Question écrite n° 77295 :
armée

12e Législature

Question de : M. Arnaud Montebourg
Saône-et-Loire (6e circonscription) - Socialiste

M. Arnaud Montebourg appelle l'attention de Mme la ministre de la défense sur les vives réactions qu'a suscitées sa décision d'interjeter appel des décisions des tribunaux des pensions militaires de Quimper, Tours et Brest, reconnaissant la responsabilité du ministère de la défense dans les pathologies graves développées par trois anciens militaires présents sur les sites d'essais nucléaires du Sahara et de Polynésie française, et exposés au danger radioactif. Les motivations de cet appel, fondées sur les dispositions du code des pensions militaires précisant que la maladie, pour être reconnue, doit se déclarer au plus tard dans les quatre-vingt-dix jours suivant la fin du service, sont d'autant plus inacceptables qu'il est communément admis par la communauté scientifique que « les maladies imputables à la radioactivité peuvent se révéler jusqu'à plusieurs décennies après l'exposition au danger radioactif ». Face à la mauvaise foi troublante de son ministère et à ses refus entêtés de divulguer le nombre des civils et militaires présents sur les sites d'essais nucléaires entre le 13 février 1960 et le 27 janvier 1996, les vétérans, regroupés en diverses associations, s'indignent légitimement du peu de cas que la France fait de ses concitoyens victimes des essais nucléaires et demandent à ce que des dispositions concrètes soient prises, à l'instar des États-Unis, de la Nouvelle-Zélande, de l'Australie et de la Grande-Bretagne, en vue de reconnaître leurs droits à une pension d'invalidité. Aussi, il lui demande de lui indiquer si le ministère entend revoir sa position dans ce dossier et retirer les appels interjetés. - Question transmise à M. le ministre délégué aux anciens combattants.

Réponse publiée le 21 mars 2006

Le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre prévoit effectivement un délai de présomption pour la reconnaissance d'une pathologie présentée en service sauf pour l'administration à rapporter la preuve contraire. Cependant, il ne suffit pas d'avoir exercé telle profession ou d'avoir été exposé à tel produit pour que l'imputabilité soit admise, il faut apporter la preuve d'un fait ou de circonstances particulières de service. Il n'en demeure pas moins que les dispositions du code précité permettent la reconnaissance de l'imputabilité par preuve par tout moyen et à tout moment, sans condition de délai, sachant que la jurisprudence du Conseil d'État admet que la preuve peut être rapportée par un faisceau de présomptions, ce qui permet, dans le cas d'exposition prolongée à certaines substances, d'admettre l'imputabilité au service des affections en cause dans le cadre des pathologies énumérées sur les listes de maladies professionnelles. Dans certains cas où des faits ou des circonstances particulières de service ont été rapportés et une relation de l'affection avec ceux-ci établie, un droit à pension militaire d'invalidité a ainsi été accordé. Cela étant précisé, il apparaît que dans les décisions dont il a été interjeté appel, le seul fait retenu découlait de la seule présence des intéressés sur un site d'expérimentations nucléaires sans qu'il soit relevé aucun fait ou circonstance particulière d'une contamination ou d'un incident à l'origine de l'affection. Dans certaines affaires, les juridictions ont même renversé la charge de la preuve affirmant sans aucun élément de fait que l'affection était imputable au service, laissant la charge à l'État d'apporter la preuve contraire. Il n'a donc pu qu'être interjeté appel de jugements insuffisamment motivés et ne reposant sur aucun fait. Les informations relatives aux expérimentations nucléaires françaises ont fait l'objet de nombreuses publications, ainsi l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques - rapport sur les incidences environnementales et sanitaires des essais nucléaires effectués par la France entre 1960 et 1996 et éléments de comparaison avec les essais des autres puissances nucléaires, par M. Christian Bataille, député, et M. Henri Revol, sénateur - précise le nombre de personnels civils et militaires ayant servi sur des sites nucléaires. Ce rapport n'a pas établi de lien entre les pathologies constatées et la participation aux expérimentations. Il en ressort que sur les sites du Sahara, environ 24 000 personnes ont participé à dix-sept essais nucléaires en six ans, de 1960 à 1966, tandis que 57 750 personnes ont oeuvré en Polynésie où 193 essais ont été effectués en trente ans, de 1966 à 1996. En 1990, par exemple, on relevait la présence sur l'ensemble des sites du centre d'expérimentation du Pacifique de 1 500 militaires, 600 personnels civils métropolitains (Commissariat à l'énergie atomique et entreprises) et 1 000 personnels civils recrutés localement. Il est en outre mentionné que, quelles que soient les différentes catégories de personnel, un suivi médical courant a été constamment assuré notamment à travers l'application de l'ensemble des dispositions nationales générales, spécifiques et locales. Concernant le personnel recruté localement et pour l'ensemble de la période (1966-1996), on a relevé vingt cas de maladies professionnelles reconnues, le plus souvent liées aux activités de génie civil, cinq conjonctivites du ciment, cinq cas de gale du ciment et deux surdités par travaux sonores. Il a été déploré pendant toute la période un seul accident en juillet 1979 : il s'agissait d'une explosion chimique de vapeurs d'acétate lors de la décontamination d'un bunker (« Meknès ») dédié à des expériences de physique ; cet accident a fait deux morts et deux blessés. Pour l'ensemble des sites (Mururoa et Fangataufa) et leurs annexes (l'atoll de Hao par exemple), 250 000 dosimètres ont été distribués ; 57 750 personnes ayant participé aux expérimentations ont été surveillées par la mise en oeuvre d'une dosimétrie individuelle et collective. Le département ministériel, conformément à la loi relative aux droits des malades, instruit et examine toutes les demandes de communication de dossier médical individuel avec toute l'attention légitime et nécessaire dans la plus totale transparence et la législation sur les pensions militaires d'invalidité peut permettre la reconnaissance d'un droit à pension lorsqu'une contamination par substances radioactives est avérée. Mais il ne peut être reconnu de droit à indemnisation pour des affections du seul fait de la présence sur un site d'expérimentation. Il est laissé aux juridictions d'appel le soin d'apprécier le bien-fondé des appels de l'État.

Données clés

Auteur : M. Arnaud Montebourg

Type de question : Question écrite

Rubrique : Défense

Ministère interrogé : défense

Ministère répondant : anciens combattants

Dates :
Question publiée le 1er novembre 2005
Réponse publiée le 21 mars 2006

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