Question écrite n° 67232 :
Rwanda

12e Législature

Question de : M. Antoine Herth
Bas-Rhin (5e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Antoine Herth attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères au sujet du génocide rwandais. Plus de dix ans après cette tragédie, de nombreuses questions restent en effet en suspens quant au rôle joué par la France dans cette dramatique affaire. Ainsi, la France a entretenu des liens privilégiés avec le régime du président Habyarimana jusqu'en 1994, en lui fournissant notamment une assistance militaire. Même si en juin 1994, l'intervention militaro-humanitaire approuvée par le Conseil de sécurité des Nations unies (opération « Turquoise ») a permis à la France d'installer durant les mois de juillet et août dans le sud-ouest du pays une zone de sécurité, sauvant ainsi de nombreuses vies tutsies, certaines ONG, dont Amnesty International, estiment qu'elle a aussi offert une protection aux Hutus auteurs des massacres, sans que ceux-ci soient arrêtés. Aussi, alors que de nombreux pays ont aujourd'hui reconnu leur part de responsabilité dans le génocide des Tutsis, voire présenté leurs excuses au peuple rwandais, il souhaiterait connaître les mesures que le Gouvernement compte prendre afin d'établir toute la lumière sur le comportement et la part de responsabilité de la France dans cette affaire et quelles conclusions il compte en tirer pour l'avenir.

Réponse publiée le 27 septembre 2005

Au sortir de la crise rwandaise, la France s'est efforcée de faire toute la lumière sur les événements tragiques survenus en avril 1994. Une mission d'information parlementaire, présidée par M. Quilès, a été créée en 1998 pour répondre à l'ensemble des interrogations suscitées par notre engagement au Rwanda entre 1990 et 1994. Cet effort de vérité, qu'aucun autre pays n'a mené de manière aussi approfondie, a permis de restituer toute la complexité des facteurs qui ont mené à la tragédie d'avril 1994. Les conclusions de cette mission rappellent que la France a été le pays le plus actif non seulement pour tenter de prévenir le drame de 1994, mais également pour tenter de mobiliser la communauté internationale afin de venir en aide aux victimes du génocide. L'échec de nos efforts en faveur de la paix ne peuvent constituer les « preuves » d'une responsabilité, encore moins d'une complicité. Alors que la France n'avait pas de liens historiques particuliers avec le Rwanda, elle s'est très tôt investie dans les efforts pour tenter d'enrayer la montée des tensions dans ce pays, qui avait déjà connu de graves violences intercommunautaires au cours des années 70. Face à un début de guerre civile au début des années 90, notre pays a tenté de faire prévaloir la voie de la négociation politique et du processus de réconciliation nationale. Cette politique s'est traduite par des contacts réguliers avec l'ensemble des forces politiques rwandaises, et en particulier avec le front patriotique rwandais (FPR), qui avait lancé une offensive militaire à partir de l'Ouganda le 1er octobre 1990. Ces contacts visaient à faire cesser la guerre entre les forces gouvernementales et les forces rebelles du FPR et à encourager l'ouverture politique. C'est dans ce cadre que la France ainsi que d'autres acteurs de la communauté internationale ont cherché à dissuader le FPR de lancer une offensive militaire sur Kigali, qui aurait immanquablement entraîné des centaines de milliers de personnes sur les chemins de l'exode : ce qui s'est, malheureusement, produit en avril 1994. Les pressions diplomatiques exercées par la France et la communauté internationale ont permis, jusqu'en avril 1994, de préserver l'espoir d'une solution politique au conflit entre le gouvernement rwandais et le FPR. En 1992, le Gouvernement rwandais a ainsi engagé un dialogue avec le FPR, ce qui a permis d'aboutir à un ensemble d'accords dits accords d'Arusha, qui prévoyaient un cessez-le-feu et un partage du pouvoir dans le cadre d'un gouvernement de transition. En application des accords d'Arusha, la France procéda, entre le 15 octobre et le 15 décembre 1993, au retrait de ses forces militaires présentes au Rwanda. Un contingent des Nations unies (MINUAR) fut déployé pour prendre le relais et assurer la sécurisation du processus de paix. Au moment du déclenchement des massacres, il n'y avait sur le terrain aucun soldat français autre que ceux de l'opération Amarylis (9-14 avril), venus évacuer les ressortissants français et étrangers. Aucun coopérant ni aucun militaire français - est-il besoin de le dire ? - n'a donc pu participer, de près ou de loin, au génocide perpétré au Rwanda. Les événements du 6 avril 1994 ont mis fin à tout espoir de solution pacifique au problème rwandais. L'attentat contre l'avion du président Habyarimana a ouvert la voie aux extrémistes, qui avaient tout fait pour s'opposer à la logique du partage du pouvoir et s'étaient préparés à un affrontement majeur. Les pilotes de l'avion transportant le président Habyarimana étant français, cet attentat fait actuellement l'objet d'une instruction judiciaire en France, dont les conclusions n'ont, en tous cas, pas encore été transmises. En juin 1994, face à l'accélération des événements sur le terrain et à la division du Conseil de sécurité sur le renforcement de la MINUAR, la France a fait le choix de l'intervention humanitaire. L'opération Turquoise, d'une durée de deux mois, conformément au mandat que lui avait donné le Conseil de sécurité, a été la seule opération humanitaire d'ampleur qui ait été engagée pour sauver les populations menacées. Le 4 juillet, la France a ainsi mis en place une zone humanitaire sûre afin de mettre les populations à l'abri des combats qui faisaient rage dans le sud (Butare) et dans l'ouest (Kibuye) du pays. Cette opération n'a pas été en mesure d'empêcher tous les massacres, notamment dans les premiers jours de sa mise en place. Mais elle a permis à des milliers de personnes d'échapper aux combats et à des centaines de milliers de personnes déplacées de bénéficier de secours et de soins. Si cette opération n'avait pas eu lieu, on peut supposer que des centaines de milliers, voire des millions de Rwandais, se seraient réfugiés au Zaïre ou au Burundi voisins, avec les conséquences que l'on peut imaginer pour la stabilité de ces pays, comme les événements au Zaïre d'alors peuvent en témoigner. Contrairement aux accusations qui ont pu être portées contre la France, l'opération Turquoise n'a jamais failli à son devoir de neutralité et n'a jamais eu d'autre objectif que de sécuriser les populations civiles pendant la poursuite des combats militaires. La position de la France est aujourd'hui de privilégier l'avenir et de ne pas entrer dans une polémique dont les principaux éléments ont déjà trouvé réponse dans le travail effectué par la mission parlementaire d'information. C'est ce message que son prédécesseur, M. Michel Barnier a personnellement adressé au ministre des affaires étrangères du Rwanda, M. Charles Murigande, à l'occasion d'un entretien approfondi, à Pretoria le 28 juillet dernier. Lors de cette rencontre, il a été convenu de mener un travail de mémoire en commun, mais aussi de regarder vers l'avenir, dans l'intérêt du Rwanda, mais aussi de l'ensemble de la région des Grands Lacs africains. Pour cela, la France considère le Rwanda comme un partenaire important avec qui nous souhaitons entretenir des relations de confiance. L'instauration d'une paix durable dans la région des Grands Lacs passe par une normalisation des relations du Rwanda avec ses voisins, et en particulier la République démocratique du Congo. La France favorise à cette fin toutes les initiatives allant en ce sens, comme l'établissement d'un mécanisme de vérification des frontières ou la réussite de la prochaine conférence internationale sur la paix et la sécurité dans les grands lacs, qui pourront rétablir la confiance et installer une logique de coopération politique et économique dans la région.

Données clés

Auteur : M. Antoine Herth

Type de question : Question écrite

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : affaires étrangères

Ministère répondant : affaires étrangères

Dates :
Question publiée le 14 juin 2005
Réponse publiée le 27 septembre 2005

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