Colombie
Question de :
M. Gilles Artigues
Loire (1re circonscription) - Union pour la Démocratie Française
M. Gilles Artigues attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur les préoccupations d'Amnesty International au sujet de la loi justice et paix approuvée cet été par le congrès et ratifiée en juillet par le gouvernement de Colombie, qui vise à réguler la démobilisation des paramilitaires, déjà en cours. Depuis bien longtemps, cette ONG s'efforce de défendre les victimes civiles de ce conflit. Elle sait que toutes les parties (guérilla, forces de sécurité, paramilitaires) ont systématiquement violé les droits humains et le droit international humanitaire, qu'au cours des vingt dernières années plus de 70 000 personnes, essentiellement des civils, ont été tuées et que plus de trois millions de Colombiens ont été déplacés à l'intérieur du pays. Depuis décembre 2002, les paramilitaires ont proclamé un cessez-le-feu unilatéral, mais depuis cette date 23 000 homicides et disparitions peuvent encore leur être attribués. Elle s'inquiète que cette loi vise plus à démobiliser un grand nombre de combattants individuels qu'à garantir le démantèlement effectif des structures paramilitaires. Elle craint que le véritable objectif de ce texte soit surtout de garantir l'impunité aux paramilitaires impliqués dans des atteintes aux droits humains, en omettant de veiller à ce qu'ils fassent l'objet d'enquêtes judiciaires approfondies et impartiales. Elle craint que les membres des forces de sécurité qui ont soutenu les paramilitaires ne soient jamais identifiés et n'aient jamais à répondre de leurs actes. Elle craint, enfin, que ce texte, qui manque de transparence, ne permette à des membres des FARC, responsables de violations graves des droits humains, d'échapper à un jugement. Il le remercie de bien vouloir lui préciser les mesures qui seront prises, afin que le Gouvernement français n'apporte aucune aide politique et économique, de façon directe ou indirecte, au processus de démobilisation prévu par cette loi tant que le gouvernement colombien n'aura pas établi un cadre légal conforme aux normes internationales sur les droits des victimes à la vérité, à la justice et à des réparations.
Réponse publiée le 13 décembre 2005
La loi Justice et Paix, adoptée par le congrès colombien le 21 juin et promulguée par le Président Alvaro Uribe le 25 juillet pour démobiliser les « groupes armés illégaux », a fait l'objet des conclusions adoptées par le conseil affaires générales (CAG) de l'Union européenne le 3 octobre dernier. Ces conclusions définissent le cadre d'action de l'UE et proposent sur ce texte un point de vue nuancé. Le conseil a ainsi pris note de différentes réserves, exprimées notamment par le Haut commissariat des Nations unies aux droits de l'homme : importance insuffisante accordée à la nécessité d'un démantèlement effectif des structures paramilitaires collectives ; distinction floue entre les délits « politiques » et les autres types de délits ; peu de temps disponible pour enquêter sur les aveux et sur les avoirs susceptibles de provenir d'activités illicites ; possibilités réduites offertes aux victimes de demander réparation ; peines maximales limitées pour les délits les plus graves ; difficultés qu'éprouvera le système juridique colombien à répondre aux exigences de la nouvelle loi (paragraphe 5 des conclusions du CAG). Il a affirmé que la loi nécessite d'être mise en oeuvre de façon effective et transparente (paragraphe 6) et a décidé d'apporter une coopération aux groupes de victimes pour appuyer la mise en oeuvre de la loi (paragraphe 7). Suite à la définition de cette position commune, et dans le prolongement des conclusions du conseil, la France affirme de façon constante, auprès de ses partenaires européens, la nécessité d'une attention particulière concernant la mise en oeuvre de la loi Justice et Paix (en liaison notamment avec les Nations unies et la commission interaméricaine des droits de l'homme) et d'une grande vigilance de l'ensemble de la communauté internationale afin que la loi adoptée par le Congrès colombien puisse apporter, dans le respect des principes de justice, de vérité et de réparation, une pleine contribution à la recherche de la paix en Colombie. À ce stade, il semble notamment indispensable, avant que l'UE ne s'engage plus avant (dans le cadre d'un appui et non d'une substitution) dans une éventuelle assistance au gouvernement colombien ou à l'Organisation des Ëtats américains, qu'il soit procédé à une évaluation exhaustive de la mise en oeuvre de la loi Justice et Paix, afin de déterminer si celle-ci est effectuée « de manière effective et transparente », comme le prévoient les conclusions du CAG du 3 octobre.
Auteur : M. Gilles Artigues
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : affaires étrangères
Ministère répondant : affaires étrangères
Dates :
Question publiée le 1er novembre 2005
Réponse publiée le 13 décembre 2005