entreprises
Question de :
M. Pierre Lang
Moselle (6e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Pierre Lang attire l'attention de M. le ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche sur les conséquences d'une jurisprudence contradictoire en matière de prescription des droits à rémunération des inventeurs salariés. Par un arrêt du 22 février 2005, la chambre commerciale de la Cour de cassation est revenue sur une position longtemps admise, qui appliquait au paiement des rémunérations d'inventions de mission de salariés la prescription quinquennale de l'article 2277 du code civil. Or la chambre commerciale observe que « la prescription quinquennale n'atteint les créances que si elles sont déterminées et qu'il n'en est pas ainsi » pour les rémunérations d'inventions de mission, au montant extrêmement variable, versé de manière non périodique sur plusieurs années. Ces rémunérations, très particulières, n'ont donc rien à voir avec les exemples cités par l'article 2277 du code civil (salaires, loyers...). Approuvée par la doctrine, cette nouvelle position de la chambre commerciale n'est toutefois pas celle de la chambre sociale de la Cour de cassation, qui a rendu un arrêt contraire le 5 mai 2004 (arrêt Portier c/Soletanche) sur la même question. Il en résulte une incertitude préjudiciable aux entreprises employant des inventeurs salariés, et les chercheurs eux-mêmes s'interrogent sur l'étendue de leurs droits à rémunération. La chambre commerciale a certes rejeté l'application de l'article 2277 du code civil, mais elle n'a pas précisé pour autant s'il faut maintenir le principe d'un délai de prescription et, si oui, quelle durée et quel point de départ doivent être retenus. Dès lors, une clarification apparaît nécessaire, pour lever les contradictions actuelles sur cette question. Au-delà, une réflexion plus globale s'impose ; alors que le Gouvernement multiplie les initiatives pour encourager la recherche, ne faut-il pas faire évoluer aussi le statut fiscal et social des rémunérations d'inventions de mission de salariés, afin de le rendre plus favorable ? La chambre commerciale, en ne considérant plus comme des compléments de salaires ces rémunérations particulières, incite en effet à revoir leur statut au plan fiscal et social. Il aimerait donc avoir son avis sur le délicat problème de la prescription éventuelle des droits à rémunération d'inventions de mission de salariés et, plus généralement, sur le statut fiscal et social qu'il estime le plus adapté à ces rémunérations.
Réponse publiée le 25 avril 2006
La décision du 22 février 2005 de la chambre commerciale de la Cour de cassation dans l'affaire X/société d'application des gaz, refuse le bénéfice de la prescription quinquennale aux créances constituées par des rémunérations supplémentaires versées par l'employeur à l'inventeur salarié dans le cadre de l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle. Cette décision constitue effectivement un revirement de jurisprudence par rapport à l'arrêt du 5 mai 2004 rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation dans l'affaire X/société Soletanche qui reconnaissait une telle prescription quinquennale. Dans l'état actuel du droit, c'est cette décision de février 2005 qui dit le droit : la prescription quinquennale prévue par l'article 2277 du code civil ne s'applique pas aux créances précitées ; seule une nouvelle décision contraire de la Cour de cassation permettrait de revenir à la situation antérieure résultant de la décision de mai 2004, ce qui constituerait un nouveau revirement de jurisprudence. À défaut de la prescription quinquennale prévue par l'article 2277 du code civil, c'est donc la prescription de droit commun, à savoir la prescription trentenaire qui trouve son application, ainsi que le prévoit l'article 2262 du code civil ; en effet, une prescription plus réduite, dix ou vingt ans, telle que prescrite par l'article 2265 et suivants du code civil, ne s'applique aucunement aux créances précitées. De même sont inapplicables en l'espèce les prescriptions particulières allant de six mois à cinq ans prévues dans les articles 2271 et suivants du code civil. Hormis cette question de prescription, la situation des inventeurs salariés est tout à fait claire, qu'il s'agisse du droit au titre, revenant à l'employeur en cas d'invention de mission, ou de la rémunération complémentaire perçue en cas d'exploitation d'une telle invention, ainsi qu'il ressort de l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle, complété par plusieurs décrets concernant les agents de la fonction publique ; il n'est actuellement pas prévu de nouvelles mesures à cet égard. En outre, la chambre commerciale de la Cour de cassation, dans son arrêt du 22 février 2005 relève à juste titre que ce n'est pas la nature salariale du complément de rémunération qui est contestée, mais le montant de cette rémunération supplémentaire. S'agissant du traitement fiscal, c'est une note de la direction générale des impôts de 1981 qui a établi que les rémunérations supplémentaires perçues par les inventeurs salariés ayant réalisé une invention de mission étaient assimilées, au niveau de leur traitement fiscal, à des revenus ; à ce titre, elles sont soumises aux charges sociales et doivent être déclarées comme des revenus. Là encore, la situation est claire et il n'est actuellement pas prévu de nouvelles mesures quant à la fiscalité de ces revenus.
Auteur : M. Pierre Lang
Type de question : Question écrite
Rubrique : Recherche
Ministère interrogé : enseignement supérieur et recherche
Ministère répondant : enseignement supérieur et recherche
Dates :
Question publiée le 6 décembre 2005
Réponse publiée le 25 avril 2006