Togo
Question de :
M. Maxime Gremetz
Somme (1re circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains
M. Maxime Gremetz interroge M. le ministre des affaires étrangères sur la situation au Togo. Le Togo vit aujourd'hui une très grave crise socio-politique. Les raisons immédiates de cette situation découlent en premier lieu du dérapage du processus électoral, entaché de graves irrégularités qui semblent significatives. Le processus aurait été vicié dans sa phase préparatoire, dans les préfectures que le parti au pouvoir considère comme ses fiefs, par la fabrication grossière des listes électorales « gonflées » et, en sens inverse, dans les préfectures considérées comme des fiefs de l'opposition, par la minoration du nombre d'électeurs inscrits. Le calendrier électoral aurait ensuite été conçu de manière à empêcher les contestations de ces listes électorales semble-t-il falsifiées. De plus, les résultats proclamés dans plusieurs préfectures ne sont pas conformes aux résultats attestés par les délégués de l'opposition. Ces délégués auraient aussi été empêchés de remplir leur mission dans plusieurs zones du pays. Enfin, la coupure des communications téléphoniques nationales et internationales et des connexions Internet pendant trois jours ne fait que renforcer les doutes sur la sincérité des résultats proclamés. Il lui demande ce qu'il compte faire face à ce qui ressemble à un déni de démocratie.
Réponse publiée le 30 août 2005
Au lendemain du décès du président Gnassingbé Eyadéma, le 5 février 2005, l'armée togolaise a confié le pouvoir à Faure Gnassingbé, fils du président défunt. Cette succession a été entérinée par l'Assemblée nationale après une révision constitutionnelle effectuée dans l'urgence. L'Union africaine et la CEDEAO, appuyées par la communauté internationale, et notamment par la France, ont aussitôt appelé au strict respect de la légalité constitutionnelle pour la désignation du nouveau président. Dans ce contexte, Faure Gnassingbé a démissionné le 25 février et le premier vice-président de l'Assemblée nationale a été désigné pour assurer l'intérim. Conformément à la Constitution (délai de soixante jours à compter de la nomination du président par intérim), dont l'opposition réclamait le strict respect, le scrutin présidentiel a été fixé au 24 avril. La semaine précédant l'élection a été marquée par une tension grandissante entre le pouvoir et l'opposition dite radicale, tension qui s'est manifestée lors de la révision des listes électorales, de la distribution des cartes d'électeur et des mesures prises par la médiation de la CEDEAO, comme à la suite des déclarations du ministre de l'intérieur, Pierre Esso Boko. À la veille de l'élection, ce dernier avait appelé les autorités togolaises à suspendre le processus électoral pour constituer un gouvernement de transition dirigé par un Premier ministre issu de l'opposition. Immédiatement limogé et réfugié à l'ambassade d'Allemagne, il a rejoint la France le 5 mai, à sa demande, en accord avec les autorités togolaises. Le scrutin du 24 avril s'est déroulé pour l'essentiel dans le calme. Dès la clôture des bureaux de vote, en revanche, des incidents ont éclaté à Lomé, dans les fiefs traditionnels de l'opposition, et dans d'autres villes méridionales du Togo. Les cent cinquante observateurs déployés par la CEDEAO ont estimé le 24 avril que les « anomalies et insuffisances, ainsi que les incidents n'étaient pas de nature à remettre en cause la bonne tenue et la crédibilité du scrutin » et que le scrutin répondait « globalement aux critères et principes universellement admis en matière d'élection ». Le 25 avril, le président du Nigeria, Olusegun Obasanjo, président en exercice de l'Union africaine, a reçu à Abuja Faure Gnassingbé et Gilchrist Olympio, chef historique de l'opposition radicale, et a annoncé un accord sur le principe de la formation d'un gouvernement d'union nationale. Cette démarche a reçu le soutien du secrétaire général des Nations unies. Le lendemain, toutefois, l'opposition radicale refusait de participer à un gouvernement d'unité nationale si le verdict des urnes lui était défavorable. Les résultats officiels de l'élection présidentielle du 24 avril, proclamés par la Commission électorale nationale et indépendante le 26 avril, ont donné 60,2 % des voix à Faure Gnassingbé et 38,2 % à Emmanuel Akitani Bob. C'est l'annonce des résultats qui a aussitôt déclenché de violents incidents à Lomé et dans d'autres villes du pays. Les manifestants s'en sont pris aux biens des ressortissants français, mais aucune victime n'a été déplorée au sein de la communauté française. Ces violences ont touché plus gravement les communautés libanaise, chinoise, malienne et nigérienne : six Maliens et deux Nigériens ont été brûlés vifs. Le centre culturel allemand a par ailleurs été incendié par des inconnus. Le 3 mai, la Cour constitutionnelle a validé les résultats du 24 avril, et Faure Gnassingbé a prêté serment le lendemain. Le bilan exact des violences qui ont suivi l'élection présidentielle est encore inconnu, mais on dénombrerait plusieurs dizaines de morts. Des milliers de Togolais se sont réfugiés au Bénin et au Ghana et font état de la poursuite d'intimidations. Le président Faure Gnassingbé a mis en place une Commission nationale d'enquête chargée de faire la lumière sur les violences et les exactions. Une mission de l'ONU a été envoyée sur place du 13 au 28 juin pour enquêter sur les accusations de violations des droits de l'homme intervenues entre le 5 février, date du décès de l'ancien président, et le 5 mai. La France suivra ces travaux et leur conclusion avec la plus grande attention. Dès la disparition du président Eyadéma, la CEDEAO et l'Union africaine n'ont pas ménagé leurs efforts avec un double objectif : éviter une escalade préjudiciable à la stabilité de la région et définir une solution politique pour sortir de cette crise difficile et complexe. Les consultations tenues sous l'égide du président de l'Union africaine et du président de la CEDEAO, avec l'appui des chefs d'État de la sous-région, ont conduit à la nomination du Premier ministre Edem Kodjo. Celui-ci a constitué le 20 juin, soit moins de deux mois après l'élection présidentielle, un gouvernement élargi à la société civile et à l'opposition, qui devra notamment organiser des élections législatives libres et transparentes. Le Premier ministre Edem Kodjo s'est immédiatement rendu à Bruxelles pour confirmer sa volonté de mettre en oeuvre les vingt-deux engagements souscrits le 14 avril 2004 par le Togo auprès de l'Union européenne, lors de l'ouverture des négociations entamées au titre de l'article 96 de l'accord de Cotonou, et son souci de régler en priorité la situation des réfugiés. Le Premier ministre du Togo s'est également rendu à Paris, le 25 juin, où il a eu un entretien avec le ministre des Affaires étrangères, qui lui a réaffirmé la position de notre pays : la France restera attentive à la concrétisation des engagements d'ouverture pris particulièrement en matière de consolidation de la démocratie et de respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, comme au traitement de la question des réfugiés. En ce domaine, elle a d'ores et déjà débloqué une aide bilatérale de 100 000 euros, en prélude au 1,5 million d'euros qui vient d'être annoncé par l'Union européenne.
Auteur : M. Maxime Gremetz
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : affaires étrangères
Ministère répondant : affaires étrangères
Dates :
Question publiée le 24 mai 2005
Réponse publiée le 30 août 2005