Soudan
Question de :
M. Philippe Vuilque
Ardennes (2e circonscription) - Socialiste
M. Philippe Vuilque appelle l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la situation au Darfour (ouest du Soudan). Alors que des massacres à grande échelle s'y poursuivent, le bras de fer diplomatique entre la France et les États-Unis d'Amérique au sein du Conseil de sécurité de l'ONU conduit à laisser le champ libre à la violence dans une région où 180 000 personnes seraient déjà mortes en un peu plus de deux ans de guerre civile. Malgré des semaines de négociations, Paris et Washington n'ont pas pu trouver de compromis pour que soient jugés les auteurs présumés d'exactions au Darfour. La France aurait donc mis en circulation, fin mars 2005, un projet de résolution sur les moyens de mettre un terme au bain de sang. Le texte de Paris prévoit la traduction devant la Cour pénale internationale (CPI) des auteurs présumés de crimes au Darfour. Farouchement opposés à cette instance, les Américains suggèrent, de leur côté, la création d'un tribunal spécial pour le Darfour, à l'image du tribunal d'Arusha (Tanzanie) chargé de juger des crimes commis au Rwanda. Washington propose comme autre option possible la mise en place d'un comité africain pour la justice et la réconciliation. La situation diplomatique semble donc bien bloquée, alors que les horreurs sur place continuent. Ne pouvant se satisfaire de cette situation, il lui demande comment la France peut appuyer une résolution de ce conflit.
Réponse publiée le 22 novembre 2005
Le retour de la paix au Soudan le plus grand pays du continent africain, au potentiel considérable et qui se situe à la charnière de l'Afrique et du monde arabe, est un enjeu essentiel. C'est une priorité pour la diplomatie française. La signature d'un accord de paix entre le gouvernement soudanais et la rébellion sudiste du mouvement populaire de libération du Soudan (MPLS), le 9 janvier 2005 à Nairobi, avait laissé espérer un retour de la paix dans ce pays ravagé par plus de vingt ans de guerre. Ce processus a été fragilisé par la disparition de John Garang, le chef du MPLS, le 30 juillet 2005, trois semaines après son retour historique à Khartoum et sa prise de fonction comme vice-président du Soudan. Mais les parties à l'accord de Nairobi, et notamment le successeur de John Garang, Salva Kür, semblent résolues à poursuivre l'application de l'accord de paix. La formation d'un gouvernement d'union nationale au Soudan, le 20 septembre, est, à cet égard, une étape encourageante. La France est déterminée à appuyer cette évolution essentielle, au plan politique, et en apportant une importante aide à la reconstruction et au développement (120 millions d'euros sur deux ans, en bilatéral et via l'Union européenne). Mais le retour de la paix dans le Sud du Soudan restera un processus inachevé et donc menacé s'il ne s'accompagne pas d'un retour de la paix dans le Darfour où la situation humanitaire demeure très dégradée. Les ruptures du cessez-le-feu, dont le nombre avaient diminué, se sont à nouveau multipliées depuis le début du mois de septembre du fait de toutes les parties. Elles touchent très gravement les populations civiles du Darfour, présentes dans leurs villages ou dans les camps. Cette absence de sécurité s'oppose au retour des populations déplacées ou réfugiées dont le nombre s'élève aujourd'hui à plus de deux millions. Cette crise peut, en outre, remettre en cause la bonne application de l'accord de paix de Nairobi. Elle est en outre un facteur de déstabilisation pour les pays voisins et notamment pour le Tchad. La France a pris très tôt la mesure de la gravité de la situation au Darfour, à un moment où la communauté internationale faisait porter tous ses efforts sur la conclusion de l'accord avec le Sud. Les nombreuses visites ministérielles françaises dans la région, depuis celle de M. de Villepin, alors ministre des affaires étrangères, dès février 2004 (au Tchad et au Soudan) jusqu'à celle du ministre des affaires étrangères, M. Douste-Blazy, les 29 et 30 juillet dernier, au Tchad et au Soudan (à Khartoum et dans le Darfour), témoignent du fort engagement français sur ce dossier. La France apporte à la résolution de la crise du Darfour un appui humanitaire important. Dès la fin 2003, notre pays a engagé des moyens pour venir en aide aux populations du Darfour. L'an passé, pendant la saison des pluies (août-septembre 2004), la France a mobilisé ses moyens militaires au Tchad pour acheminer plus de 700 tonnes de fret humanitaire de N'Djamena vers les camps de réfugiés situés près de la frontière avec le Soudan. En parallèle à l'aide aux populations du Darfour déplacées ou réfugiées, la France a tenu, depuis l'origine, à intervenir aux côtés du Tchad pour compenser ses effets négatifs, et compléter l'effort fait en direction des populations darfouriennes réfugiées au Tchad par un effort spécifique au bénéfice des populations d'accueil. À cette importante aide humanitaire vient s'ajouter notre action en faveur de la défense des droits de l'homme, qui s'est traduite par l'adoption de la résolution 1593 (le 31 mars 2005) par laquelle le conseil de sécurité a saisi la cour pénale internationale pour juger les crimes commis dans le Darfour. Une commission d'enquête internationale, mise en place par la résolution 1564, a qualifié ceux-ci de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre. Le procureur de la cour pénale a effectivement commencé ses enquêtes en juin. Au plan militaire, en plus de son effort tendant à sécuriser les camps de réfugiés au Tchad, la France a participé, dès la conclusion de l'accord de cessez-le-feu de N'Djamena, le 8 avril 2004, à la commission du cessez-le-feu mise en place par l'Union africaine. C'est aujourd'hui un officier général français qui en assure la vice-présidence, pour le compte de l'Union européenne. Avec ses partenaires européens, la France apporte également un soutien substantiel à la mission de l'Union africaine dans le Darfour (AMIS) qui, sur le terrain, a permis de contribuer à la stabilisation de la situation dans des conditions difficiles (cinq soldats d'AMIS ont été tués début octobre). Le conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine ayant décidé, le 28 avril dernier, de porter les effectifs de l'AMIS à plus de 7 000 hommes, la mobilisation européenne à son profit, déjà très importante, s'est encore accrue avec le lancementd'une opération PESD de soutien civilo-militaire à l'AMIS. Dans ce cadre, la France a notamment participé au transport vers le Darfour de policiers nigérians et d'un bataillon sénégalais, tandis que des officiers français sont déployés à tous les niveaux de l'opération. Parallèlement, nous apportons un soutien en nature à l'Union africaine dans les domaines de la planification, du commandement et de la logistique. Sur le plan financier, l'appui apporté par l'Union européenne à l'AMIS (assuré pour un quart par la France) s'élève aujourd'hui à 92 MEUR. L'Union africaine, l'Union européenne, ainsi que l'OTAN, également sollicitée par l'Union africaine, sont donc désormais engagées de concert et en pleine complémentarité dans le Darfour. Au total, l'effort global (humanitaire et militaire) de la France pour le Darfour s'élève aujourd'hui à plus de 80 millions d'euros (bilatéral et via l'Union européenne). Au-delà de ces efforts indispensables pour répondre à l'urgence, nous devons être conscients que seul un règlement politique permettra de mettre un terme à cette crise. C'est pourquoi la France apporte tout son soutien aux pourparlers menés à Abuja sous l'égide de l'organisation panafricaine et du Tchad. Après la signature d'une déclaration de principes le 5 juillet dernier, les négociations abordent les questions de fond (partage du pouvoir et des richesses). Un accord politique global reste aujourd'hui une condition nécessaire pour résoudre sur le fond le conflit du Darfour.
Auteur : M. Philippe Vuilque
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : affaires étrangères
Ministère répondant : affaires étrangères
Dates :
Question publiée le 21 juin 2005
Réponse publiée le 22 novembre 2005