Question écrite n° 73271 :
collectivité départementale : Mayotte

12e Législature

Question de : M. Mansour Kamardine
Mayotte (1re circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

La loi du 21 juillet 2003 a autorisé le gouvernement à légiférer par ordonnance en faveur de la collectivité départementale de Mayotte et notamment dans le domaine de l'organisation judiciaire. A cinq mois de la fin de l'habilitation, M. Mansour Kamardine demande au M. le garde des sceaux, ministre de la justice, de lui préciser la suite qu'il entend réserver à cette habilitation. Il lui rappelle que Mayotte a pendant très longtemps vécu sur le provisoire en raison de la revendication territoriale dont elle était l'objet. Depuis mars 2003, elle est inscrite dans la constitution à l'instar des autres collectivités ultramarines de la République française. Elle est donc désormais en droit d'attendre que les réformes nécessaires à son développement qui lui ont manqué jusqu'ici interviennent enfin. S'agissant de la justice, cette réforme structurelle doit nécessairement mais impérativement étendre les juridictions de droit commun à savoir l'institution d'un tribunal de grande instance, d'un tribunal d'instance, d'une cour d'appel et d'une cour d'assise. En effet, il est désormais particulièrement choquant que les délits les plus graves soient jugés à juge unique, que la cour criminelle, juridiction d'assises, soit composé d'assesseurs choisis par le garde des sceaux, sur proposition du président du tribunal supérieur d'appel et après avis du procureur de la République. Une telle composition n'est pas conforme au principe d'un procès équitable compte tenu de la position et du rôle joué par le garde des sceaux et par ricochet par le procureur de la République dans un procès pénal. C'est en considération de l'ensemble qu'il lui demande de lui confirmer s'il entend bien utiliser l'habilitation qui lui est faite pour réformer l'organisation judiciaire de Mayotte afin d'instituer à Mayotte, comme c'est le cas ailleurs, une organisation judicaire de droit commun, dans la mesure où rien ne s'oppose désormais techniquement, compte tenu du niveau général d' évolution intellectuelle de l'île, à ce que l'on ait dans toutes les communes des assesseurs ayant une maîtrise suffisante du français.

Réponse publiée le 6 décembre 2005

Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que l'organisation judiciaire des collectivités ultramarines tient compte de leurs intérêts propres dans l'ensemble des intérêts de la République et des particularités géographiques, démographiques et économiques de ces territoires. Ces spécificités ont conduit le législateur à retenir une organisation des juridictions différente de celle de la métropole. La structure judiciaire actuelle de ces collectivités repose sur les tribunaux de première instance et les tribunaux supérieurs d'appel à l'exception de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie, qui sont dotées d'une cour d'appel. Le garde des sceaux précise que, en conséquence, il n'apparaît pas opportun de modifier la cohérence de l'organisation judiciaire de ces collectivités en étendant à Mayotte les juridictions de droit commun : tribunal d'instance, tribunal de grande instance et cour d'appel. Il ajoute qu'un décret dissociant les fonctions du ministère public près le tribunal supérieur d'appel des fonctions exercées près du tribunal de première instance est en voie de finalisation et que deux parquets distincts seront ainsi créés près les juridictions de Mamoudzou. Enfin, s'agissant de la cour criminelle, le garde des sceaux a l'honneur d'indiquer à l'honorable parlementaire que le paragraphe f du 7° du I de l'article 62 de la loi de programme pour l'outre-mer n° 2003-660 du 21 juillet 2003 autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires, en tant qu'elles concernent les compétences de l'État, à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable à Mayotte dans le domaine de « l'organisation judiciaire et du statut des cadis ». Il n'apparaît pas que cette habilitation permette la modification des articles 885 à 888 du code de procédure pénale relatifs à la composition de la cour criminelle, aux modalités de désignation des quatre ou six assesseurs qui la composent, aux conditions de remplacement du magistrat qui la préside, à la procédure suivie devant cette juridiction et aux règles de majorité dans lesquelles celle-ci prend ses décisions. La modification de ces articles, qui traitent directement de règles de procédure pénale, excéderait en effet les limites de la délégation législative, qui ne mentionne que l'organisation judiciaire et non la procédure pénale. Au demeurant, lors des débats parlementaires concernant la loi du 21 juillet 2003, seule a été évoquée la modernisation de la justice cadiale à Mayotte, conformément au cadre fixé par l'accord sur l'avenir de Mayotte signé le 27 janvier 2000 et massivement approuvé par les électeurs de cette collectivité. Par ailleurs, l'extension à Mayotte des règles de la procédure criminelle applicables en métropole exigerait la présence - pour le jugement en premier ressort puis pour le jugement en appel - de six magistrats du siège n'ayant jamais connu de l'affaire au cours de l'instruction, en raison des règles d'incompatibilité existantes, ce qui ne paraît pas justifié compte tenu du volume limité du contentieux relevant de la juridiction criminelle. Le garde des sceaux n'est toutefois pas opposé à ce que la réflexion se poursuive, en liaison avec les autorités politiques et judiciaires locales, pour que, à l'occasion d'une prochaine réforme législative, la procédure de jugement des crimes à Mayotte, tout en tenant compte des spécificités de cette collectivité départementale, se rapproche de celle applicable en métropole.

Données clés

Auteur : M. Mansour Kamardine

Type de question : Question écrite

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Dates :
Question publiée le 13 septembre 2005
Réponse publiée le 6 décembre 2005

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