lutte contre l'exclusion
Question de :
M. Maxime Gremetz
Somme (1re circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains
M. Maxime Gremetz interroge M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, sur le fait qu'à ce jour on peut constater que les résultats de la loi sur la sécurité intérieure à l'encontre des activités de racolage apparaissent plus que mitigés. En effet, il s'avère que la prostitution s'est simplement déplacée des zones « traditionnelles » vers des secteurs en périphérie de la capitale et des grandes métropoles urbaines. Ainsi dans l'agglomération amiénoise, la traite des femmes par la marchandisation de leur corps s'est désormais installée sur le bord d'une route départementale, soumettant les prostituées à encore plus de brutalités et d'insultes, et perturbant gravement la sérénité du voisinage. Il paraît donc évident que les « dispositions relatives à la tranquillité et à la sécurité publique » sont inefficaces, ne visant en fait qu'à garantir une apparente sérénité de Paris et des centres des grandes villes. Les filières de prostitution se sont donc très facilement adaptées à cette loi. En fait, la répression à l'égard des personnes prostituées se révèlera toujours inefficace et ne réglera en rien la question de la tranquillité publique. C'est donc en direction de ceux qui profitent réellement de la prostitution que l'État doit concentrer ses efforts : les trafiquants, les proxénètes. Il existe déjà de nombreuses dispositions législatives permettant de lutter contre le proxénétisme. Mais par manque de réelle volonté politique, les lacunes dans la mise en oeuvre de ce dispositif n'ont pas permis de résultats tangibles : absence de moyens humains et financiers, absence de volonté de faire le lien avec les réseaux de blanchiment d'argent, manque d'une véritable coopération européenne et internationale. Il faut donc compléter le dispositif existant dans ce sens. Le parlementaire, tout en souhaitant pouvoir disposer d'un bilan précis de l'application de la loi du 18 mars 2003, depuis son entrée en vigueur, aimerait connaître les mesures qu'entend prendre le Gouvernement afin de remédier aux lacunes de la loi permettant de lutter contre le proxénétisme, tout en ne mettant pas en danger la vie des victimes de la prostitution et leurs familles.
Réponse publiée le 7 février 2006
La loi sur la sécurité intérieure (LSI) du 18 mars 2003, en même temps qu'elle renforçait les moyens de lutte contre les formes graves de proxénétisme, a érigé en délit le racolage (défini et réprimé par l'article 225-10-1 du code pénal) car il était devenu nécessaire de limiter les troubles à la tranquillité et à l'ordre publics générés par certaines formes de prostitution. En termes quantitatifs, ces infractions de racolage sont en hausse : 4 525 ont ainsi été constatées la première année suivant l'adoption de la LSI (avril 2003 mars 2004) contre 5 427 pour la période avril 2004 mars 2005. Simultanément, la lutte contre les réseaux internationaux de traite des êtres humains s'est intensifiée au cours de l'année 2004 (47 de ces réseaux ont été démantelés contre 39 en 2003), avec une plus grande attention portée aux réseaux de « proximité » et aux individus gravitant autour des prostitués. S'il est vrai que des stratégies d'évitement ou de contournement de la législation ont été mises en place par les réseaux de prostitution, les services chargés de l'application de la loi adaptent également leurs dispositifs. Ainsi, la création de cellules spécialisées est envisagée au sein des sûretés départementales (services relevant des directions départementales de sécurité publique) là où le phénomène se manifeste avec le plus de vigueur. Les missions qui leur seraient dévolues concerneraient l'évaluation de l'importance du phénomène prostitutionnel (troubles à l'ordre public, entraves à la circulation, par exemple) et la fourniture de renseignements, préalable à toute opération concertée. L'ensemble des services de police et unités de gendarmerie mène des opérations ciblées dont la coordination relève de l'Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH). Cet office apporte, en tant que de besoin, son expérience et son expertise et assure une mission opérationnelle plus particulièrement dirigée contre les réseaux les plus organisés. Il a mis en place un « bureau de liaison » qui se réunit périodiquement afin d'assurer au mieux le pilotage des actions nationales de lutte contre les réseaux de proxénétisme. Les opérations police/gendarmerie qui se sont déroulées sur l'ensemble du territoire en mars 2005 ont permis d'interpeller 122 personnes suspectées de participer à l'exploitation de la prostitution dont 41 ont été écrouées. Celles visant les « petites mains » du proxénétisme ont eu lieu tout au long du mois de juin. Elles ont permis notamment de démanteler un clan mafieux albanais (qui agissait entre la France et la Belgique) et un réseau bulgare ainsi que de prononcer 137 mesures de garde à vue qui ont donné lieu à l'incarcération de 44 personnes et à la prise de seize arrêtés de reconduite à la frontière. De plus, 85 000 euros ont été saisis ainsi que 17 kilos de cannabis, diverses armes et munitions, des faux documents administratifs, des cartes de crédits volées, un véhicule et une moto. Toutefois, le plan de lutte contre la traite et l'exploitation sexuelle des êtres humains mis en place par les pouvoirs publics ne s'appuie pas essentiellement sur des mesures répressives. Il se situe, en cela, dans la ligne fixée par la convention sur « la lutte contre la traite des êtres humains sous toutes ses formes » adoptée le 3 mai 2005 par le comité des ministres du Conseil de l'Europe. Des actions d'information et de prévention sont réalisées en direction des associations spécialisées dans l'accueil des femmes en situation de vulnérabilité, des publics scolaires et éducatifs, des travailleurs sociaux en relation avec les populations immigrées. Ainsi, l'OCRTEH est en relation constante avec les associations qui s'occupent de la prise en charge des prostituées. En effet, l'effort de lutte engagé contre les organisateurs de réseaux de prostitution s'accompagne naturellement d'une attention particulière portée aux prostituées, souvent victimes de ces réseaux. De plus, cet office est engagé au niveau européen dans deux actions : la première, en partenariat avec l'Office des migrations internationales, tend à la mise en place d'une session de formation et d'un réseau de correspondants destinés aux représentants des forces de l'ordre, des ONG et des organisations internationales impliqués dans la lutte contre la traite des êtres humains dans les Ëtats membres de l'Union européenne, les pays candidats à l'entrée dans l'Union européenne et les Ëtats situés aux frontières de l'Union européenne ; la seconde, en partenariat avec l'association française « Association Lieu d'écoute Carrefour éducatif social » (ALC), a pour mission l'accueil sécurisé des victimes. Des mesures d'accompagnement des prostituées viennent également compléter le dispositif répressif, à l'image de l'article 76 de la LSI qui instaure la possibilité de délivrer une autorisation provisoire de séjour à un étranger qui soit dépose plainte à l'encontre d'une personne pour avoir été victime d'une infraction de traite des êtres humains ou de proxénétisme, soit témoigne dans une procédure pour ces mêmes faits. C'est dans cet esprit que l'article 52 de la loi pour la sécurité intérieure n° 2003-239 du 18 mars 2003 dispose « qu'à compter de 2004, le gouvernement déposera chaque année sur le bureau de l'Assemblée nationale et sur celui du Sénat, à l'ouverture de la session ordinaire, un rapport faisant état de l'évolution de la situation démographique, sanitaire et sociale des personnes prostituées ainsi que des moyens dont disposent les associations et les organismes qui leur viennent en aide ». Ce document, dont la rédaction est coordonnée par le ministère de la santé et des solidarités, est en cours de validation. La contribution du ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire porte sur le points suivants : « état des lieux de la situation démographique des personnes victimes de prostitution » et « protection des victimes par la répression du proxénétisme et du démantèlement des réseaux ».
Auteur : M. Maxime Gremetz
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique sociale
Ministère interrogé : intérieur et aménagement du territoire
Ministère répondant : intérieur et aménagement du territoire
Dates :
Question publiée le 11 octobre 2005
Réponse publiée le 7 février 2006