Question écrite n° 72619 :
Éthiopie

12e Législature

Question de : Mme Chantal Robin-Rodrigo
Hautes-Pyrénées (2e circonscription) - Socialiste

En Éthiopie, la coalition sortante, au pouvoir depuis 1991, a obtenu la majorité absolue des sièges au Parlement lors des élections législatives du 15 mai 2005. Le Premier ministre, M. Meles Zenawi, arrivé au pouvoir par la force en 1991, devrait donc conserver le poste qu'il occupe depuis quatorze ans. Depuis la tenue du scrutin très disputé, la commission électorale nationale a annoncé, le 9 août 2005, que le Front populaire révolutionnaire démocratique éthiopien (EPRDF) de M. Zenawi a remporté 296 sièges et l'opposition, 174. Ces résultats portent sur 492 des 524 sièges en jeu lors des élections du 15 mai 2005, a précisé la commission. L'opposition éthiopienne, qui considère que le scrutin est entaché d'irrégularités, a immédiatement annoncé qu'elle rejetait les résultats officiels. Elle avait déjà accusé fin mai début juin 2005 la commission électorale d'avoir publié des premiers résultats qui donnaient, à tort selon elle, la victoire à l'EPRDF. S'étaient ensuivies des violences post-électorales qui avaient fait au moins trente-sept morts à Addis-Abeba, début juin dernier. Ce nouveau rebondissement fait donc craindre une nouvelle flambée de violence en Éthiopie, pays situé dans une région particulièrement instable du continent africain. Compte tenu de ces éléments, Mme Chantal Robin-Rodrigo demande à M. le ministre des affaires étrangères de lui indiquer sa position et ses intentions au sujet de ce dossier.

Réponse publiée le 14 mars 2006

La situation politique toujours très tendue en Éthiopie est un motif de réelle préoccupation pour notre pays. Les élections du 15 mai dernier, marquées par une forte progression de l'opposition, avaient dans un premier temps fait naître l'espoir d'un renforcement de la démocratie dans ce pays, sorti d'une terrible dictature il y a moins de quinze ans. Le gouvernement éthiopien avait en effet permis à l'opposition de faire campagne librement. Il avait invité des observateurs internationaux, en particulier de l'Union européenne, à se déployer pour suivre le processus électoral. Lors du scrutin du 15 mai, la population éthiopienne a voté massivement, dans le calme et la dignité. Il faut lui en rendre hommage. Cependant, les graves irrégularités commises lors du décompte des voix et rapportées par les observateurs de l'Union européenne ont entraîné une contestation de l'opposition, qui a mené à des troubles sanglants entre forces de l'ordre et manifestants le 9 juin 2005 à Addis-Abeba. Un dialogue entre le gouvernement et l'opposition, facilité notamment par l'Union européenne et auquel la France a été étroitement associée, a alors permis la conclusion d'un accord mettant en place un processus d'examen des plaintes sur le processus électoral. Lors d'un entretien avec le ministre des affaires étrangères éthiopien, M. Seyoum Mesfin, le 14 juin 2005, M. Douste-Blazy a soutenu ces efforts de dialogue et appelé fermement le gouvernement éthiopien à la plus grande retenue. L'impartialité du processus d'examen des plaintes a toutefois été remise en cause par l'opposition qui a refusé de reconnaître les résultats définitifs donnant la victoire à la coalition au pouvoir du Front démocratique et révolutionnaire du peuple Éthiopien (EPRDF). Avec ses partenaires internationaux, la France a oeuvré pour favoriser la reprise du dialogue entre le gouvernement et l'opposition. Alors que le Front éthiopien des forces démocratiques unies (UEDF), la plus petite coalition d'opposition, décidait de siéger au Parlement, la coalition pour l'unité et la démocratie (CUD), la plus importante formation d'opposition, campait sur sa position de refus. Les manifestations de rue à Addis-Abeba, organisées début novembre par la CUD pour contester le résultat des élections, ont été durement réprimées par la police éthiopienne faisant au moins 82 morts et 15 000 arrestations. Face à ces troubles, qui ont profondément terni la réputation de l'Éthiopie sur la scène internationale, la France, en liaison avec ses partenaires de l'Union européenne, n'est pas restée inactive. Dès le 6 novembre, les chefs de mission de l'Union européenne et des États-Unis en Éthiopie ont adopté une déclaration commune condamnant les violences survenues dans le pays et exigeant du gouvernement éthiopien différents engagements : appel au calme, libération des détenus politiques, respect des droits des prisonniers, enquête indépendante sur les violences, révision des règles de fonctionnement du Parlement. En signe de réprobation, plusieurs donateurs ont décidé de geler leur aide budgétaire à destination de l'Éthiopie et d'allouer les fonds disponibles à d'autres projets bénéficiant directement à la population éthiopienne. Ne fournissant aucune aide de nature budgétaire à destination de l'Éthiopie, la France n'a pas eu à prendre une telle décision. Aujourd'hui, la France, qui préside depuis début janvier 2006 le groupe des pays donateurs à Addis-Abeba, s'efforce de favoriser le dialogue entre le gouvernement et l'opposition. Ce dialogue a d'ores et déjà conduit la majorité des députés de la CUD à occuper leurs sièges au Parlement. La plupart des prisonniers ont été libérés mais plus d'une centaine de personnes - des opposants, des journalistes et des membres de la société civile - est toujours emprisonnée et en cours de jugement à Addis-Abeba. La France demande au gouvernement éthiopien que leur procès, auquel assistent des représentants de l'ambassade de France, se déroule dans les meilleurs délais et de façon impartiale. L'Union européenne doit, en outre, prochainement nommer un observateur chargé de veiller au bon respect de la procédure. Les autorités françaises appellent, par ailleurs, la commission chargée d'enquêter sur les violences post-électorales à accomplir son travail de façon objective et impartiale. La France continuera, en partenariat avec les autres pays donateurs, à veiller avec attention à l'évolution de la situation politique en Éthiopie.

Données clés

Auteur : Mme Chantal Robin-Rodrigo

Type de question : Question écrite

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : affaires étrangères

Ministère répondant : affaires étrangères

Dates :
Question publiée le 6 septembre 2005
Réponse publiée le 14 mars 2006

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