Question écrite n° 68140 :
transport de marchandises

12e Législature

Question de : M. Michel Destot
Isère (3e circonscription) - Socialiste

M. Michel Destot appelle l'attention de M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer sur le projet de relèvement de seuil du poids total roulant autorisé (PTRA) des poids lourds de 40 à 44 tonnes. Alors que le Gouvernement s'est déclaré intéressé par l'idée de relever le seuil du PTRA des poids lourds de 40 à 44 tonnes, les conditions dans lesquelles vont s'effectuer les transferts aux départements des routes nationales incitent à la plus grande prudence des élus, à l'égard d'une mesure dont les impacts potentiels, notamment sur l'usure de la chaussée, n'ont pas été rendus publics. L'argument de la profession routière repose sur une idée séduisante : plus de tonnes sur un camion font moins de camions sur la route. Le raisonnement est en effet apparemment simple. Le « livre noir du transport routier français » édité récemment par la Fédération nationale du transport routier souligne les problèmes rencontrés par le pavillon français, en perte de vitesse, dans un contexte de compétitivité européenne accrue et d'augmentation des coûts. En relevant le seuil du PTRA des poids lourds de 40 à 44 tonnes, la France permettrait à sa flotte de renouer avec la croissance en lui permettant, notamment, de rivaliser avec ses voisins européens. Pourtant, l'avantage économique rendu par un relèvement de PTRA pour les entreprises n'est pas aussi évident. En effet, une telle augmentation se traduirait par une surconsommation de gazole de 3 à 9 % selon les types de camion. Dans un contexte d'augmentation des coûts du carburant, le gain de productivité par camion pourrait être annihilé par la charge énergétique supplémentaire, laquelle dépend aussi de la capacité de résistance des pneumatiques - pour 40 % - dont l'usure serait plus rapide. Les coûts ne diminueraient donc pas, en d'autres termes, cette solution serait loin d'avoir les effets escomptés. Par ailleurs, cette mesure condamnerait le transport combiné. Actuellement en France, seul ce secteur profite de la possibilité de circuler à 44 tonnes en pré et post-acheminement. En effet, l'article R. 312-4 (ex-R. 55) du code de la route, et l'arrêté du 9 octobre 1986 fixant les conditions de son application, autorise cette augmentation. Cette mesure permet de réduire de 10 à 15 % des coûts de pré et post-acheminement routier, soit 2 à 5 % du coût global sur l'ensemble de la chaîne de transport intermodal. Ce secteur assure 4 % du trafic total de fret et près de 10 % du trafic permet des gains énergétiques majeurs, puisqu'il est, selon l'ADEME, 5,5 fois plus efficace et qu'il émet 130 fois moins de C02 qu'un transport routier de bout en bout. Il permet également d'éviter 4 000 camions par jour (soit 0,8 Mt de C02 économisées par an). Il y a donc un réel risque de remise en cause de l'avantage comparatif du transport combiné, déjà fragile. L'impact du relèvement du seuil, alors que l'activité fret de la SNCF est en pleine restructuration, pourrait avoir des conséquences encore plus graves. En effet, le plan fret 2006 de la SNCF a entraîné la fermeture de nombreuses dessertes secondaires. Le relèvement de seuil de PTRA, dans ce contexte, risque de précipiter la déprise du fret ferroviaire - la qualité de service ayant par ailleurs beaucoup souffert depuis 2004, Ces mesures incitent au report modal vers la route puisque l'offre de fret loin de se développer, régresse et perd de son attractivité. Le risque est donc bien, indirectement de faire peser sur les collectivités, qui assumeront les charges d'entretien des routes, les coûts induits de l'augmentation du PTRA. Une étude du SETRA met en évidence que le relèvement de PTRA aurait pour certaines routes l'effet d'un doublement de trafic de poids lourds, avec pour conséquence directe une augmentation de 15 à 20 % des coûts d'entretien. Un camion circulant avec un poids de 44 tonnes peut être jusqu'à 4 fois plus agressif qu'un 38 tonnes. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, il peut même être plus agressif pour la chaussée de faire circuler un véhicule de 44 tonnes plutôt que deux de 38 tonnes. Cela sans compter que l'expérience du relèvement de la charge des véhicules pour la filière bois a généré une augmentation sensible du nombre d'accidents de la route. Dès lors, avec les élus du groupement des autorités responsables de transport (GART), il. demande au Gouvernement s'il entend modifier le code de la route dans ce sens et à quelle échéance : dans l'affirmative, il demande s'il est prévu de dédommager les collectivités, et en particulier les départements, ou de prendre en considération cette charge nouvelle dans le calcul des transferts de charge dans le cadre de la décentralisation.

Réponse publiée le 10 janvier 2006

Le trafic international est interdit aux véhicules de plus de 40 tonnes par la directive communautaire 96/53 du 25 juillet 1996. Comme le permet ce texte, neuf États de l'Union européenne ont autorisé sur leur territoire la circulation de véhicules de plus de 40 tonnes en transport national. Parmi les États frontaliers de la France, la Belgique, le Luxembourg et l'Italie autorisent cette circulation à 5 essieux et le Royaume-Uni à 6 essieux. Le code de la route fixe à 40 tonnes le poids total roulant autorisé (PTRA) des véhicules circulant sur le territoire français. Toutefois, le PTRA d'un véhicule comportant plus de quatre essieux peut dépasser cette limite de 40 tonnes dans les cas suivants : - opérations de transport combiné rail-route ou voie navigable-route (44 tonnes) ; cette possibilité est reconnue de très longue date ; - transport autour d'un port maritime, dans la limite d'un certain périmètre fixé par arrêté préfectoral, pour assurer l'acheminement vers le port ou à partir de celui-ci, de marchandises transportées par voie maritime (44 tonnes) ; - opérations de transport exceptionnel sous réserve d'une autorisation préalable de circulation délivrée par arrêté (48 tonnes). Une extension des possibilités de circuler à plus de 40 tonnes fait actuellement l'objet d'une étude approfondie prenant en compte l'ensemble des composantes de ce dossier. L'impact économique de ce type de mesure sur le report modal, en particulier sur le fret ferroviaire classique et le transport combiné, l'impact sur la sécurité routière et sur la gestion des infrastructures ainsi que l'impact sur l'environnement sont intégrés dans cette réflexion d'ensemble confiée à M. Claude Liebermann, ingénieur général des ponts-et-chaussées, dans le cadre de sa mission sur la mise en oeuvre opérationnelle des mesures de modernisation du secteur du transport routier de marchandises.

Données clés

Auteur : M. Michel Destot

Type de question : Question écrite

Rubrique : Transports routiers

Ministère interrogé : transports, équipement, tourisme et mer

Ministère répondant : transports, équipement, tourisme et mer

Dates :
Question publiée le 21 juin 2005
Réponse publiée le 10 janvier 2006

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