éthers de glycol
Question de :
M. Jacques Desallangre
Aisne (4e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains
M. Jacques Desallangre souhaite attirer l'attention de M. le ministre de la santé et des solidarités sur les dangers que peut représenter l'éther de glycol sur la santé de nos citoyens. Nous connaissons aujourd'hui les effets néfastes qu'il entraîne sur les femmes enceintes et celles qui allaitent mais aussi sur la santé des citoyens en général, vu le haut taux de toxicité de ces produits chimiques. En effet, les risques de toxicité de ces solvants sont aujourd'hui mis en avant et l'usage de l'éther de glycol considéré comme le plus toxique a été réduit ou interdit dans la fabrication de certains produits, notamment cosmétiques. Or ils ne sont toujours pas interdits en milieu professionnel. Des études récentes ont pourtant démontré la nocivité de ces éthers de glycol et leurs effets sur la santé des personnes qui y sont exposées (handicap chez les enfants, cancers, malformations, etc.). Dès 1982, une alerte avait été lancée concernant les éthers de glycol et les risques de malformation des enfants des mères qui y sont exposées. Combien de personnes ont été en contact à ces types de substances sans en connaître réellement les dangers ? En conséquence, il lui demande de faire en sorte que des études plus poussées sur le sujet soient faites et d'en interdire son utilisation en milieu de travail ou d'exiger de l'employeur de fournir l'équipement approprié aux travailleurs concernés pour que la possibilité d'intoxication par les éthers de glycol soit inexistante. De plus, il demande à ce que les individus qui ont été mis en contact dans le cadre de leur travail avec les éthers de glycol et qui ont subi des inconvénients majeurs liés à leur santé ou celle de leurs enfants soient indemnisés de leur préjudice par l'entreprise ou en cas de défaillance par la solidarité nationale. - Question transmise à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.
Réponse publiée le 13 juin 2006
L'attention du Gouvernement a été appelée sur les dangers relatifs aux éthers de glycol en milieu professionnel. Le Gouvernement est également interrogé sur ses intentions en ce qui concerne l'interdiction de leur utilisation et l'indemnisation de travailleurs exposés à ces substances. Les éthers de glycol appartiennent à une famille de solvants dont une trentaine environ ont donné lieu à une exploitation industrielle dans différents secteurs (peintures, encres, vernis, colles, produits cosmétiques, carburants aéronautiques, produits d'entretien et produits phytosanitaires). En l'état actuel des connaissances scientifiques, neuf d'entre eux présentent une toxicité pour la reproduction avérée chez l'animal et ont été classés, à l'échelon européen, dans la catégorie des substances toxiques pour la reproduction de catégorie 2. Actuellement aucun d'entre eux n'est classé au niveau communautaire dans les catégories des substances cancérogènes et mutagènes. En vertu de la réglementation communautaire, le classement en catégorie 2 entraîne automatiquement dans tous les États membres de l'Union européenne, une interdiction d'incorporation dans les produits à destination du grand public. Elle ne conduit pas en revanche à une interdiction d'utilisation en milieu du travail. En effet, conformément au droit communautaire, la stratégie de protection des travailleurs est fondée - en premier lieu - sur l'obligation de substitution dont le principe figure dans la directive cadre 89-391 du 12 janvier 1989 et est rappelé dans les directives concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l'exposition à des agents chimiques dangereux (98-24 du 7 avril 1998) ou à des agents cancérogènes ou mutagènes (2004-37 du 29 avril 2004). Ce principe de substitution fait obligation aux industriels utilisateurs de substances chimiques dangereuses de les remplacer, dès que cela est techniquement possible, par des substances ou des procédés non dangereux ou moins dangereux. Dans les cas où la substitution s'avère techniquement impossible, la production et l'utilisation doivent se faire en système clos et, si celui-ci est impossible à mettre en oeuvre, le niveau d'exposition doit être réduit aussi bas qu'il est techniquement possible par des mesures de protection collectives et individuelles adaptées à la situation. En France, le cadre juridique assurant la mise en oeuvre de ces mesures est complet. Il a été modernisé et renforcé par le décret du 1er février 2001 relatif à la protection des travailleurs contre les risques liés à l'exposition à des agents cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR) de catégories 1 et 2. Il faut souligner que ce décret va au-delà des dispositions de la directive européenne, puisqu'il s'applique non seulement aux agents cancérogènes et mutagènes, mais aussi aux agents toxiques pour la reproduction. De plus, la réglementation française prévoit des mesures de protection spécifique des femmes enceintes et allaitantes. Afin de s'assurer de la mise en oeuvre de cette réglementation, une campagne de contrôle a été menée en 2001, dans le cadre des actions prioritaires de l'inspection du travail. Une nouvelle campagne de contrôle portant sur plusieurs agents CMR est programmée en 2006. En termes de sensibilisation, plusieurs documents d'information ont été diffusés, avec l'appui de la CNAMTS et de l'INRS. Par ailleurs, des journées d'échanges avec les scientifiques ou à destination des professionnels ont été organisées. Les initiatives des pouvoirs publics et les efforts des industriels en matière de substitution ont eu un impact important sur l'utilisation des éthers de glycol : les éthers de glycol classés comme toxiques pour la reproduction de catégorie 2 ne représentaient plus, en 2002, que 3 à 4 % des quantités utilisées en 1993. Ces résultats encourageants ne désactivent en rien la vigilance des autorités publiques : afin de préciser les risques sanitaires que présentent les éthers de glycol, plusieurs études ont été engagées à la demande des ministères concernés. Il s'agit notamment d'études de classification et d'évaluation de risques de certains éthers de glycol par l'INRS, et de plusieurs études de l'INSERM ayant pour objet d'évaluer les effets potentiels sur la reproduction. D'autre part, l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET) réalise une synthèse des données toxicologiques et d'exposition concernant les éthers de glycol dont les résultats sont attendus en 2006. S'agissant de la réparation des éventuels effets sur la santé des travailleurs exposés, dans le cadre de leur travail, à des éthers de glycol dangereux, il y a lieu de préciser que des maladies consécutives à l'utilisation des éthers de glycol peuvent être indemnisées dans le cadre du tableau n° 84 des maladies professionnelles relatif aux affections engendrées par les solvants organiques liquides. Il s'agit du syndrome ébrieux ou narcotique pouvant aller jusqu'au coma, des dermites irritatives et des lésions eczématiformes. En revanche, en l'état actuel, le tableau n° 84 ne couvre pas d'éventuels effets toxiques pour la reproduction. A priori, le système complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles permet la reconnaissance de toute maladie - y compris donc un éventuel effet reprotoxique - ayant un lien direct et essentiel avec une exposition professionnelle. Toutefois, la condition d'une incapacité physique permanente d'au moins 25 % semble difficile à remplir dans un tel cas (pas de perte de capacité de travail, composante essentielle de l'incapacité physique permanente). Il faut savoir, par ailleurs, qu'en cas de reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur, prévue par l'article L. 452-1 du code de la Sécurité sociale, le préjudice sexuel peut faire l'objet d'une indemnisation, ce qui peut couvrir certains effets toxiques pour la reproduction des éthers de glycol. En revanche, concernant l'indemnisation des préjudices de santé subis par la descendance, celle-ci ne relève pas de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles de la sécurité sociale, qui s'applique uniquement au salarié victime (art. L. 411-1 du code de la sécurité sociale). Aucune prise en charge d'une maladie développée par l'enfant n'étant possible au titre de ce régime, c'est au moyen d'une procédure en responsabilité civile contre l'employeur qu'une indemnisation pourrait être recherchée dans cette hypothèse.
Auteur : M. Jacques Desallangre
Type de question : Question écrite
Rubrique : Produits dangereux
Ministère interrogé : santé et solidarités
Ministère répondant : emploi, travail et insertion professionnelle des jeunes
Dates :
Question publiée le 5 juillet 2005
Réponse publiée le 13 juin 2006