Question écrite n° 79487 :
entreprises

12e Législature

Question de : Mme Chantal Robin-Rodrigo
Hautes-Pyrénées (2e circonscription) - Socialiste

Spéculations, instabilité financière, fonds de pension qui exigent des entreprises des résultats beaucoup trop élevés... La logique financière est aujourd'hui partout. Elle privilégie, toujours plus, rendement de court terme plutôt qu'investissement de long terme. Depuis la fin des années soixante-dix, la finance a cessé d'être un acteur neutre, au service des entreprises. Elle est devenue un pouvoir autonome, le poumon du capitalisme. Avec la mondialisation économique et les politiques de dérégulation nationales, elle s'est révélée une formidable machine à fabriquer du profit pour les actionnaires. Un mouvement qui va de pair avec les délocalisations, qui diminuent les coûts de production en réduisant les salaires. Autant d'excès qui, pour les flatteurs de la mondialisation heureuse, sont dans la nature même du capitalisme. Toutefois, depuis quelque temps, le doute monte. Même des acteurs de la finance s'inquiètent. Il y a eu les témoignages alarmistes du fondateur d'Axa, Claude Bébéar, et celui d'Edouard Tétreau, un ex-analyste financier. Voici maintenant les analyses critiques de Jean Peyrelevade, ex-PDG du Crédit Lyonnais, qui met en garde contre le « capitalisme total », et celles de Patrick Artus, économiste à la banque Ixis, qui se demande si le capitalisme n'est pas « en train de s'autodétruire ». Dans la ligne de mire de ces observateurs, le court-termisme de cette forme de capitalisme. En effet, l'environnement financier de l'économie mondiale est désormais un environnement où l'horizon de programmation des investissements s'est raccourci avec pour corollaire une exigence de rentabilité du capital extrêmement forte. Dans les entreprises, tout est désormais conçu, pensé, dans l'intérêt des actionnaires. Cette nouvelle règle du jeu, qui a pour nom « corporate governance » (gouvernement d'entreprise), repose sur l'alignement des intérêts des managers et des détenteurs du capital. Le dirigeant est donc devenu un « serviteur zélé de la collectivité des actionnaires », mais il trouve quelques avantages à cet emprisonnement. Les actionnaires leur votent des plans de stock-options se traduisant en plus-values de plusieurs millions d'euros. Et, en cas d'échec, ils se font limoger, mais avec des indemnités de départ du même acabit. Résultat, les patrons qui, il n'y a pas si longtemps, se voyaient comme des « capitaines d'industrie », en sont réduits à penser « création de valeur », « retour sur fonds propres »... Et doivent, avant de prendre la moindre décision, passer leur temps à convaincre administrateurs indépendants, analystes financiers et gestionnaires de fonds que leur stratégie est bonne pour l'actionnaire. Quant aux salariés, ils sont devenus des variables d'ajustement, bons à être vendus, restructurés ou licenciés pour faire encore plus de profit. Mais ce système, outre qu'il est un accélérateur d'inégalités, conduit à une impasse. Les fonds de pension ne sont pas là pour accompagner les entreprises dans leur développement, mais réclament juste une hausse de l'action et des dividendes élevés, avant de revendre leurs titres au bout de quelques mois. En les satisfaisant, les entreprises creusent leur propre tombe : qui dit plus de profit redistribué aux actionnaires dit baisse des investissements, et donc absence de projet à long terme. Face à ces dérives, quelques solutions de bon sens sont proposées : encourager par la fiscalité le réinvestissement des profits, limiter les stock-options, contrôler de plus près les stratégies d'investissement des fonds de pension, faire contrepoids à la finance en imposant les salariés dans les conseils d'administration et en développant l'actionnariat salarié. Au final, c'est bien un retour du politique qui s'impose. Mais pas forcément au niveau de l'État. Comme le rappellent avec justesse les économistes de l'école de la régulation, la financiarisation des économies a eu pour effet de relâcher les liens de complémentarité qui régissaient pendant les Trente Glorieuses les entreprises et les politiques nationales. C'est seulement au niveau supranational que l'on pourrait renouer les liens entre deux mondes qui, aujourd'hui, s'opposent : celui du bien commun et celui des intérêts privés. Compte tenu de ces éléments, et d'une situation qui appelle un sursaut du politique face à la dictature de la finance, Mme Chantal Robin-Rodrigo demande désormais à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de lui indiquer la position et les intentions du Gouvernement concernant les « solutions de bon sens » ci-dessus exposées.

Données clés

Auteur : Mme Chantal Robin-Rodrigo

Type de question : Question écrite

Rubrique : Politique économique

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie, finances et emploi

Date :
Question publiée le 29 novembre 2005

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