marine
Question de :
M. Bruno Bourg-Broc
Marne (4e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
Lors d'un forum stratégique franco-allemand qui s'est tenu récemment à Paris, un intervenant a indiqué qu'il n'y aurait jamais eu de programme commun franco-allemand en matière de construction navale de bâtiments de guerre. M. Bruno Bourg-Broc demande à Mme la ministre de la défense quelles sont les raisons de cet état de fait et quelles sont les perspectives de coopération franco-allemande pour ce qui est de la satisfaction des besoins des marines nationales des deux pays.
Réponse publiée le 2 mai 2006
Les marines française et allemande entretiennent des relations denses, de nature essentiellement organique, qui se traduisent par des exercices, des échanges de personnel et de formations ainsi que par des détachements croisés. La coopération opérationnelle entre les deux marines est limitée, même si elle tend à se développer au travers de la force navale franco-allemande (FNFA). Des coopérations existent entre la France et l'Allemagne sur la torpille légère MU90, ainsi que dans différents secteurs technologiques (contre-mesures, sonars, lutte contre les mines, sécurité des munitions, bouées, interopérabilité...). Les deux pays n'ont en revanche jamais développé en commun de programme en matière de construction navale de bâtiments de guerre. La différence entre le périmètre d'action de la marine française et celui de la marine allemande explique pour une grande part l'absence de programme d'armement franco-allemand. En effet, la marine allemande est encore dimensionnée pour des missions en mer du Nord, en mer Baltique et en Méditerranée ; elle demeure marquée par une forte culture d'intégration dans les structures de commandement de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord. La marine française a, pour sa part, une vocation océanique et doit être capable de se projeter sur toutes les mers du globe. En outre, contrairement à la marine allemande, elle est fortement impliquée dans l'action de l'État en mer. En l'absence de besoin militaire allemand, aucune perspective de coopération n'existe entre les deux pays dans le domaine des porte-avions. En ce qui concerne les sous-marins, l'Allemagne ne développe aucun programme nucléaire à des fins militaires, alors que la France a choisi de ne doter sa marine que de sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) et de sous-marins nucléaires d'attaque (SNA), seuls bâtiments répondant aux besoins français de déploiement à grande vitesse et d'accompagnement du groupe aéronaval dans ses déplacements. Une coopération avec l'Allemagne pourrait être envisagée pour le développement et la production de la prochaine génération de sous-marins classiques proposables à l'exportation. Cependant, l'industrie navale allemande est actuellement en situation de concurrence à l'exportation avec les industriels français et espagnols qui construisent et proposent les sous-marins Scorpène. Il en va de même pour les sous-systèmes principaux et les armes. Le chantier allemand HDW, intégré depuis début 2005 dans le nouvel ensemble allemand TKMS (ThyssenKrupp Marine System), fournit à la marine allemande et propose à l'exportation un sous-marin d'attaque à propulsion classique, le U212, déjà commandé par plusieurs marines étrangères. Dans le domaine des frégates, l'absence de coopération entre la France et l'Allemagne s'explique par l'incompatibilité des calendriers d'acquisition respectifs de ces bâtiments au cours des deux dernières décennies, leur renouvellement obéissant à des rythmes propres à chaque pays. Ainsi, alors que le programme franco-italien de frégates multimissions (FREMM) est déjà concrétisé, l'Allemagne n'en est qu'au début de ses réflexions sur le remplacement de ses plus anciennes frégates. En outre, l'abandon par l'Allemagne du projet de construction d'un navire amphibie a ôté toute perspective de coopération sur le programme BPC (bâtiment de projection et de commandement de la classe MISTRAL). Pour autant, ce constat d'absence de programme franco-allemand ne remet pas en cause la perspective, à terme, de voir s'établir des rapprochements ou des coopérations transnationales dans le domaine naval entre les deux pays. Le contexte actuel est marqué par une phase de consolidation nationale des industries navales de défense, notamment engagée en France avec le projet de rapprochement entre DCN et Thales, comme en Allemagne, avec TKMS. Il est enviseageable et souhaitable qu'une nouvelle phase consiste à rapprocher les industries navales de défense européennes trop dispersées et concurrentes pour résister à la montée des pays de l'Asie du Sud-Est dans ce domaine. A cet égard, les états-majors français et allemands travaillent actuellement au rapprochement des formations initiales de leurs officiers de marine afin d'examiner dans quelle mesure ils pourraient proposer la construction d'un futur navire-école européen, appelée de ses voeux par le Président de la République dans son dernier discours aux ambassadeurs. Afin de faciliter la réalisation de capacités militaires et de programmes communs, de nouvelles orientations ont été prises dans le cadre de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD), en particulier la création de l'Agence européenne de défense et la signature, le 27 juillet 2000 à Farnborough (Royaume-Uni), d'un accord-cadre entre six pays européens (France, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne, Italie et Suède) reprenant les principes définis dans la Letter of Intent. En outre, dans le cadre du conseil franco-allemand de défense et de sécurité (CFADS), la France et l'Allemagne ont décidé ensemble de réorienter l'organisation de certaines structures afin de favoriser l'identification de projets communs, très en amont, avec la perspective de les mener soit de manière bilatérale, soit dans un cadre élargi au sein de l'Union européenne. Le CFADS bénéficie tous les six mois de comptes-rendus sur les avancées réalisées au niveau de ses groupes de travail. La France est résolue à s'appuyer sur cette instance qui, dans sa nouvelle configuration, pourrait s'avérer un moyen de pilotage efficace de la coopération dans le domaine des équipements militaires.
Auteur : M. Bruno Bourg-Broc
Type de question : Question écrite
Rubrique : Défense
Ministère interrogé : défense
Ministère répondant : défense
Dates :
Question publiée le 6 décembre 2005
Réponse publiée le 2 mai 2006