Question écrite n° 75553 :
tabacs manufacturés

12e Législature

Question de : M. Yvan Lachaud
Gard (1re circonscription) - Union pour la Démocratie Française

M. Yvan Lachaud appelle l'attention de M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État sur les conséquences économiques, sociales et morales de la banalisation du marché parallèle du tabac. Depuis les dernières et lourdes augmentations des taxes sur le tabac en France, son marché parallèle a connu un développement des plus alarmants. Les seuls bénéficiaires de ce commerce illicite sont ses innombrables acteurs et les pays voisins à la fiscalité moins forte sur le tabac. Ce phénomène d'économie souterraine est, par contre, très préjudiciable à l'intérêt général de notre pays. Ses premières victimes sont d'abord les buralistes, à commencer par ceux des départements frontaliers et assimilés (Aude, Landes, Pas-de-Calais et Vosges), mais également au-delà, puisque le département du Gard est, lui aussi, affecté par cette augmentation. Le marché parallèle porte également atteinte aux ressources fiscales de l'État et à sa crédibilité. Il mine l'efficacité de la politique de santé publique justifiant la hausse des taxes sur le tabac par son effet dissuasif, en particulier chez les jeunes. Ces derniers, quand ils sont impliqués dans le marché parallèle, y reçoivent une initiation à la fraude, particulièrement pernicieuse pour la morale publique. La situation est unanimement jugée désastreuse, mais les solutions paraissent très difficiles à mettre en oeuvre. La crainte d'une sanction par la Cour de justice européenne semble paralyser toute initiative interne, comme une modification de l'article 575 G du code général des impôts. Cet article dispose en effet que les tabacs manufacturés ne peuvent circuler après leur vente au détail sans document d'accompagnement au-delà du seuil limitatif de 2 kilogrammes. Les seuils fixés par la directive européenne 92/12/CE du 25 février 1992 relative aux produits soumis à accises sont seulement indicatifs. La France, à défaut d'intervenir sur ses règlements nationaux, a plaidé l'an dernier auprès du Conseil européen pour l'instauration d'un plafond limitatif européen au-delà duquel la notion de consommation personnelle ne pourrait être invoquée. Le ministre des finances est intervenu en ce sens, le 26 août 2004, auprès du président de la Commission européenne, relayé, début 2005, par son successeur. Il lui demande, au vu des résultats de cette démarche, si le Gouvernement entend prendre des initiatives pour enrayer concrètement un phénomène préjudiciable à notre pays sous de très nombreux aspects.

Réponse publiée le 15 novembre 2005

Le développement des achats transfrontaliers est le résultat des disparités de prix au sein de l'Union européenne. Un paquet de Marlboro, par exemple, coûte deux fois moins cher en Espagne qu'en France (2,75 euros contre 5 euros). Au Luxembourg, ce même paquet vaut 3,10 euros. Il faut cependant observer que les écarts de prix au sein de l'Union européenne sont dus autant aux politiques tarifaires des fabricants qu'aux taux de fiscalité. A titre d'illustration, les droits d'accises en France représentent 64 % du prix de vente au détail des tabacs et 63 % au Royaume-Uni, mais le même paquet de Marlboro coûte 5 euros en France contre 6,97 euros au Royaume-Uni. Les ventes transfrontalières sont légales dès lors que les tabacs sont acquis par les particuliers pour leurs besoins propres et transportés par eux-mêmes. Si ces conditions sont réunies, les particuliers peuvent acheter du tabac manufacturé dans l'Union européenne et le transporter ensuite sans document d'accompagnement. Il appartient aux agents des douanes de prouver, lors de leur contrôle, la nature commerciale de la détention. Pour établir la détention à des fins supposées marchandes de tabacs manufacturés, la réglementation communautaire a défini une liste de critères à caractère strictement indicatif parmi lesquels figure la quantité de produit détenu (800 cigarettes, 400 cigarillos, 200 cigares ou 1 kilogramme de tabac à fumer). Cependant, le seul fait pour un particulier, de détenir des quantités supérieures à celles précédemment citées ne suffit pas à déterminer une détention à des fins non personnelles. Dans ces conditions, il est très difficile pour les services de contrôle de prouver la nature commerciale de la détention. Toute politique encadrant la circulation des produits soumis à accises serait contraire au droit communautaire et la Commission européenne se montre vigilante sur le respect de la liberté de circulation. Les débitants de tabac souhaitent cependant voir adopter une mesure limitant la quantité de tabac pouvant être achetée par les particuliers à l'étranger. Mais la France ne peut pas unilatéralement limiter les achats transfrontaliers. Le Gouvernement français s'emploie donc au niveau du Conseil et du Parlement européen à faire évoluer les mentalités sur ce sujet, en soulignant, notamment, la contradiction entre la signature de la convention-cadre de l'Organisation mondiale de la santé sur la lutte contre le tabagisme et la libre circulation des produits du tabac entre Etats membres, pour les particuliers. Les considérations de santé publique commencent à se diffuser au sein de l'Union européenne avec l'instauration d'un prix seuil en Irlande, en Belgique et en Italie. Par ailleurs, le ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat a fixé à la douane des objectifs ambitieux concernant la lutte contre la fraude relative au tabac. En ce qui concerne la contrebande de cigarettes, le nombre d'infractions relevées par la douane devrait atteindre à la fin de l'année le seuil de 10 000. A la fin du mois d'août 2005, 6 322 constatations ont été réalisées. Elles ont conduit à l'interception de 150,7 tonnes de cigarettes, soit une augmentation de plus de 15 % des quantités saisies par rapport à la même période de l'année 2004. Au-delà de la progression des saisies en quantités, la douane a pour consigne de multiplier les interventions sur les lieux publics, seule ou dans le cadre des Groupes d'intervention et de recherche, pour lutter contre les ventes à la sauvette.

Données clés

Auteur : M. Yvan Lachaud

Type de question : Question écrite

Rubrique : Agroalimentaire

Ministère interrogé : budget et réforme de l'Etat

Ministère répondant : budget et réforme de l'Etat

Dates :
Question publiée le 11 octobre 2005
Réponse publiée le 15 novembre 2005

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