armée
Question de :
M. Pierre-Louis Fagniez
Val-de-Marne (1re circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Pierre-Louis Fagniez appelle l'attention de Mme la ministre de la défense sur les conséquences sanitaires générées par les essais nucléaires français entre février 1960 et janvier 1996. De nombreux civils et militaires qui ont séjourné à proximité des sites d'expérimentation du Sahara et de Polynésie française endurent aujourd'hui de graves problèmes de santé, cancéreux, ophtalmologiques ou cardiovasculaires. Plusieurs médecins attribuent ces pathologies à la présence de leur patient à proximité d'un site d'essais nucléaires. Lors des actions en justice, pour obtenir droit à pension ou à indemnisation des préjudices, les tribunaux exigent la preuve scientifique du lien entre l'état actuel du plaignant et sa participation à des essais nucléaires, parfois plusieurs décennies auparavant. En août 2005, la décision d'un tribunal favorable à un vétéran atteint de polymyosite (maladie qui affecte les muscles et paralyse progressivement) a fait l'objet d'un appel aux motifs que cette maladie « n'est pas recensée par la médecine du travail comme pouvant être induite par l'exposition à des radiations » et que « pour la première fois, un tribunal s'était fondé sur la présomption d'imputabilité ». L'absence de suivi médical et de prise en charge financière spécifiques, comme cela se fait dans d'autres pays concernés (États-Unis, Nouvelle-Zélande et Australie), induit un développement des actions en justice envers l'État. En conséquence, il souhaite savoir si elle envisage la création d'un fonds d'indemnisation des victimes afin d'apaiser leurs souffrances psychologiques, et d'éviter ainsi de nombreux procès intentés à l'État. - Question transmise à M. le ministre délégué aux anciens combattants.
Réponse publiée le 21 mars 2006
Le ministre délégué aux anciens combattants souhaite préciser à l'honorable parlementaire que les dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre permettent la reconnaissance de l'imputabilité par preuve par tout moyen et à tout moment, sans condition de délai, et que la jurisprudence du Conseil d'État admet que la preuve peut être rapportée par un faisceau de présomptions, ce qui permet, dans le cas d'exposition prolongée à certaines substances, d'admettre l'imputabilité au service des affections en cause dans le cadre des pathologies énumérées sur les listes de maladies professionnelles. Toutefois, dans les décisions dont il a été interjeté appel, le seul fait retenu découlait de la seule présence des intéressés sur un site d'expérimentations nucléaires sans qu'il ne soit relevé aucun fait ou aucune circonstance particulière d'une contamination ou d'un incident à l'origine de l'affection. Dans certaines affaires, les juridictions ont même renversé la charge de la preuve, comme dans le cas évoqué, affirmant sans aucun élément de fait que l'affection était imputable au service, laissant la charge à l'État d'apporter la preuve contraire. Dans des cas où des faits ou des circonstances particulières de service ont été rapportés et une relation de l'affection avec ceux-ci établie, un droit à pension militaire d'invalidité a été accordé. Sur les sites du Sahara, environ 24 000 personnes ont participé à 17 essais nucléaires en six ans, de 1960 à 1966, tandis que 57 750 personnes ont oeuvré en Polynésie où 193 essais ont été effectués en trente ans, de 1966 à 1996. En 1990, par exemple, il était relevé la présence sur l'ensemble des sites du centre d'expérimentation du Pacifique de 1 500 militaires, 600 personnels civils métropolitains (Commissariat à l'énergie atomique et entreprises) et 1 000 personnels civils recrutés localement. Quelles que soient les différentes catégories de personnel, un suivi médical courant a été constamment assuré notamment à travers l'application de l'ensemble des dispositions nationales générales, spécifiques et locales. Les questions relatives aux incidences environnementales et sanitaires des essais nucléaires ont fait l'objet d'un rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques en date du 5 février 2002. Ce rapport n'a pas établi de lien entre les pathologies constatées et la participation aux expérimentations. Le département ministériel, conformément à la loi relative aux droits des malades, instruit et examine toutes les demandes de communication de dossier médical individuel avec toute l'attention légitime et nécessaire dans la plus totale transparence. Celui-ci peut permettre la reconnaissance d'un droit à pension lorsqu'une contamination par substances radioactives est avérée. Mais, il ne peut être reconnu de droit à indemnisation pour des affections du seul fait de la présence sur un site d'expérimentation. Si, dans certains cas, un droit à pension a été reconnu, dans d'autres, en l'absence d'éléments suffisants, il n'a pu qu'être interjeté appel de jugements insuffisamment motivés et ne reposant sur aucun fait. Quant à l'éventualité de la création d'un fonds d'indemnisation, son utilité ne se pose pas actuellement si l'on considère que les victimes ont droit à une pension qui peut leur être versée par le régime dont elles relèvent. De plus, il ne semble pas de bonne gestion, tant des régimes sociaux de réparation que des finances publiques, de faire échapper la prise en charge des différentes affections à caractère professionnel aux régimes en place pour lesquels les employeurs publics et privés ainsi que les salariés cotisent, sauf pour l'État d'abonder les crédits de ces régimes lorsque cela peut paraître indispensable. Le nombre de contentieux est limité actuellement à quelques dizaines de dossiers en matière de pension militaire d'invalidité.
Auteur : M. Pierre-Louis Fagniez
Type de question : Question écrite
Rubrique : Défense
Ministère interrogé : défense
Ministère répondant : anciens combattants
Dates :
Question publiée le 11 octobre 2005
Réponse publiée le 21 mars 2006