaborés localement en concertation entre les collectivités locales, les services de l'État et les agriculteurs concernés, comporteront des mesures contre les pollutions diffuses, mesures qui pourront bénéficier d'aides financières, notamment du fonds européen agricole pour le développement rural, et devenir obligatoires si nécessaire. Le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques prévoit également d'instituer à compter du 1er janvier 2007 une redevance sur l'utilisation de produits antiparasitaires à usage agricole afin de contribuer au financement des interventions des agences de l'eau dans la résorption des pollutions diffuses. Ajoutée à la redevance sur les pollutions résiduelles des élevages, cette redevance augmentera significativement la contribution des agriculteurs au budget des agences de l'eau et permettra à l'agence d'accroître ses interventions dans la lutte contre les pollutions diffuses par la restauration de la végétation des rives des cours d'eau et de zones humides. Dans la limite d'une part du plafond des taux de redevances et d'autre part du montant des programmes d'intervention défini par la loi, les organismes de bassin auront à arrêter les taux des redevances au vu des actions à engager au cours du programme pour contribuer à la réalisation de l'objectif de bon état général des eaux assigné par la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 instituant un cadre communautaire pour une politique européenne de l'eau. Cette directive, transposée par la loi n° 2004-338 du 21 avril 2004, demande en particulier de rendre compte de l'application du principe de récupération des coûts en identifiant les contributions des divers secteurs économiques, une distinction devant au moins être faite entre les ménages, l'industrie et l'agriculture. Conformément à cette demande, transposée par l'alinéa VIII de l'article L. 212-1 du code de l'environnement, le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (MAGE) indiquera comment sont pris en charge par les divers secteurs économiques les coûts liés à l'utilisation de l'eau. Ces données seront actualisées tous les six ans, lors de chaque mise à jour du schéma directeur. Pour fin 2006, les comités de bassin doivent établir un avant-projet de SDAGE, sur la base duquel seront identifiées les orientations et les priorités des futurs programmes d'intervention des agences de l'eau. Dans cette perspective, les comités de bassin auront à examiner l'évolution des équilibres entre les diverses catégories d'usagers et les solidarités éventuellement nécessaires. L'intégration de ces éléments dans le projet de SDAGE soumis fin 2007 à la consultation du public contribuera à la transparence de l'action publique. C'est par la concertation entre les acteurs de l'eau, par leur adhésion et leur mobilisation pour un projet collectif, et par la transparence des décisions prises que pourront être construites les solidarités nécessaires pour améliorer la qualité des milieux aquatiques et en particulier des ressources en eau utilisées pour l'alimentation en eau potable et contribuer ainsi à la maîtrise de l'évolution du prix de l'eau.

Données clés

Auteur : Mme Chantal Robin-Rodrigo

Type de question : Question écrite

Rubrique : Eau

Ministère interrogé : écologie

Ministère répondant : écologie

Dates :
Question publiée le 26 avril 2005
Réponse publiée le 15 novembre 2005

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