génétique
Question de :
M. Maxime Gremetz
Somme (1re circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains
M. Maxime Gremetz attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur les dangers que représentent à ses yeux les brevets sur les organismes vivants. Ces brevets conçus à l'origine pour protéger les inventions industrielles sont aujourd'hui détournés de leur fonction initiale. Ils constituent un vecteur privilégié de confiscation des ressources naturelles au bénéfice d'intérêts privés. Loin d'encourager la recherche, ils permettent au contraire à des compagnies de verrouiller l'accès aux ressources génétiques et de s'arroger un monopole injustifié sur l'utilisation de ces ressources. Le recours déposé par l'institut Curie et l'Assistance publique contre un brevet sur le gène BRCA1 utilisé dans le dépistage du cancer du sein et détenu par la firme américaine Myriad Genetics illustre de manière exemplaire l'inadaptation du système des brevets au vivant. Les conséquences pour les pays du Sud, principaux pourvoyeurs de la biodiversité mondiale, sont très préoccupantes. Leurs ressources naturelles sont convoitées et pillées. En agriculture, l'introduction de semences et de plants brevetés modifie de manière radicale et profonde des pratiques agricoles. Les textes internationaux et nationaux légalisant les brevets sur le vivant se multiplient. L'accord sur les Aspects de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce, entré en vigueur dans le cadre de l'OMC en 1995, permet une généralisation du système des brevets à l'échelle de la planète. La très controversée directive européenne n° 98/44 sur la protection juridique des inventions biotechnologiques, adoptée en 1998 contribuerait, si elle était transposée dans les législations des pays membres de l'Union européenne, à aggraver cette menace. Dans ces conditions, il souhaite savoir si le Gouvernement entend négocier l'abrogation de cette directive.
Réponse publiée le 3 février 2003
La directive 98/44/CE du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques aurait dû être transposée au plus tard le 30 juillet 2000. Elle a pour objet de définir certains principes applicables à la brevetabilité de la matière biologique et à l'étendue de la protection conférée par un brevet sur une invention biotechnologique, et non les conditions relatives à l'autorisation de recherche ou l'exploitation des produits brevetés. La transposition de l'article 5 de la directive, relatif à la protection susceptible d'être accordée à des inventions portant sur des éléments issus du corps humain, soulève des difficultés juridiques et éthiques dans certains Etats membres car elle pourrait permettre le brevetage d'éléments du corps humain. Mais aucun Etat membre n'a demandé formellement une renégociation de la directive qui a, au demeurant, toujours été exclue par la Commission, la directive ayant été jugée conforme au droit communautaire par la cour de justice (arrêt-C 377/98 du 9 octobre 2001, recours introduit par les Pays-Bas). De plus, l'article 6 de la directive offre une garantie aux Etats membres en ce qu'il leur permet de bloquer la brevetabilité (et donc la commercialisation) des inventions contraires à l'ordre public. Bien qu'encadrée par la directive, la notion d'ordre public peut permettre à la France de fixer les limites éthiques qu'elle entend apporter à la brevetabilité du corps humain. La Commission a adressé à la France, en novembre 2000, une lettre de mise en demeure (art. 226 CE) pour non-transposition de la directive. Le précédent gouvernement a déposé le projet de loi de transposition sur le bureau de l'Assemblée nationale le 31 octobre 2001, en écartant du champ de cette transposition l'article 5 de la directive. Lors de l'examen en première lecture à l'Assemblée nationale du projet de loi relatif à la bioéthique, les députés ont voté à l'unanimité un amendement parlementaire s'opposant à la transposition de l'article 5 de la directive. Cependant, la directive est directement applicable en droit français depuis le 30 juillet 2000. Par conséquent, toute personne peut déposer une demande de brevet à l'Institut national de la propriété intellectuelle (INPI) sur la base de cette directive. De plus, les principales dispositions de la directive ont été reprises dans la convention sur le brevet européen (décision du conseil d'administration de l'Office européen des brevets [OEB] en date du 16 juin 1999). La procédure unique d'examen des demandes de brevets effectuée par l'OEB donne naissance à un faisceau de brevets nationaux. Les brevets portant sur des inventions biotechnologiques sont donc délivrés en conformité avec les dispositions de la directive 98/44. Le Gouvernement veillera, dans cette affaire, à préserver la compétitivité du secteur, dans le respect des principes éthiques.
Auteur : M. Maxime Gremetz
Type de question : Question écrite
Rubrique : Bioéthique
Ministère interrogé : affaires étrangères
Ministère répondant : affaires étrangères
Dates :
Question publiée le 11 novembre 2002
Réponse publiée le 3 février 2003