Maroc
Question de :
M. François Grosdidier
Moselle (1re circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. François Grosdidier appelle l'attention de Mme la ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie sur l'importance de la production de cannabis dans la région marocaine du Rif. Les actions des polices marocaine, espagnole et française resteront d'une efficacité limitée si ce phénomène n'est pas combattu à la source. Il n'est pas évident d'y substituer d'autres cultures dans cette région à la terre peu fertile. Il souhaite savoir quelle action de coopération le gouvernement français et éventuellement l'Union européenne envisagent de développer pour aider la population du Rif à l'abandon de cette culture si préjudiciable à notre population, et particulièrement à notre jeunesse.
Réponse publiée le 20 décembre 2005
En matière de lutte contre le phénomène des drogues, la France préconise une approche équilibrée associant des mesures visant à réduire l'offre (1) (la répression des trafics) et la demande (2) (prévention). Cette approche doit être complétée par des actions de coopération économique au bénéfice des pays de production afin de permettre aux populations locales de renoncer progressivement aux cultures illicites (3). 1. S'agissant des mesures de lutte contre le trafic de cannabis originaire du Maroc (90 % des produits mis sur le marché européen en sont issus), la France, en liaison avec d'autres États de l'Union européenne, mène une action déterminée qui a permis en 2004 de saisir environ 30 % des quantités de cannabis produites au Maroc (soit plus de 1 000 tonnes de résine de cannabis). Celle-ci a contribué à réduire la disponibilité du cannabis et de ses dérivés sur le marché français et européen. Des progrès doivent encore être faits en matière de coopération opérationnelle en Europe comme au Maroc afin de s'opposer avec plus d'efficacité au trafic. 2. Pour ce qui est de la politique de prévention, une campagne nationale de communication destinée à sensibiliser l'opinion publique, et en particulier les jeunes, à la nocivité du cannabis a été lancée dans notre pays en 2004. L'Union européenne a relayé les préoccupations françaises au travers de son plan d'action 2005-2008. 3. L'abandon des cultures par les populations du Rif apparaît être un objectif qui ne pourra être atteint qu'aux termes d'importants efforts. En effet, la culture du cannabis est fortement ancrée dans les coutumes des habitants de cette région qui s'adonnent à cette activité depuis le milieu du xxie siècle. On estime que 800 000 personnes, soit les deux-tiers de la population rurale du Rif, dépendent aujourd'hui de la culture du cannabis. L'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) estime que non seulement le cannabis a contribué à fixer une partie des ruraux dans la région (la densité de la population atteint 130 habitants au kilomètre carré, la plus forte du pays), mais qu'il est également à l'origine d'un mouvement de retour des populations qui avaient émigré à Tanger ou à Tétouan. Face à cette situation particulièrement complexe, la France estime que la réponse devant être apportée à la problématique des cultures de cannabis dans le Rif doit reposer sur une politique de développement économique bénéficiant à l'ensemble de la région du nord du Maroc. Dans cette perspective, notre pays entend poursuivre à l'avenir les efforts engagés dans les provinces du nord du royaume. L'Agence française de développement (AFD), qui consacre déjà près de 40 % de ses concours destinés au Royaume chérifien à cette zone, concentre ses interventions sur trois axes : l'eau sous ses trois « composantes » : irrigation, avec des appuis aux petits périmètres irrigués ; eau potable à travers l'approvisionnement des populations dans les zones rurales et les centres secondaires ; assainissement pour la collecte et l'épuration des effluents urbains. Les infrastructures socio-économiques à travers notamment le soutien aux programmes nationaux mis en oeuvre par le gouvernement marocain (programme national de construction des routes rurales, programme de résorption de l'habitat insalubre, programme d'appui à la régionalisation, déconcentration et renforcement des soins de santé de base). A ces actions, s'ajoutent trois lignes de crédit accordées pour le financement de projets en milieu rural. L'ancrage de l'économie marocaine à l'Europe à travers les financements AFD en faveur de l'interconnexion électrique euro-méditerranéenne et le développement du plus important parc éolien du continent africain, situé à proximité de Tétouan. Au niveau européen, l'idée française de l'adaptation du successeur du programme MEDA aux méthodes de la politique régionale de l'Union européenne a fait l'objet d'une proposition franco-espagnole diffusée à tous nos partenaires européens et méditerranéens. La France et l'Espagne ont organisé en février 2005 à Madrid, un séminaire qui a réuni une soixantaine d'experts d'une vingtaine d'États membres et de la Commission. A cette occasion, celle-ci a suggéré la mise en place de jumelages institutionnels dès cette année, pour une planification régionale des besoins de certaines régions pilotes, qui permettraient de préparer la voie à une véritable politique de développement régional (infra-étatique) pour quelques régions pilotes à partir de 2007. Nous avons proposé avec l'Espagne, de commencer avec le Maroc, qui a marqué son intérêt, et dont la région Nord semble réunir les caractéristiques nécessaires à la réussite du projet. Cette initiative figure dans les conclusions de la récente conférence ministérielle EuroMed de Luxembourg. Cette approche à la fois réaliste, globale et équilibrée de la problématique posée par le cannabis marocain semble porter ses fruits puisque, selon les derniers résultats communiqués par l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), les surfaces cultivées de cannabis dans le Rif en 2004 se sont réduites de 10 % par rapport à l'année précédente, passant de 134 000 hectares à 120 500 hectares.
Auteur : M. François Grosdidier
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : coopération, développement et francophonie
Ministère répondant : coopération, développement et francophonie
Dates :
Question publiée le 16 août 2005
Réponse publiée le 20 décembre 2005